En décembre 2016, le plan pour la mixité sociale dans les collèges était lancé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Depuis, 17 départements ont initié des politiques publiques locales dédiées pour lutter contre les inégalités et la ségrégation sociale dans les collèges. Marine Calazel, conseillère du président de la Haute-Garonne, revient dans cette note de l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation, préfacée par Iannis Roder, co-directeur de l’Observatoire de l’éducation, sur les particularités de ce plan au sein du département : concertation citoyenne et avec l’ensemble des parties prenantes, accompagnement spécifique et dispositif d’incitation financière inédit.
« Les établissements scolaires français sont touchés par un phénomène puissant de ségrégation sociale, véritable “bombe à retardement pour la société française1Propos de Nathalie Mons, présidente du Conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO), conférence de comparaisons internationales « Mixité sociale, scolaire et ethnoculturelle : quelles politiques pour la réussite de tous les élèves ? », Paris, 4 et 5 juin 2015.”, dont les effets dévastateurs sont aujourd’hui mis en évidence par plusieurs recherches scientifiques internationales », nous prévient Marine Calazel, conseillère du président du département de Haute-Garonne, Sébastien Vincini.
De fait, il n’échappe plus à personne aujourd’hui que notre école discrimine sur des bases sociales et en 2015, nous rappelle une note de la Direction de la l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), « une politique pour favoriser la mixité sociale au collège a été lancée par le ministère chargé de l’Éducation nationale. À l’échelle locale, les décideurs ont été incités à mettre en œuvre des mesures favorisant la mixité au collège. Ces acteurs locaux incluent les conseils départementaux, qui sont notamment chargés de la sectorisation des collèges – c’est-à-dire de définir pour chaque adresse de résidence d’un élève un collège public de rattachement (ou parfois plusieurs). Ils incluent également les services départementaux de l’Éducation nationale, qui gèrent en particulier les demandes de dérogation des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège public que le collège de secteur. Des expérimentations ont été lancées […]2Évolution de la mixité sociale des collèges, note d’information de la DEPP, juillet 2022. ».
La récente publication, par le ministère de l’Éducation nationale, des IPS (Indices de position sociale) qui mesurent la composition sociale d’une école ou d’un établissement scolaire (publics ou privés sous contrats) confirme la forte ségrégation sociale qui existe au sein de l’école française.
Les collèges classés en Réseau d’éducation prioritaire (REP) de la ville de Toulouse sont la parfaite illustration de ces discriminations sociales, les deux collèges REP+ du quartier du Mirail concentrant jusqu’à 85% d’élèves issus de familles défavorisées. La fracture sociale est donc un fait très marqué et porteur de difficultés présentes, mais aussi à venir.
Dans les faits, la concentration d’élèves dans des établissements scolaires en fonction de leurs milieux sociaux témoigne de l’archipélisation dont parle Jérôme Fourquet3 Jérôme Fourquet, L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Paris, Seuil, 2019., c’est-à-dire des fractures à l’œuvre dans la société française, plaçant la question de la mixité sociale en milieu scolaire au cœur des enjeux présents et futurs. Ils sont ici décisifs si notre pays veut parvenir à construire une société apaisée et à répondre à la promesse républicaine de la possible ascension sociale par l’école.
Le premier enjeu est donc de rendre possible la fréquentation de l’école, le temps de l’école, par des élèves issus de milieux sociaux différents. Les études PISA ont montré qu’en France, ce sont d’abord les enfants pauvres qui souffrent d’un fort déclassement scolaire et que le fossé avec les enfants des familles favorisées se creuse encore et encore. Concentrer ces élèves dans des espaces de relégation sociale ne peut que les enfermer dans des spirales d’échec dont ils ne pourront jamais sortir.
Cette situation se double aujourd’hui, le plus souvent dans les grandes métropoles et villes importantes, d’une absence de mixité culturelle. Pour être clair, les populations pauvres concentrées dans des quartiers sont très largement issues d’une immigration plus ou moins récente. Véhiculant davantage que l’ensemble des Français un fort attachement à des pratiques sociales traditionnelles, voire traditionnalistes, mais aussi à la croyance et aux pratiques religieuses, leur concentration dans des territoires entraîne nécessairement la concentration de leurs enfants dans certains établissements scolaires. La conséquence de cela est que la ghettoïsation sociale se double d’une ghettoïsation culturelle, car les professeurs, le plus souvent issus d’autres espaces et d’autres milieux sociaux, deviennent dès lors, pour les élèves, les seuls contacts avec une altérité, avec une autre société, que ne connaissent pas, ou si peu, nombre de ces enfants.
L’école est un espace de découverte et d’ouverture au monde, elle l’est par les savoirs dispensés qui s’appuient sur la raison et la science, permettant à tous les enfants de France de découvrir ce que leur milieu familial ne leur donne pas nécessairement la possibilité de connaître, mais elle doit aussi l’être par les rencontres et par la fréquentation d’enfants issus d’autres milieux. Ceux-là véhiculent potentiellement, par leur culture familiale, d’autres visions du monde. La confrontation apaisée, dans le cadre de l’école, entre des populations issues de cultures diverses et porteuses notamment de conceptions différentes du poids et du rôle de la religion est aujourd’hui devenue essentielle.
Un autre enjeu tient à l’évitement scolaire dont nous savons qu’il aggrave l’absence de mixité sociale et culturelle, ce que nous rappelle fort justement Marine Calazel pour l’agglomération toulousaine. Chercher à contourner la carte scolaire de l’enseignement public pour éviter à son enfant ce que l’on pense être négatif participe de l’enfoncement de notre société dans ces séparations synonymes de fractures. Des parents cherchent ainsi à soustraire leurs enfants de ce qu’ils pensent relever d’une double insécurité, celle du climat scolaire qui serait moins favorable aux apprentissages dans certains établissements et entraînerait, pour tous, baisse de niveau et retard dans les progressions, mais aussi celle de la violence, qui serait plus importante dans certains établissements4Pour un développement sur cette double insécurité, je me permets de renvoyer à Iannis Roder, Allons z’enfants, la Répubique vous appelle, Odile Jacob, 2018 p. 240-243.. Le rôle de l’institution et sa gestion de ces questions sont ici centraux et doivent donner lieu à une réflexion profonde.
Rassurer les parents doit donc être une priorité de l’Éducation nationale et des politiques publiques. C’est ainsi que l’enrichissement de l’offre pédagogique des collèges socialement les plus défavorisés pour les rendre plus attractifs pour les familles peut être un levier, mais n’est guère suffisant. Le dialogue avec les parents a représenté une part importante du travail du département de Haute-Garonne, mais ne s’est pas concentré uniquement sur les parents des milieux favorisés, car il a aussi fallu rassurer les parents des enfants devant quitter tous les matins leurs quartiers et s’éloigner de leur lieu de vie.
L’évitement scolaire est également patent par le biais de l’enseignement privé, lequel ne répond à aucune carte scolaire. L’enseignement catholique, de très loin le plus important de l’enseignement privé, se défend toutefois d’accueillir un taux important d’enfants issus des milieux populaires (20% de ses collèges et 40% de ses lycées comptent au moins 20% de boursiers). Mais les écarts sociaux entre l’enseignement privé et l’enseignement public sont importants, comme en témoigne, au sein des collèges, la part d’élèves issus de milieux très favorisés qui fréquentent l’enseignement privé sous contrat (40,1 %) quand ils sont 19,5% à fréquenter l’enseignement public5Évolution de la mixité sociale des collèges, op. cit., juillet 2022.. De plus, les élèves les plus défavorisés sont scolarisés à 42,6% dans des collèges publics et à 18,6% dans des collèges privés sous contrat6Évolution de la mixité sociale des collèges, op. cit., juillet 2022.. Très loin derrière l’enseignement public en matière de diversité sociale, l’enseignement privé sous contrat (98% des établissements privés) nourrit, de fait, la ghettoïsation scolaire.
La publication des IPS confirme ce constat : les 5 305 collèges publics ont un IPS moyen de 99,9 points contre 114,2 pour les 1 662 collèges privés sous contrat dont 72% ont un indice supérieur ou égal à la moyenne nationale contre 41% des collèges publics7Plus le score de l’IPS est élevé, plus l’établissement en question montre donc que élèves sont issus de milieux favorisés.. Les résultats sont sensiblement équivalents pour le premier degré puisque la moyenne des IPS est de 101,2 points pour les 27 548 écoles publiques contre 112 points pour les 4 242 écoles privées sous contrat, dont 71% ont un indice supérieur ou égal à la moyenne nationale (102,7) contre 47% pour les écoles publiques. Nous notons néanmoins que la ségrégation s’aggrave encore au collège, quand les enjeux scolaires apparaissent comme plus importants aux parents.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté scolaire, il s’agit de réfléchir à la part que chacun doit prendre pour que la France continue de faire nation.
Le rôle essentiel joué par la politique de l’habitat social est une évidence et les collectivités locales ont aussi leur part à prendre, en collaboration avec les services de l’État et notamment les rectorats, pour œuvrer à repenser des politiques d’habitat créatrices de ghettos sociaux et donc scolaires, mais aussi les politiques de construction du bâti scolaire et notamment des situations géographiques des établissements. Le département de Haute-Garonne n’a ainsi pas hésité à détruire un collège pour le reconstruire plus loin.
L’expérience menée en Haute-Garonne, dont les premiers résultats semblent positifs et sont réellement encourageants, aussi bien en termes scolaires qu’en termes sociaux, est le produit d’une réelle volonté politique et de l’engagement des acteurs concernés dans une politique volontariste et menée de concert. Elle est aussi l’exemple que si l’impulsion doit être donnée d’en haut, c’est-à-dire du plus haut niveau politique, ce qui semble être la volonté du ministre Pap Ndiaye, la réalisation ne peut se faire qu’au niveau local, au plus près des réalités du terrain, en impliquant tous les acteurs (collectivités locales, Éducation nationale, parents) afin de répondre au mieux aux problématiques particulières que rencontre chaque espace.
De fait, les expériences ne peuvent être dupliquées telles quelles, mais elles doivent être connues afin de donner des exemples et donc des bases de réflexion pour mettre en œuvre ce qui peut l’être. Ni les problématiques, ni les mises en œuvre ne peuvent être les mêmes, que l’on se trouve en centre-ville d’une grande métropole, dans une banlieue, dans un espace périphérique, voire dans le rural. Pourtant, dans chacun de ces espaces, l’école doit œuvrer à la construction de la nation de demain et à la perpétuation de la République, en répondant à ses promesses.
Personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Nul ne peut accepter que, dans certains espaces, la seule altérité à laquelle sont confrontés des enfants français soit les enseignants. Ne fréquentant que des enfants de leur quartier qui pensent tous le monde de la même manière ou presque, ils ne confrontent leur vision du monde à aucune autre qui serait portée par d’autres enfants, mais uniquement par des adultes qui représentent dès lors un autre monde, un monde auquel ils n’appartiennent pas, un monde qui n’est pas le leur et dans lequel ils ne peuvent se reconnaître. Ils construisent dès lors un « nous » et un « vous » destructeur et annonciateur de fractures qui dépasseront le simple fait social et qui toucheront tous les Français, quels qu’ils soient et où qu’ils vivent. Notre responsabilité est commune.
Si la question de la justice sociale a toujours été importante et doit guider les futures réflexions et éventuelles réformes de l’école, elle se double aujourd’hui d’une question culturelle et politique qui ne peut qu’être prise en compte, car il y va de notre avenir commun.
Il faut dès lors saluer l’heureuse initiative du département de la Haute-Garonne et de son ancien président, Georges Méric, poursuivie aujourd’hui par Sébastien Vincini, qui illustre le fait qu’au niveau local la volonté politique est centrale face à des enjeux qui sont bien plus larges que le simple cadre scolaire.
Les derniers rapports en date du Conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO) révèlent que notre système scolaire français est un des plus inégalitaires parmi les pays de l’OCDE. Les établissements scolaires français sont touchés par un phénomène puissant de ségrégation sociale, véritable « bombe à retardement pour la société française8Propos de Nathalie Mons, présidente du Conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO), déjà cité, 4 et 5 juin 2015. », dont les effets dévastateurs sont aujourd’hui mis en évidence par plusieurs recherches scientifiques internationales9Rapport international « Que font les autres pays pour la mixité sociale à l’école ? », CNESCO et Conseil supérieur de l’Éducation du Québec ; Son Thierry Ly et Arnaud Riegert, « Mixité sociale et scolaire, ségrégation inter et intra établissement dans les collèges et lycées français », 10CNESCO, juin 2015. : échec scolaire, décrochage, déscolarisation, perte de confiance en soi et d’ambition scolaire, problèmes de santé publique et montée des violences scolaires. A contrario, de nombreuses études démontrent les dimensions positives de la mixité sociale à l’école, à la fois dans les processus d’apprentissage, comme facteur d’ouverture à l’autre et de tolérance, mais aussi dans les processus de socialisation.
Si la loi d’orientation pour la refondation de l’école de la République de 201311Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République parue au JORF du 9 juillet 2013. a marqué sans conteste une avancée, elle est néanmoins restée en quelque sorte au milieu du gué. La notion de mixité y apparaît, certes, mais comme un cadre facultatif, principalement délégué aux acteurs locaux. Il faut ensuite attendre le 13 décembre 2016 et le plan pour améliorer la mixité sociale dans les collèges de Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche12« Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur la mixité sociale et scolaire au collège, Paris, le 13 décembre 2016 », Vie publique, 13 décembre 2016., pour que 17 départements, dont la Haute-Garonne, puissent expérimenter des politiques publiques locales.
Toutefois, selon Choukri Ben Ayed13 « Choukri Ben Ayed : la mixité sociale, c’est possible », Le Café pédagogique, 12 mars 2021., professeur de sociologie à l’université de Limoges, co-directeur du GRESCO (Groupe de recherches sociologiques sur les sociétés contemporaines – laboratoire commun aux universités de Poitiers et de Limoges), « les projets les plus avancés sont ceux qui se sont inscrits dans la durée, en précédant l’expérimentation ministérielle. Celle-ci a joué en quelque sorte un rôle de catalyseur de ces initiatives éparses ».
En 2015, la Haute-Garonne comptait 117 collèges : 96 publics (dont 4 en réseau d’éducation prioritaire « REP » et 5 en réseau d’éducation prioritaire renforcé « REP+ ») et 21 privés. La ville de Toulouse comptait, à elle seule, 24 collèges publics et 12 privés. Si, en moyenne globale, les collèges toulousains étaient plutôt équilibrés, il existait une forte concentration d’élèves favorisés dans les collèges privés et une forte concentration d’élèves défavorisés dans les collèges publics14Voir diapositives 8 à 15 du diaporama de présentation des constats présentés par le CD31 lors de la première réunion publique de concertation du 8 septembre 2016, rubrique « Les concertations »..
En prenant en référence la moyenne toulousaine de 31 % d’élèves défavorisés15L’ensemble des taux indiqués sont issus des données 2015 du rectorat de Toulouse suivant la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de l’Insee., de fortes disparités ont été constatées entre les établissements. Les écarts de composition sociale s’accompagnaient d’écarts en termes de performance scolaire.
Les 9 collèges publics classés REP et REP+ en Haute-Garonne se situaient dans Toulouse et, parmi eux, les 5 collèges REP+ avaient les taux d’élèves défavorisés les plus importants (entre 60 % et 80%). Les 2 établissements REP+ situés au cœur du quartier prioritaire du Mirail, Raymond Badiou et Bellefontaine, frôlaient les 85% d’élèves défavorisés. Or, ces établissements recrutaient dans leur secteur de proximité, dans des quartiers où le taux de familles défavorisées est déjà très élevé et qui, du fait de la concurrence entre établissements publics et privés, perdaient encore une partie des rares élèves favorisés habitant dans le quartier.
Pour résumer, la problématique de la mixité pouvait s’expliquer en trois phénomènes cumulatifs : d’abord, une concurrence entre les secteurs public et privé, qui voit, à Toulouse surtout, une part importante des élèves issus des classes les plus favorisées scolarisée dans les collèges privés alors que les collèges publics concentrent une part beaucoup plus importante d’enfants issus des familles les plus défavorisées.
Ensuite, une ségrégation urbainequi ne permet plus à la sectorisation classique des collèges d’améliorer leur mixité sans déséquilibrer la composition sociale de nombreux établissements limitrophes (la conjugaison de ces deux phénomènes engendre des situations de concentration extrêmes dans certains établissements).
Enfin, un phénomène global d’évitementdes familles pour atteindre un « meilleur » collège public. En effet, les collèges publics toulousains sont confrontés à un phénomène massif d’évitement du collège de secteur. Si près de la moitié des élèves domiciliés dans un secteur donné n’étaient pas scolarisés dans son collège public de secteur, ce phénomène s’expliquait à peu près en deux parts égales par des inscriptions dans les collèges privés et par des inscriptions dans d’autres collèges publics, par dérogation ou par le biais des options d’enseignement qui ne sont pas offertes dans tous les établissements.
Les familles qui choisissent un autre collège public le recherchent à proximité de leur domicile et s’orientent très souvent vers un établissement où le taux d’élèves favorisés est plus important que celui du collège de secteur. Ce phénomène est cependant en partie masqué par le fait que les élèves qui quittent leur collège de secteur sont remplacés par d’autres élèves qui viennent d’établissements moins favorisés.
Ces constats ont été dressés en 2015 par le président du département de la Haute-Garonne d’alors16Georges Méric, élu le 1er avril 2015, a démissionné pour des raisons personnelles. Sébastien Vincini, premier vice-président depuis 2015, a été élu à la tête du département le 13 décembre 2022. qui a décidé d’agir pour lutter contre les déterminismes sociaux et l’entre-soi, pour rétablir l’équilibre du profil social des collèges du territoire et pour offrir à tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale et géographique, les mêmes chances de réussite. Localement, le département devait également répondre à la forte pression démographique nécessitant de revoir en profondeur le programme de construction de nouveaux collèges et la révision de la carte scolaire17La Haute-Garonne attend plus de 3 000 nouveaux collégiens pour les cinq prochaines années. Son programme pluriannuel d’investissement dans les collèges s’élève à 420 millions d’euros pour la construction de 22 nouveaux collèges et la réhabilitation de 5 établissements d’ici à 2027..
C’est ainsi qu’est né le plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges, qui représente encore aujourd’hui un réel défi pour le département. La collectivité se fonde sur ses obligations au titre de sa mission d’éducation et de sectorisation, mais aussi sur son rôle de chef de file de l’action sociale. C’est également un enjeu du volet cohésion sociale du contrat de ville, dont la collectivité est partenaire.
Mais si l’objectif était clair, il se heurtait au principe de réalité. La sectorisation classique étant fondée sur le territoire de proximité, une urbanisation ségrégative se traduit automatiquement par une absence de mixité sociale au sein des collèges. Or, la géographie des quartiers toulousains montre que les quartiers favorisés et les quartiers défavorisés, au sens des catégories socioprofessionnelles qui y habitent, sont rarement contigus. Ces territoires sont en effet séparés par des zones relativement mixtes, dans lesquelles les collèges bénéficient aussi d’une relative mixité.
Dans ce contexte, modifier les frontières des secteurs de recrutement des collèges publics induisait de profonds changements pour les familles, sans pour autant résoudre le problème : l’impact sur les collèges très défavorisés aurait été marginal, alors que les collèges relativement mixtes dans les zones intermédiaires auraient été fragilisés du point de vue de leur composition sociale. À l’échelle de la métropole toulousaine, sans intervention des pouvoirs publics, le risque d’une fracture sociale et territoriale aurait été accru, avec des effets dévastateurs pour les jeunes générations et la société dans son ensemble.
Le conseil départemental ne pouvait donc pas agir seul sur ce dossier, en actionnant l’unique levier de la carte scolaire. Pour porter ses fruits à long terme, la démarche devait être menée conjointement avec l’ensemble des parties prenantes devant coopérer et agir en synergie : ville et métropole au titre du contrat de ville, l’Éducation nationale, l’enseignement privé, les enseignants, les parents d’élèves, les acteurs institutionnels et associatifs du monde éducatif et social, les élèves eux-mêmes.
Cette concertation citoyenne a été l’élément clé de la réussite du projet en permettant son appropriation par tous les acteurs concernés.
Elle s’est déroulée sur neuf mois, en trois temps, avant la mise en place de comités de suivi réguliers :
– les quatre premiers mois, de septembre à décembre 2016, ont été consacrés à la concertation pour aider à la prise de décision. Il s’agissait de partager les constats et le diagnostic, de débattre des enjeux et des hypothèses de travail pour faire émerger des mesures partagées et acceptables avant le vote de la décision en janvier 2017 ;
– les cinq mois suivants, de février à juin 2017, une fois le programme voté par l’assemblée départementale, la concertation a porté sur les moyens pour la réussite du projet. L’ensemble des acteurs ont été associés dans et autour des collèges concernés pour créer les conditions de la réussite dans le domaine de l’accompagnement des élèves, des enseignants et des parents (transports, organisation et moyens pendant les temps scolaire et périscolaire), pour une application concrète à partir de septembre 2017.
– enfin, à compter de septembre 2017, le conseil départemental a mis en place deux comités de suivi pour faire le point régulièrement sur les avancées du programme et ses difficultés : l’un institutionnel composé du conseil départemental, de la ville de Toulouse, de Toulouse métropole, de la préfecture, des représentants des personnels et des parents membres du CDEN (Conseil départemental de l’Éducation nationale), les 11 principaux des collèges d’accueil ; et l’autre associatif en lien avec les 5 associations du quartier du Mirail et les associations partenaires en charge de l’accompagnement.
Par ailleurs, une doctorante en sciences de l’éducation, Isabelle Bertolino18Voir la thèse d’Isabelle Bertolino, « La co-constitution référentielle comme processus d’apprentissage organisationnel. Le cas de la recherche-intervention évaluative du plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges haut-garonnais »., a également été engagée par convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) avec le département afin d’accompagner le projet et mener une évaluation sociologique du programme.
Cette concertation sur le terrain a été menée avec l’appui d’un organisme de médiation extérieur non toulousain financé au titre du contrat de ville. Au total, en neuf mois, plus de 1 000 personnes ont été rencontrées. 24 réunions publiques ont été organisées sur le périmètre métropolitain, dont 15 au sein des collèges concernés par le projet, tandis qu’en parallèle, plus de 30 rencontres bilatérales avec l’ensemble des partenaires, y compris l’enseignement catholique, ont permis d’entendre les différents partenaires et acteurs de terrain, tant au niveau politique qu’au niveau technique.
Tout le contenu du projet était négociable : les solutions proposées, les collèges concernés, les mesures d’accompagnement et le calendrier d’application. En revanche, il était précisé que les objectifs recherchés, c’est-à-dire la réussite scolaire pour tous les élèves et l’apprentissage du vivre-ensemble, n’étaient pas négociables.
Si les enjeux liés à la mixité faisaient consensus, les solutions étaient multiples et parfois complexes. Elles devaient être pragmatiques, s’adapter au contexte local et surtout être coordonnées entre tous les acteurs.
Pouramorcer le débat avec les partenaires, un certain nombre de propositions concrètes avaient été formulées : ne pas déstabiliser les collèges « intermédiaires » qui sont mixtes, mais restent fragiles et doivent être confortés ; concentrer les efforts sur les collèges publics très favorisés et les collèges très défavorisés ; associer ces établissements en binômes dans le cadre de regroupements de secteurs ; gérer ces regroupements en laissant le libre choix aux familles, ces dernières étant prioritaires pour maintenir leurs enfants dans leur collège de proximité si elles le souhaitaient ; étudier des solutions de transport adaptées entre les collèges associés en binôme ; accompagner les élèves les plus en difficulté accueillis dans les établissements favorisés ou bien rénover les collèges les plus défavorisés afin de les rendre plus attractifs.
Ces propositions présentées lors des premières réunions publiques ont rencontré de vives critiques, surtout sur le principe de libre choix accordé aux familles. Les objections ont été quasi unanimes tant de la part du rectorat que des principaux de collèges, des organisations syndicales des enseignants et des associations de parents d’élèves. Tous ont pointé les difficultés engendrées par cette mesure, à l’instar du risque réel pour les collèges REP+ de perdre encore leurs meilleurs élèves, de déprécier encore plus l’image de ces collèges REP+ alors qu’ils doivent lutter contre les stratégies d’évitement, de mécontenter des familles si toutes les demandes d’affectation de leurs enfants dans un collège plus favorisé ne sont pas accordées et, bien sûr, de créer de l’incertitude, source de stress pour les familles.
Enfin, le conseil départemental a été critiqué pour sa proposition d’opérer de manière indifférenciée pour les 5 collèges REP+ sans tenir compte des spécificités de chacun, notamment du fait que 3 de ces établissements sont situés dans des secteurs de recrutement relativement mixtes sur le plan urbain, ce qui n’est pas le cas des 2 autres collèges situés au cœur du Mirail (Raymond Badiou et Bellefontaine). Pour les 3 établissements mixtes, un consensus est apparu sur la nécessité de conforter leur implantation actuelle en coordonnant les efforts pour redonner confiance aux familles plus favorisées qui aujourd’hui les évitent massivement.
À l’issue de cette première phase de dialogue, tenant compte des critiques et des oppositions, un projet remanié a été proposé, abandonnant les solutions identiques pour les 5 collèges REP+, l’association des collèges deux par deux, l’affectation des élèves au choix des familles et la recherche de solutions à l’échelle de la seule commune de Toulouse.
À la place, le nouveau projet, co-construit offrait :
– des solutions différenciées pour chacun des cinq collèges REP+ selon sa situation ;
– une approche mesurée et progressive d’accueil des élèves des quartiers défavorisés dans les collèges les plus favorisés ;
– une valorisation et un développement des initiatives existantes dans les collèges REP+ en faveur de la mixité ;
– et la recherche de solutions non pas seulement à l’échelle de la ville de Toulouse, mais à l’échelle de la métropole toulousaine.
Ces nouvelles propositions ont amené le département, en accord avec le rectorat, à prendre une décision difficile, mais nécessaire pour sortir de la spirale de la non-mixité et donner toutes les chances de réussite aux élèves : fermer progressivement les deux collèges du Mirail, Raymond Badiou et Bellefontaine, qui subissaient de plein fouet la ségrégation urbaine et scolarisaient près de 85% d’élèves issus de familles de catégories socioprofessionnelles défavorisées. L’objectif était de reconstruire, à proximité, dans des secteurs de rattachement géographiques plus mixtes, deux nouveaux collèges à horizon 2022, mais aussi d’établir en conséquence une nouvelle carte scolaire prenant en compte un profil social mixte.
Pour ce faire et en attendant l’ouverture des deux nouveaux collèges, une nouvelle sectorisation progressive a été établie pour les élèves entrant en 6e. Ainsi, en septembre 2017, les élèves scolarisés en CM2 dans les 5 écoles du secteur de rattachement du collège Raymond Badiou sont entrés en 6e dans 5 collèges favorisés de la métropole toulousaine. Le nombre d’élèves du programme mixité s’élevait dans chaque classe de 6e à cinq maximum. Pour permettre l’affectation des élèves, chacun des cinq territoires d’écoles concernées a été appareillé à un collège favorisé identifié sur trois critères cumulatifs :
– un critère socio-économique : la composition sociale à dominante très favorisée des élèves ;
– un critère de capacité : le nombre de places disponibles hors dérogations entrantes ;
– et un critère géographique : le temps de transport entre le quartier défavorisé et le collège favorisé ne devant pas excéder le temps de transport scolaire départemental (trente minutes en moyenne par trajet).
La même méthode a été appliquée en septembre 2019 pour l’entrée en 6e des élèves de CM2 des écoles du secteur de rattachement du deuxième collège, Bellefontaine, avec l’affectation des élèves dans 6 collèges d’accueil à la population plus favorisée.
Les deux collèges ont fermé leurs portes définitivement à l’été 2020 et l’été 2022. Ainsi, au total 1 140 élèves ont été scolarisés dans un des 11 collèges d’accueil de l’agglomération toulousaine.
Le département a mis en place 17 navettes permettant un transport direct et gratuit des élèves vers les 11 collèges d’accueil ; de plus, il attribue à chaque élève une carte de transport gratuite pour un aller-retour quotidien.
Un accompagnement dans les bus est assuré par « Loisirs, éducation, citoyenneté grand Sud » (LEC grand Sud), association partenaire soutenue par le conseil départemental. Ainsi, une vingtaine d’accompagnateurs sont déployés matin et soir dans chaque bus pour veiller au bon déroulement des trajets et faire le lien avec les familles et les associations du quartier. En effet, la LEC organise des temps de rencontre avec les familles afin de répondre aux inquiétudes éventuelles, d’expliquer le fonctionnement du transport scolaire et d’assurer si nécessaire une médiation en cas de tensions (en binôme avec la mission civisme et sécurité du département). Le bilan sur quatre ans ne fait part d’aucun incident majeur.
À l’intérieur des 11 collèges d’accueil, le département finance des actions de médiation assurées par l’association de la Fondation étudiante pour la ville (AFEV) durant la pause méridienne, grâce à l’animation d’ateliers thématiques ou par des interventions en classe en lien avec les enseignants. Ce sont ainsi deux résidents en service civique qui interviennent dans chaque collège d’accueil (10 à 15 heures par semaine, 28 semaines par an), soit 22 résidents au total.
L’ensemble de ces mesures d’accompagnement mises en œuvre par le département représente un budget annuel de 900 000 euros.
La réussite du dispositif n’était possible que si l’Éducation nationale affectait les moyens nécessaires pour que les collèges d’accueil intègrent et accompagnent la scolarité des élèves et accompagnent le corps enseignant ; de même que le rectorat veille aux dérogations accordées dans des collèges plus favorisés.
L’Éducation nationale a clairement été partie prenante, même si le temps ne se mesure pas de manière égale entre cette administration déconcentrée et une collectivité locale autonome. Le premier directeur académique avec lequel le projet a été bâti a réussi, malgré parfois la défiance, à mettre en place un moyen qui s’est avéré primordial pour la réussite du programme : la limitation à 25 élèves par classe en 6e dans les collèges d’accueil. Il l’a fait avec volontarisme et sur une dotation de moyens constante. En effet, les deux ministres de l’Éducation nationale qui se sont succédé entre le début du projet en 2016 et jusqu’en 2021 n’ont pas augmenté les moyens dédiés à l’académie de Toulouse. En outre, la Haute-Garonne a connu, sur les cinq années du projet, quatre recteurs et trois directeurs académiques, obligeant le département, à chaque nouvelle arrivée, à reprendre le dialogue, à convaincre et à retisser les liens de confiance nécessaires pour que l’expérimentation perdure.
Les discussions menées avec les différents acteurs avaient montré que la recherche de mixité sociale dans les collèges nécessitait d’être accompagnée financièrement. Le département a donc créé un système financier incitatif ayant pour objet d’offrir aux établissements, publics comme privés, accueillant une part importante d’élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées, les moyens de réaliser des projets éducatifs ambitieux susceptibles de corriger les inégalités et le déterminisme social.
Les règles de ce dispositif de « bonus/malus » ont été annoncées au secteur public comme au secteur privé un an avant leur mise en œuvre dans un objectif de transparence, ce qui laissait aux collèges en situation de déséquilibre le temps pour s’adapter et au conseil départemental le temps d’accompagner leurs efforts.
Ce dispositif est appliqué depuis janvier 2019 de manière progressive sur trois années. Il consiste à moduler une partie de la dotation de fonctionnement attribuée par le conseil départemental aux collèges en fonction d’un ratio mesurant la mixité sociale au sein des établissements. Il ne s’applique qu’à la part éducative de cette dotation et ne touche pas à la part structurelle qui permet le fonctionnement et l’entretien courant des bâtiments.
Le critère retenu pour la modulation de la part éducative est celui du taux d’élèves issus de familles relevant des professions et catégories sociales (PCS) défavorisées (sur la base des données fournies par l’Inspection académique). Sachant que le taux moyen des PCS défavorisées dans les collèges haut-garonnais était de 24% pour l’année scolaire 2016-2017 (année de référence), le dispositif s’établit selon trois possibilités :
– la première option consiste à augmenter la part éducative dans les collèges au taux d’élèves défavorisés supérieur à 25% ;
– la deuxième option consiste à maintenir la part éducative, d’une part, dans les collèges dont le taux d’élèves défavorisés est compris entre 10% et 25% et, d’autre part, dans les collèges dont le taux d’élèves défavorisés est à la fois inférieur à 10% et supérieur au taux d’élèves défavorisés habitant dans le secteur de recrutement du collège de secteur ;
– la troisième option consiste à diminuer la part éducative dans les collèges dont le taux d’élèves défavorisés est à la fois inférieur à 10% et inférieur au taux d’élèves défavorisés habitant le secteur de recrutement du collège de secteur.
Ainsi, la part éducative varie entre 22 euros et 70 euros par élève, pour une moyenne de 54 euros. En 2022, sur les 97 collèges publics, 56 ont bénéficié d’un bonus et un d’un malus, les autres restant dans la tranche intermédiaire. Pour les 21 collèges privés du territoire, 8 sont dans la tranche intermédiaire et 13 se voient appliquer un malus.
Cet encouragement se mesure d’abord à l’adhésion des familles. En effet, depuis le lancement du programme, les familles concernées ont très majoritairement respecté leur nouveau secteur d’affectation. À la dernière rentrée scolaire, les taux de respect de la nouvelle carte scolaire ont atteint 75% (secteur Raymond Badiou) et 78% (secteur Bellefontaine), contre un taux moyen global de respect de 60% à Toulouse.
Concernant les résultats scolaires, deux cohortes d’élèves à avoir bénéficié de ce dispositif ont passé le diplôme national du brevet (DNB) en juin 2021 et en juin 2022, soit après quatre et cinq ans de mise en œuvre.
Leurs résultats sont nettement supérieurs à ceux de leurs aînés, autrefois scolarisés au collège Badiou : 63% des élèves en 2021 et 70,6% en 2022 ont obtenu leur brevet là où la proportion n’était que de 50% de réussite pour les élèves scolarisés au collège Badiou (+ 13 points)19Tous les résultats présentés sont issus de la Direction académique des services de l’Éducation nationale de Haute-Garonne..
Par ailleurs, concernant l’entrée en lycée, en accord avec l’académie de Toulouse et le conseil régional Occitanie, les élèves du programme mixité ont eu le choix entre intégrer le lycée de secteur historique (lieu de résidence) ou intégrer le lycée rattaché au secteur de leur collège d’accueil.
Quatre élèves sur cinq ont choisi d’entrer au lycée du secteur rattaché au collège d’accueil.
Enfin, sur l’orientation des élèves, plus de la moitié choisit une orientation en filière générale :
– 54,1% sont entrés en seconde générale et technique (contre 52,4% en 2021) ;
– 33,8% sont entrés en seconde professionnelle (contre 35% en 2021) ;
– 3,8% sont entrés en CAP (contre 7% en 2021) ;
– 3,8% ont redoublé (3% en 2021).
Les résultats scolaires ne peuvent pas, à eux seuls, permettre de mesurer l’impact du programme sur la réalité de la mixité. L’évaluation d’un tel programme doit prendre en compte des facteurs multiples. Le conseil départemental a donc passé avec une doctorante en sciences de l’éducation, Isabelle Bertolino, un contrat CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche), dont les travaux ont porté, tout au long du déploiement du programme, sur les enjeux de dynamique de socialisation des élèves20Isabelle Bertolino, doctorante, « La co-constitution référentielle comme processus d’apprentissage organisationnel. Le cas de la recherche-intervention évaluative du plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges haut-garonnais ». Thèse à l’université Toulouse II Jean-Jaurès, sous la direction de Dominique Broussal et de Fatiha Tali Otmani dans le cadre de Comportement, Langages, Éducation, Socialisation, Cognition (CLESCO), en partenariat avec EFTS – Éducation, Formation, Travail, Savoirs (UMR-MA 122).. Les travaux concernent donc l’évolution des comportements et des rapports sociaux entre les élèves, l’implication des familles, le travail des équipes pédagogiques… Ce travail de recherche se fonde sur une méthode d’évaluation participative, à laquelle 60 personnes participent depuis le début du projet et qui constitue un panel représentatif de l’ensemble des parties prenantes : élèves, parents, enseignants, associations de quartier.
Le rapport définitif d’évaluation sera rendu au printemps 2023. Toutefois, des tendances se dégagent :
– le sentiment des élèves d’appartenance à leur établissement d’accueil ;
– le recours aux réseaux d’entraide entre élèves ;
– l’autonomie des élèves dans les moyens de déplacement ;
– l’ouverture culturelle.
Selon Isabelle Bertolino, « nos conclusions, c’est que la mixité sociale est en fait une problématique d’adultes. En aucun cas une problématique d’élèves. Les dynamiques de socialisation observées sont les mêmes dans les collèges mixité. On est sur de l’exploratoire, c’est une situation nouvelle. Très clairement, les élèves sont dans une mobilité sociale naturelle propre à cette phase de leur développement. On leur offre un contexte diversifié et ils en bénéficient avec toute la pertinence qu’on a à cet âge-là et qu’on est curieux et qu’on a beaucoup moins de préjugés et stéréotypes que les adultes. Ils n’ont pas à s’intégrer puisqu’ils arrivent en 6e et que tous les élèves doivent s’intégrer en arrivant en 6e. C’est un vrai défi pour l’ensemble des élèves, pas seulement pour ceux du Mirail21Propos tirés d’un entretien : « Toulouse : les Rencontres de la mixité sociale à l’école et le bilan d’une expérimentation locale », La Dépêche, 15 février 2022. ». Le réel effet positif d’ores et déjà visible est donc l’autonomie acquise par les élèves du Mirail qui ont appris la mobilité ; cette mobilité qui donne la liberté de choisir et de se sentir libre d’aller partout et d’envisager pour l’avenir de vivre ou travailler en dehors de son quartier.
À la rentrée de septembre 2022, une partie des élèves des anciens secteurs du Mirail ont continué d’être scolarisés dans les collèges d’accueil. Les autres ont été sectorisés dans deux nouveaux collèges construits par le département dans des zones urbaines relativement mixtes, en frange de quartier pour assurer un équilibre social des effectifs. Ils ont ouvert leurs portes à cette rentrée pour accueillir trois niveaux de classes (6e, 5e et 4e)22Les indices de position sociale de ces deux nouveaux établissements ne sont pas encore connus, l’inspection académique n’ayant pas encore transmis, en décembre 2022, les éléments chiffrés..
La sectorisation de ces deux nouveaux collèges a fait l’objet de quatre mois de concertation citoyenne avec l’ensemble des parties prenantes entre septembre et décembre 2021 et a été adoptée par les élus départementaux en janvier 2022. Par ailleurs, des projets pédagogiques spécifiques sont proposés aux élèves dans ces deux nouveaux établissements, autour des arts vivants pour l’un et des métiers de l’image pour l’autre.
Cinq ans après le lancement du programme, la Haute-Garonne peut d’ores et déjà se féliciter d’avoir trouvé une alternative crédible à l’éducation prioritaire puisqu’avec ce plan, le nombre de collèges classés réseau d’éducation prioritaire renforcé a baissé, passant de 5 à 3.
Par ailleurs, des enseignements peuvent au moins être tirés sur la méthode. La démarche d’écoute immersive grâce à la concertation citoyenne et sa souplesse ont été un élément clé de la réussite du projet. Toucher ainsi à l’équilibre social des collèges ne peut réussir qu’à condition que tout le monde s’approprie le projet et s’en sente acteur. Jamais un tel programme n’aurait pu voir le jour s’il avait été le fruit d’un travail « en chambre » du conseil départemental et s’il avait été imposé aux familles et aux équipes enseignantes. Le fait qu’une collectivité travaille en transparence et remanie son projet en tenant compte des critiques émises par les acteurs concernés a permis de donner son crédit au projet.
Selon Etienne Butzbach, coordinateur du réseau mixités à l’école du CNESCO, « la politique de mixité sociale menée par le département de la Haute-Garonne se singularise sur plusieurs points : son ampleur, son inscription sur le long terme, la multidimentionnalité du projet, le partenariat soutenu avec l’Éducation nationale et le dialogue citoyen constant avec les acteurs. Tout ceci distingue l’action du conseil départemental et n’a pas d’équivalent en France. C’est pourquoi, nous pouvons la considérer comme un laboratoire et un véritable modèle des politiques de mixité sociale à l’école23 Propos tenus lors de la conférence de presse commune entre le conseil départemental et la direction académique des services de l’Éducation nationale, Toulouse, le 6 octobre 2021. ».
Le volontarisme des acteurs locaux a été la force du projet, mais reste une fragilité intrinsèque à ce jour, qui a d’ailleurs été soulignée par l’ensemble des intervenants lors des dernières Rencontres nationales de la mixité sociale à l’école qui se sont tenues au département de Haute-Garonne en février 202224Programme des Rencontres nationales de la mixité sociale à l’école, organisées par le Réseau mixités à l’école du CNESCO/CNAM les 15 et 16 février 2022 au conseil départemental de la Haute-Garonne, Toulouse. : l’absence d’un cadre réglementaire ou législatif clair et obligatoire permettant de l’ancrer durablement.
Du lundi au vendredi – de 9h30 à 13h et de 14h à 18h
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