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La peau dans tous ses états (revue Topiques, Études satoriennes) – Fabula

La peau dans tous ses états
Numéro spécial de la revue Topiques, Études satoriennes
Si le corps a déjà été l’objet d’interrogations satoriennes lors du XXe colloque de la SATOR (Le corps romanesque : images et usages topiques sous l’Ancien Régime, Montréal, 2006), la peau, humaine ou animale, surface à déchiffrer ou objet de valeur convoité, n’a encore jamais été spécifiquement abordée sous cet angle. Ces dernières années ont cependant montré un intérêt croissant pour cet objet d’études chez les historiens, les sociologues et les spécialistes de littérature[i].

Ce manque d’intérêt s’explique sans doute par la préséance accordée au visage dans les études sur la représentation des passions au XVIIe siècle et dans les textes de l’époque[ii] qui ont quelque peu limité les débats. Véritable « miroir de l’âme[iii] », le visage est souvent visé à travers le corps « éloquent » ou « parlant » au point d’éclipser la peau. Pourtant, nombre des phénomènes observés débordent du visage, atteignent la gorge, les épaules, les mains et concernent en premier lieu la peau, tels les « changements de couleur[iv] ».

Ce numéro spécial de Topiques, Études satoriennes sera structuré en fonction des axes d’étude suivants :

Axe 1 : Interpréter la peau d’autrui

Lucie Desjardins note que « ce qui se peint sur le visage [ou sur la peau] ne devient signe que pour celui qui sait lire[v]. » Ce déchiffrement se partage entre science du cœur humain et séméiotique, une branche de la médecine considérée comme « la science des signes[vi] ». Comment les personnages parviennent-ils à interpréter la peau d’autrui ? Sur quels savoirs basent-ils leurs déductions ? Qui est en mesure d’interpréter, dans quels buts ? Quels signes attirent leur attention ? Comment utilisent-ils leurs conclusions ?

–       Les faux médecins et autres charlatans basent-ils certains de leurs diagnostics sur la peau ? Ces parodies suscitent-elles le rire chez les contemporains qui reconnaissent certains travers ?

–       Les « changements de couleur », rougissement ou pâleur, véritables « prétextes à l’écriture des émotions », « élément de la communication non-verbale des protagonistes[vii] » font progresser les intrigues du roman des Lumières. Jouent-ils le même rôle à d’autres époques ?

–       Les marques corporelles ou signes « anamnestiques[viii] » (petite vérole, fleur de lys[ix]) reflètent-elles toujours la dépravation ? leur absence est-elle la preuve des qualités morales ? Que dire encore des taches de rousseur et grains de beauté ?

–       S’agit-il toujours de perceptions visuelles ? Dans quels contextes s’agit-il au contraire de toucher (douceur, température) ? Le sens de la distance est-il plus fiable que le sens du contact ?

–       Quelles hiérarchies se mettent-elles en place parallèlement dans les textes et dans la société ? Une peau d’une blancheur éblouissante trahit-elle toujours le sang bleu ? Comment sont jugées les peaux noires ou olivâtres (Espagnols, Portugais, Amérindiens) ? Quel est le rôle des cosmétiques ?

Axe 2 : Maîtriser la peau

Offerte aux regards des autres lorsqu’elle n’est pas cachée par les vêtements et les accessoires, (gants et chaussures), la peau dit ou trahit l’état d’un corps et l’état d’une âme : santé, maladie, émotions et sentiments sont particulièrement susceptibles de transparaître sur le visage[x]. Ainsi soumise au regard et à l’interprétation d’autrui, elle est l’objet des tentatives de maîtrise du sujet. Ces tentatives peuvent prendre des directions diverses :

–       Embellir la peau ou à l’inverse masquer ses imperfections (teint terne, boutons, cicatrices etc.). Que l’on songe, par exemple, aux topoï de la jeune coquette utilisant des fards ou de la vieille femme qui cherche à cacher ses rides et sa peau affaissée, toutes deux condamnées par les moralistes. La Bruyère se moque ainsi de Lise, femme de 40 ans, qui « pendant qu’elle se regarde au miroir, qu’elle met du rouge sur son visage et qu’elle place des mouches, […] convient qu’il n’est pas permis à un certain âge de faire la jeune[xi] ». Qu’en est-il des hommes qui chercheraient également à perfectionner ou à cacher l’aspect d’une surface séduisante ou repoussante ? La peau malade ou vieillie ne peut-elle être que fardée ou soustraite aux regards par la fuite ou la retraite ?

–       Maîtriser les signes cutanés. Reprenant le titre d’un article de Jean-Christophe Abramovici, nous pouvons nous demander comment hommes et femmes, peuvent « commander le silence à [leur] physionomie[xii] » ? La maîtrise de soi peut-elle empêcher pâleur et rougissement, ou magie et sorcellerie viennent-elles en aide pour modifier l’aspect de la peau ? Lorsqu’il s’agit de combattre les signes du vieillissement, les stratagèmes occultes prennent-ils le pas sur les remèdes réalistes ? Empruntant à la tradition du conte, Marivaux invente dans La Voiture embourbée, l’histoire d’un magicien qui « appliqué aux sciences occultes et même à la chimie », a « le secret de changer de corps, quand le [sien] est trop usé[xiii] ». Lorsqu’il le souhaite, il quitte son corps pour entrer dans celui qu’il a choisi et devant ceux qui croyaient ce corps mort, il donne adroitement quelques signes de vie : « je conserve la pâleur d’un malade, mais c’est une pâleur pour ainsi dire fantastique[xiv] ». Ce stratagème n’empêche pas le magicien de devoir affronter sa vieillesse une fois par semaine et de d’être « contraint de reprendre sur [s]on visage toutes les rides et toute la laideur de [s]on âge[xv] ».

–       Soigner la peau. La peau blessée dans un combat ou affectée par une maladie est-elle l’objet de descriptions particulières impliquant l’évocation des soins qu’on lui apporte ? Qu’applique-ton sur la peau lésée ? quels effets produisent onguents et opérations médicales ? Quelle fonction cette peau diminuée à soigner a-t-elle dans la narration ?
 
Axe 3 : La peau-objet

Mythes, fables et contes recèlent d’exemples de peaux d’animaux dérobées, portées, procurant force ou déguisement comme l’a récemment montré le volume coordonné par Frédéric Vial[xvi].

–       Chez Perrault, une peau d’âne devient un « masque admirable[xvii] », permet à la Princesse de s’enfuir et devient son nom. Les guerriers des sagas nordiques allaient au combat en portant une peau d’ours pour s’en attribuer la puissance[xviii]. Un âne vêtu de la peau d’un lion fait « trembler tout le monde[xix] », un Renard enfilant la peau d’un loup mort espère améliorer son ordinaire[xx], un Loup revêt un « habit de Brebis[xxi] » mais ne peut tromper le berger. Retrouve-t-on ces motifs dans d’autres littératures ?

–       Inversement, le Prince Cochon peut « laisser sa peau de cochon[xxii] » et reprendre forme humaine grâce à une fée. D’autres métamorphoses sont-elles envisagées comme des peaux à mettre ou à ôter ?

D’autres œuvres, parfois plus éloignées du merveilleux, s’intéressent non aux utilisations de la peau, mais aux supplices qui lui sont infligés :

–       De l’écorchement de Marsyas détaillé par Ovide dans ses Métamorphoses aux marquages perpétrés dans les romans sadiens (coup de martinet ou d’acier, brûlure, coupe au scalpe etc.), la peau est l’objet de multiples supplices, transformant celle-ci en une matière que le bourreau façonne selon ses envies. Comment la violence cutanée s’inscrit-elle dans le texte ? Comment s’opère le processus de réification de la peau qui devient la source de plaisir et le trophée de celui qui inflige ses sévices ?

–       Les animaux entre eux s’infligent également différents supplices : les protagonistes du Roman de Renart sont souvent mutilés, certains perdent la peau du visage, comme Brun[xxiii] (branche I). Pour guérir le roi lion selon les conseils de Renart, Ysengrin perd la peau de son dos et Brichemer une « courroie d’un bout à l’autre du dos[xxiv] » (branche XIX).

 
La SATOR privilégie la recherche topique dans le domaine de la littérature narrative de langue française de l’Antiquité à 1800, les approches comparatistes et interculturelles, éventuellement hors de ce cadre temporel, sont toutefois vivement encouragées.

L’on se reportera aux outils théoriques de la SATOR pour accompagner les réflexions (https://sator.hypotheses.org/983).

Les propositions d’article (250 à 500 mots) sont à envoyer avant le 1er mars conjointement à Clémence Aznavour (clemence.aznavour@gmail.com) et Élodie Ripoll (ripoll@uni-trier.de). Une réponse sera donnée dans un délai de 2 semaines.

La date limite de l’envoi de l’article, pour soumission à une double évaluation à l’aveugle, sera le 1er septembre 2023. La publication des articles est prévue pour 2024.

Bibliographie

Abramovici, Jean-Christophe, « “Commander le silence à sa physionomie” : la rougeur des hommes », Dix-huitième siècle, La Couleur des Lumières, éd. Aurélia Gaillard et Catherine Lanoë, n°51, 2019, p. 305-319.

Andrieu, Bernard (éd.), La peau : enjeu de société, Paris, CNRS, 2008.

Bénac-Giroux, Karine (éd.), Poétique et politique de l’alterité : colonialisme, esclavagisme, exotisme (XVIIIe-XXIe siècles), Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres, Série Le dix-huitième siècle », 2019.

Bouveur-Devos, Karine, « Le paradoxe de la nudité chez Sade », Le Corps romanesque – Images et usages topiques sous l’Ancien régime. Actes du XXe colloque de la SATOR avec figures, éd. Monique Moser-Verrey, Lucie Desjardins et Chantal Turbide, p. 119-129.

Braude Benjamin, Barras Vincent et Pigeaud Jackie (éd.), La pelle humana/The human skin, Micrologue, 13, 2005. 

Calas, Frédéric (éd.), Peau d’âne et peaux de bêtes : variations et reconfigurations d’un motif dans les mythes, les fables et les contes, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, coll. « Mythographies et sociétés », 2021.

Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques et Vigarello Jean-Jacques (éd.), Histoire du corps, Paris, Éditions du Seuil, 2005, 3 vol.

Courtine, Jean-Jacques et Haroche, Claudine, Histoire du visage : Exprimer et taire ses émotions (XVIe– début XIXe siècle), Paris, Payot, 1994.

Desjardins, Lucie, Le corps parlant : savoirs et représentation des passions au XVIIe siècle, Sainte-Foy, Québec & Paris, Presses de l’Université Laval/L’Harmattan, coll. « Les Collections de la République des lettres », 2001.

Gallouët, Catherine, « Le corps noir dans la fiction narrative du XVIIIe siècle : Voltaire, Montesquieu, Behn, de La Place, Castilhon, de Duras », Le Corps romanesque – Images et usages topiques sous l’Ancien régime. Actes du XXe colloque de la SATOR avec figures, éd. Monique Moser-Verrey, Lucie Desjardins et Chantal Turbide, Québec, PUL, 2009, p. 103-118.

Lanoë, Catherine, La poudre et le fard : une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2008.

Pastoureau, Michel, L’ours, Paris, Éditions du Seuil, 2007.

Ripoll, Élodie, « La couleur dans le roman des Lumières. Enjeux, emplois et évolutions », Dix-huitième siècle, La Couleur des Lumières, éd. Aurélia Gaillard et Catherine Lanoë, n°51, 2019, p. 77-92.

Schaub, Jean-Frédéric et Sebastiani, Silvia, Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel histoire », 2021.

Vigarello, Georges, Histoire de la beauté : le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 2004.

 
[i] Bernard Andrieu (éd.), La peau : enjeu de société, Paris, CNRS, 2008 ; Karine Bénac-Giroux (éd.), Poétique et politique de l’altérité : colonialisme, esclavagisme, exotisme (XVIIIe-XXIe siècles), Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres, Série Le dix-huitième siècle », 2019 ; Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel histoire », 2021.
[ii] Voir par exemple Marin Cureau de La Chambre, Les caractères des passions, 5 vol., 1640-1662, L’art de connoistre les hommes d’après la physionomie, 1663 ; La Belliere de la Niolle, La Physionomie raisonnée ou secret curieux pour connoitre les inclinations naturelles de chacun par les regles naturelles, 1664 ; Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, éd. J. Lichtenstein & Ch. Michel, Paris, ENSBA, 2007-2015, 6 t.
[iii] Jean-Jacques Courtine et Claudine Haroche, Histoire du visage : Exprimer et taire ses émotions (XVIe– début XIXe), Paris, Payot, 1994, p. 33.
[iv] Descartes, Les Passions de l’âme [1649], éd. J.-M. Monnoyer, Paris, Gallimard, 1988, art. 112, p. 219.
[v] Lucie Desjardins, Le corps parlant : savoirs et représentation des passions au XVIIe siècle, Sainte-Foy, Québec, Paris, Presses de l’Université Laval, p. 64.
[vi] Menuret, article « Séméiotique, ou séméiologie, (Médecin. semeiotiq.) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot, D’Alembert et Jaucourt (1751-1772), vol. XIV (1765), p. 937a–938b.
[vii] Élodie Ripoll, « La couleur dans le roman des Lumières. Enjeux, emplois et évolutions », Dix-huitième siècle, La Couleur des Lumières, éd. Aurélia Gaillard et Catherine Lanoë, n°51, 2019, p. 86.
[viii] Menuret distingue trois types de signes, les signes anamnestiques « tous les signes qui nous rappellent l’état dans lequel le corps s’est trouvé plus ou moins long-tems auparavant ; […] petite vérole […] ; les cicatrices […] » (Menuret, article « Signe (Médecine séméiotiq.) », Encyclopédie, op. cit., vol. XV (1765), p. 188a–189a).
[ix] Jaucourt, article « Fleur-de-lis » (Jurisp. Franç.), ibid., vol. VI (1756), p. 851 [859]a.
[x] Voir Jean-Jacques Courtine et Claudine Haroche, Histoire du visage, op. cit.
[xi] La Bruyère, Les Caractères, Paris, Librairie Générale Française, 1995, p. 180.
[xii] Jean-Christophe Abramovici, « “Commander le silence à sa physionomie” : la rougeur des hommes », Dix-huitième siècle, La Couleur des Lumières, op. cit., p. 305-319.
[xiii] Marivaux, Œuvres de jeunesse, éd. Frédéric Deloffre avec le concours de Claude Rigault, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1972, p. 365.
[xiv] Ibid., p. 366.
[xv] Ibid., p. 368.
[xvi] Voir Frédéric Calas (éd.), Peau d’âne et peaux de bêtes. Variations et reconfigurations d’un motif dans les mythes, les fables et les contes, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Mythographies et sociétés », 2022.
[xvii] Perrault, « Peau d’âne », Contes merveilleux, éd. Tony Gheeraert, Paris, Honoré Champion, 2005, p. 157.
[xviii] Cf. Michel Pastoureau, L’ours, Paris, Éditions du Seuil, 2007, p. 66.
[xix] La Fontaine, « L’Âne vêtu de la peau du Lion » (XXI, livre V), Fables, éd. Jean-Charles Darmon et Sabine Gruffat, Paris, Librairie Générale Française, 2002, p. 178-179.
[xx] La Fontaine, « Le Loup et le Renard » (IX, livre XII), ibid., p. 360.
[xxi] Philippe Desprez, Le Théâtre des animaux, Paris, chez Guillaume le Be, 1644, p. 41.
[xxii] Madame de Murat, « Le Roi Porc », Contes, éd. Geneviève Patard, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 204.
[xxiii] Le Roman de Renart, éd. J. Dufournet, L. Harf-Lancner, M.-T. Medeiros, et J. Subrenat, Paris, Honoré Champion, 2013, t. 1, p. 163-167.
[xxiv] Le Roman de Renart, t. 2, 2015, p. 359-369. 
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