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31 mars 2022
Adoptées définitivement par le Parlement le 16 février 2022, la loi n°2022-401 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la loi organique n°2022-400 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été publiées au Journal officiel le 22 mars 2022, après leur validation par le Conseil constitutionnel (décisions n°2022-838 DC et 2022-839 DC du 17 mars 2022).
La loi n°2022-401 transpose la directive n°2019/1937 du 23 octobre 2019 relative à la protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union européenne (UE) et modifie les dispositions de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II » qui a fixé le cadre de la protection des lanceurs d’alerte. Cette loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa date de promulgation, soit le 1er septembre 2022.
Panorama des principales modifications issues de ces nouvelles dispositions qui réécrivent en grande partie la loi du 9 décembre 2016.
L’article 1 de la loi n° 2022-400 du 21 mars 2022 modifie la définition du lanceur d’alerte, qui résultait de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016.
Désormais, est un lanceur d’alerte, « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles […], le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».
A la différence du texte initial, cette nouvelle définition :
Il résulte de cette nouvelle définition qui n’exige plus de l’auteur de l’alerte qu’il soit désintéressé que celui-ci peut désormais avoir un intérêt personnel à procéder au signalement.
Sont désormais exclus du régime de l’alerte – outre les faits, informations et documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ainsi que le secret professionnel de l’avocat – les faits, informations et documents couverts par le secret des délibérations judiciaires, de l’enquête ou de l’instruction judiciaire.
L’article 9 de la loi du 9 décembre 2016, indique que « les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements […] garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement ».
Le fait de divulguer ces éléments confidentiels est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Par ailleurs, le référentiel relatif aux traitements de données destiné à la mise en œuvre d’un dispositif d’alertes professionnelles adopté par la CNIL le 18 juillet 2019 précise que l’émetteur de l’alerte professionnelle doit s’identifier mais que son identité est traitée de façon confidentielle et envisage la possibilité d’une alerte anonyme à la condition que la gravité des faits soit établie par des éléments factuels suffisamment détaillés et après un examen préalable de l’opportunité d sa diffusion dans le cadre du dispositif.
Selon la loi du 9 décembre 2016, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec son consentement. Ces éléments peuvent être communiqués à l’autorité judiciaire lorsque destinataire du signalement est tenu de dénoncer ces faits. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information compromette la procédure judiciaire.
Notons enfin que le nouvel article 7-1 ajouté à la loi du 9 décembre 2016 admet la possibilité de recourir à un signalement anonyme puisqu’il prévoit que, lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité a été révélée ultérieurement bénéficie de la protection.
Pour rappel, la loi institue au profit du lanceur d’alerte une protection contre les mesures de rétorsion qui pourraient être prises à son encontre pour avoir procédé à une alerte.
La loi étend le bénéfice de cette protection à certaines personnes liées à ce dernier.
Sont concernés :
Jusqu’à présent, la protection des lanceurs d’alerte est réservée aux personnes qui respectent la procédure de signalement fixée par la loi et articulée en trois étapes successives :
Néanmoins, en cas de danger grave et imminent ou de risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ou rendu public.
La loi du 21 mars 2022 modifie comme suit l’articulation des procédures de signalement :
• Les personnes physiques qui ont obtenu dans le cadre de leurs activités professionnelles des informations portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée peuvent signaler ces informations par la voie interne, en particulier lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.
Ce type de signalement est ouvert :
Ce signalement doit être effectué dans les conditions prévues par la procédure de recueil et de traitements qui doit obligatoirement être mise en place par les personnes morales publics et privées employant au moins 50 salariés ou agents, après consultation des instances de dialogue social.
Dans les groupes de sociétés, une procédure commune peut être mise en place dans des conditions fixées par décret. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, dépourvues de procédure interne, les informations sont portées à la connaissance du supérieur hiérarchique direct ou indirect, de l’employeur ou du référent désigné par lui.
• Tout lanceur d’alerte peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement auprès :
Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des autorités susceptibles d’être saisies, les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure, les délais de retour d’informations auprès des auteurs de signalement.
Désormais un signalement externe n’est donc plus subordonné à un signalement préalable interne resté sans effet.
• En revanche, la divulgation publique d’informations demeure subordonnée à la réalisation d’un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, resté sans effet à l’expiration des délais fixés par décret, sauf dans deux situations :
Cette possibilité de divulgation publique sans signalement externe ou interne préalable ne s’applique pas lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales.
Responsabilité civile et pénale des auteurs de signalement
Les auteurs de signalement ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts en cause.
Ils bénéficient également d’une irresponsabilité pénale, y compris en cas de soustraction, détournement ou recel de documents contenant les informations dont ils ont eu connaissance de manière licite et qui ont fait l’objet du signalement. Les complices de ces faits sont également couverts par cette immunité.
Interdiction des mesures de représailles
La loi insère dans le Code du travail un nouvel article L.1121-2 qui reprend et élargit les mesures de représailles qui ne peuvent être prises à l’encontre des lanceurs d’alerte prévues par l’article L.1132-3-3 ainsi que le champ des mesures discriminatoires interdites :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au II de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi ».
A cette interdiction s’ajoute la prohibition de toute mesure de représailles prenant la forme :
Ces interdictions s’appliquent également à l’égard des personnes ayant :
Toute mesure prise en violation de cette interdiction est nulle de plein droit. En outre, la loi interdit à peine de nullité toute mesure de renonciation ou de limitation de la protection dont bénéficient les lanceurs d’alerte.
Actions en justice dilatoires ou abusives
La loi sanctionne les actions en justice abusives ou dilatoires dirigées contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées, et fixe à 60 000 euros – contre 30 000 actuellement – le montant de l’amende civile pouvant être prononcée par le juge, complétée le cas échéant, de dommages-intérêts et d’une peine d’affichage. L’amende civile est prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages-intérêts à la victime de la procédure dilatoire ou abusive.
Recours contre une mesure de représailles
La loi rappelle que, en cas de recours contre une mesure de représailles, le demandeur n’a pas à rapporter la preuve des faits en cause mais seulement à présenter des éléments de faits permettant de supposer qu’il a procédé à un signalement ou une divulgation dans les conditions prévues par la loi. Il appartient alors au défendeur de prouver que sa décision est dûment justifiée.
Abondement du compte personnel de formation
A l’occasion de tout litige consécutif au signalement d’une alerte, le conseil de prud’hommes peut en complément de toute autre sanction, obliger l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant lancé l’alerte à hauteur de 8000 euros.
Le règlement intérieur doit désormais rappeler l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte (c. trav., art. L.1321-2). Au 1er septembre 2022, les entreprises devront procéder à la modification de leur règlement intérieur pour y intégrer cette disposition.
Adoptée concomitamment à la loi relative au renforcement de la protection des lanceurs d’alerte, la loi organique n°2021-400 précise les prérogatives du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.
Ainsi, toute personne peut saisir le Défenseur des droits afin qu’il rende un avis :
L’avis est rendu dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande.
En outre, toute personne peut adresser un signalement au Défenseur des droits.
Trois hypothèses doivent alors être distinguées :
Le Défenseur des droits établit tous les deux ans un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte qu’il transmet au Président de la République et au Président de l’Assemblée nationale.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 23 mars 2022.
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