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L'Afrique en disruption de Candace Nkoth Bisseck – Le Point

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PROSPECTIVE. Cette « Africaine citoyenne du monde » regarde l’Afrique au fond des yeux et l’appelle à une introspection lucide pour vaincre le signe indien qui la poursuit.
Temps de lecture : 9 min
Jury, mentor, coach, accompagnatrice, conseillère d’entrepreneur(e)s africain(e)s, d’aspirant(e)s entrepreneur(e)s africain(e)s dans différents programmes sur plusieurs pays du continent, Candace Nkoth Bisseck a, au-delà de son amour cardinal pour l’Afrique, le goût du partage, surtout quand il s’agit « d’idées pratiques en direction d’acteurs et dirigeants investissant dans la création d’organisations plus diversifiées et inclusives ». Récemment invitée par l’organisation suisse Garret Motion Rolle Office, elle a exprimé sa joie de « partager (ses) connaissances acquises grâce à (son) expérience mondiale, à (son) travail en tirant parti de (sa) formation en leadership et de l’innovation comme outils d’inclusion et de développement ainsi que du soutien aux professionnels de divers horizons ».
Diplômée en droit de l’Université de Yaoundé 2, Candace Nkoth Bisseck a complété son cursus par un MBA de l’ESSEC, prestigieuse business school française qu’on ne présente plus. De quoi s’ouvrir les portes de plusieurs opportunités : la direction au Cameroun de la startup de commerce en ligne qui deviendra par la suite Jumia, la collaboration avec des institutions liées aux Nations unies, à l’OMC et à différents gouvernements dans le périmètre du numérique comme levier de développement, l’accompagnement de femmes seules ou déjà professionnelles dans de grandes organisations ou initiatives (eTrade for Women, l’Oréal et Caterpillar) à travers son entreprise Black Roses Mentors. Ce parcours de classe, qui n’en est qu’à ses débuts, lui a valu de recevoir en 2017 le prix McKinsey Next Generation Women Leaders et d’être encore plus reconnue au plan international au point d’être retenue par l’université de Stanford pour accompagner, à travers le programme Stanford Seed, des dirigeants de PME africaines de différents secteurs et les aider à développer leur entreprise par l’innovation.
Une trajectoire qui fait de cette « Africaine citoyenne du monde », se situant elle-même « à l’intersection de l’entrepreneuriat numérique, de l’accompagnement professionnel (missions de conseil, coaching, et formations) et du développement international, avec un intérêt particulier pour le développement des femmes », une conférencière extrêmement demandée. Invitée à la récente conférence de l’Autorité marocaine du marché des capitaux en marge de la 47e réunion annuelle de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), elle s’est exprimée, à côté d’autres intervenants, sur « la nouvelle disruption africaine ». Sur cette thématique, elle s’est confiée au Point Afrique.
Le Point Afrique : Au regard de vos observations, quelle disruption interne l’Afrique doit-elle réaliser pour se réconcilier avec elle-même politiquement, économiquement et socialement ?
Candace Nkoth Bisseck : Au regard des observations, que ce soit dans ma qualité antérieure de dirigeante d’entreprise ou dans mes activités de conseil, je fais plusieurs constats : les Africains sont éduqués, travailleurs et créatifs. Ce que j’observe notamment dans cette phase de 4e révolution industrielle, c’est que ce n’est pas nécessairement mettre l’accent sur la technologie, les compétences, les financements ou même les diplômes qui va faire avancer l’Afrique. Mais, c’est vraiment aller toucher le sujet auquel on ne touche jamais vraiment, à savoir l’état d’esprit et les croyances militantes des jeunes Africains.
Au regard de mon expérience, il m’est apparu que ce qui empêche la plupart du temps d’aller exprimer à l’échelle du monde le plein potentiel du talent africain, ce sont justement ces croyances militantes là, des croyances sur ce qu’on a le droit de faire ou de ne pas faire, mais aussi en lien avec l’état d’esprit lié à la culture d’origine, aux limitations créées par la situation politique dans les différents pays, à ce qu’on leur a dit dans leur famille et qui remonte parfois très loin, et même jusqu’à la colonisation. J’ai le sentiment que si on met l’accent sur résoudre les problèmes d’état d’esprit, creuser les questions de santé mentale et d’ouverture d’esprit et d’avoir le courage de briser certaines dynamiques historiques qui ne servent plus, on pourra faire un grand bond.
Il y a donc cette question d’état d’esprit qui compte vraiment, mais aussi celle de la compassion. Je m’explique. On est tellement distrait par le fait qu’on a été pénalisé par la colonisation et l’esclavage qu’on oublie même que, de manière interne, on a tendance à manquer de compassion les uns vis-à-vis des autres. Sur le continent, des dynamiques raciales, des dynamiques de caste et des dynamiques sociales participent à cela. Et c’est très difficile d’aller révolutionner le monde quand on n’est pas uni, quand on ne s’aime pas instinctivement les uns les autres avec nos possibles différences. Combien peut-on peser face à l’humanité quand, entre nous-mêmes, nous nous accordons une importance à géométrie variable en fonction de notre condition sociale, de notre caste ou de notre couleur de peau.
Enfin, il y a un dernier point qui me paraît important et sur lequel on n’insiste pas assez. C’est tout ce qu’il y a autour de la représentation et de la transmission. Cela passe par l’importance d’avoir des « role models » qui soient authentiques dans leur travail et qui expriment sincèrement ce qu’ils ont envie de faire de leurs idéaux. Ils vont pouvoir inspirer d’autres Africains de la même génération, mais aussi d’une génération plus jeune et les conduire à changer leur état d’esprit.
Donc, en résumé, il faut travailler sur l’état d’esprit, la compassion, la représentation et la transmission pour amorcer une disruption interne significative.

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Peut-on dire qu’il faut presque une révolte générationnelle pour réussir cette disruption ?
Il faut une soft révolte générationnelle. Cette révolution ne va pas passer par les armes mais par toucher les cœurs, toucher les esprits et les transformer de l’intérieur. Il va falloir que ce soit une révolution de masse mais de masse au sens du vent qui balaie silencieusement la cour, mais qui fait quand même bouger la poussière. Car il faut dépoussiérer les croyances limitantes des traumatismes. Aujourd’hui, il faut que la société civile et beaucoup d’individus privés soient engagés dans ce combat. Je le sais parce que je contribue à des grandes initiatives, mais aussi à de petites dans ce sens.
À mon sens, le vrai déclic se passera quand les dirigeants, les gouvernements et les politiques auront le courage et décideront, à leur tour, d’investir dans la transformation des états d’esprit. Cela demandera du courage parce que nécessitant de potentiellement faire face au rejet de personnes qui seront plus éclairées, d’anciennes méthodes de leadership et de travail. Cela demandera aussi de faire ce sacrifice d’investir dans un meilleur état d’esprit de la prochaine génération non pas pour son intérêt personnel, mais pour un développement plus durable et pour le bien-être de la communauté.

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Cela pourrait-il passer par les programmes dans les écoles ?
Ce serait extraordinaire que cela passe par les programmes éducatifs. Aujourd’hui, cela est beaucoup fait à la marge par des associations, des fondations et des individus privés. Si le ministère de l’Éducation par exemple le décidait, ce pourrait être au cœur des programmes. Si dans les programmes africains on enseigne beaucoup de choses sur la Seconde Guerre mondiale, on constate qu’on n’enseigne pas tous les aspects de l’Histoire y compris à l’échelle nationale, parce que c’est encore un peu frais, parce qu’on n’est pas fier du rôle de tel leader politique, etc. Tout changerait si les gouvernements avaient le courage de faire des transformations dans l’éducation. Par exemple, aller au-delà d’apprendre à seulement mémoriser ou à faire des maths et recevoir un enseignement qui dise et raconte la vérité de l’Histoire, un enseignement qui affranchisse mentalement. Nous avons un potentiel énorme en plus de nos matières premières. Il est autour de notre force, de notre créativité et de notre intellect. La seule chose qui nous manque, c’est la transformation de notre état d’esprit.

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Quelles disruptions vous paraissent devoir être réalisées dans la relation de l’Afrique avec le reste du monde ?
J’ai le sentiment qu’à partir du moment où l’Afrique se connaîtra et s’aimera mieux, à partir du moment où les Africains se connaîtront mieux entre eux, ils auront le courage de s’affranchir et seront plus et mieux unis les uns avec les autres. Et s’aimer mieux, c’est aimer mieux nos pauvres, c’est aimer mieux nos riches, nos Noirs, nos Arabes, etc. À partir de ce moment-là, très naturellement, on aura une autre attitude face au monde. En fait, cela se passe comme dans le contexte familial. Quand on vient d’une famille où on se sent aimé par son père, par sa mère, par ses frères, par ses sœurs, quand on va à l’école, quand on va dans le voisinage, on n’a pas la même attitude que l’enfant qui se fait taper, qui se fait maltraiter au sein de sa famille. J’ai le sentiment qu’à partir du moment où l’Afrique privilégiera le bien-être de l’Africain, pas seulement en surface en mettant des objectifs de développement durable sur la couverture, mais en allant en profondeur et en se posant la question « Qu’est-ce que je peux faire pour que le citoyen africain le plus vulnérable vive quand même dans la dignité et le bien-être », le regard des autres changera et notre regard sur les autres changera aussi, car on aura retrouvé de la dignité chez nous. On ne se sentira plus comme des citoyens de seconde classe à l’échelle mondiale.

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Vous avez manifestement l’Afrique dans votre cœur et à cœur. Pour quelle Afrique vous battez-vous ?
Je me bats pour une Afrique qui vit son plein potentiel. L’homme africain est un être extraordinaire, qu’il vive en Afrique ou évoluant dans un environnement de diaspora, y compris celui des Afro-Américains. Il faut en effet se rappeler qu’aux États-Unis, les Afro-Américains n’ont pas eu accès aux piscines pendant de nombreuses années. Cela ne les a pas empêchés de gagner des médailles d’or dans les compétitions internationales. C’est dire combien l’Homme africain a la capacité à révolutionner le monde malgré le fait d’avoir vécu dans le passé dans des conditions d’oppression extrême.
Moi, ce que je voudrais, c’est que l’Africain reprenne vraiment la place centrale qu’il mérite à l’échiquier du monde. On voit de manière épisodique combien son potentiel est énorme notamment parmi ceux de la diaspora qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que ceux sur le continent. Ce serait bien qu’on le voie sur le continent même, où on veut aussi de la sécurité, du développement et de la prospérité pour tous et pas de l’abondance pour les plus riches et la précarité pour les autres. En somme, je rêve d’une Afrique qui rayonne de son plein potentiel pas seulement artistique et sportif, mais aussi en termes d’innovation et de transformation du monde extérieur.
Peut-on dire que vous vous battez pour une Afrique puissante économiquement et résiliente socialement ?
On peut dire que je me bats pour une Afrique puissante économiquement et satisfaisante pour ses citoyens les plus vulnérables.

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