Accueil >> Formation >> Formation professionnelle >> "La GPEC ne se traduit pas toujours par des processus opérationnels"
Intelligence artificielle, automatisation des tâches, cadence technologique… La transformation des métiers, donc des compétences, est inéluctable.
Souvent sous-estimés par les entreprises, les démarches de reskilling et d’upskilling sont des leviers intéressants pour mieux projeter des équipes dans le futur, d’après Loïc Mahé, Senior Advisor chez Oneida Associés et ancien DRH de Sanofi.
L’upskilling, c’est le fait de faire progresser les compétences de ses collaborateurs afin qu’ils poursuivent le même métier tandis que le reskilling c’est le fait d’adapter leurs compétences, d’en acquérir de nouvelles, par exemple pour changer de métier. Nous connaissons, en Europe continentale, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), qui est un processus d’anticipation permettant de cartographier les métiers, de voir comment ils évoluent et, in fine, d’en faire un objet de négociation sociale. Dans les pays anglo-saxons, l’approche est différente : l’adaptation des métiers se fait par une agilité, une souplesse de réaction. Les dispositifs de reskilling et d’upskilling ont pour volonté de coupler ces deux approches, de réunir le meilleur des deux mondes.
Oui, elles constituent l’une des réponses. Les entreprises sont en effet confrontées à plusieurs transformations : digitale, organisationnelle, climatique…, tout ça dans un contexte de mondialisation. Pour réussir l’ensemble de ces transformations, il est urgent qu’elles aient une meilleure vision de leurs métiers afin, par exemple, de bâtir des plans d’action pour accompagner leur personnel. C’est d’autant plus important que les entreprises sont aujourd’hui confrontées à une rareté de ressources, qui est en fait une rareté de qualifications. S’intéresser au reskilling et à l’upskilling ne résoudra pas le problème de volume de besoins, mais permettra aux entreprises de mieux cibler les ressources qu’elles recherchent dans le cadre de leur recrutement externe, par exemple.
Les entreprises ont pris le mauvais pli de se séparer de certains collaborateurs aux compétences devenues inadaptées pour en embaucher de nouveaux à l’externe. Cette mécanique de recrutement est non seulement plus chère, mais aussi plus longue que celle de former ses ressources internes. Cette approche permet également de valoriser ses collaborateurs, donc d’améliorer l’efficacité collective de l’entreprise. Tout l’enjeu consiste toutefois à bien articuler l’ensemble des dispositifs (GPEC, workforce planning, upskilling…) Cela suppose de se connecter aux acteurs de la formation, de la mobilité… Or, ces dernières années, les entreprises ont trop spécialisé leur fonction RH. Elles ont donc créé des silos et les acteurs RH ont aujourd’hui dû mal à se parler.
Oui, car malheureusement, la GPEC ne se traduit pas toujours par des processus opérationnels concrets. Il faut donc lui donner une nouvelle dimension, par exemple en s’appuyant sur les managers, qui ont une connaissance fine des ressources dont ils disposent. Il est par exemple important de les reconnecter avec le reste de l’écosystème RH de l’entreprise afin que cette dernière ait une approche globale, presque holistique, de leur GPEC. De même que les entreprises Amazon et Google, qui mettent en œuvre des dispositifs d’upskilling et de reskilling car elles sont confrontées à un manque de ressources, il faudrait pousser davantage de formations opérationnelles, à l’interne comme à l’externe. Mais, pour qu’elles gardent leur impact, cela suppose de les renouveler en permanence.
J’ai travaillé de nombreuses années chez Thalès, une entreprise très impactée par les transformations en cours, car positionnée sur des technologies de pointe. Grâce à sa GPEC, le groupe a évité plusieurs plans sociaux et a réussi à adapter collectivement ses métiers. L’entreprise a notamment découpé ses métiers en “familles professionnelles” (industrielle, commerciale, administration & finance…) et a analysé chacun des métiers de ces familles, avec l’aide des opérationnels. Des plans de mobilité ont ensuite été mis en place. Lorsque l’activité d’un site décroissait du fait de l’évolution des produits, des dispositifs de reskilling étaient par exemple proposés aux collaborateurs, afin qu’ils puissent changer de filière de métier, voire envisager une mobilité géographique.
Les entreprises européennes ont souvent une approche “hiérarchique” ou “verticale”. Pour autant, leur culture et leurs traditions les paralysent et elles ne parviennent pas à s’en libérer. Les dispositifs d’upskilling et de reskilling peuvent les aider à renverser cette pyramide car ils s’appuient sur une approche locale. Autrement dit, l’upskilling et le reskilling prennent leur source dans des réflexions nourries “par la base”, qui supposent que les responsables d’entreprise se concertent avec les collaborateurs concernés. C’est l’une des raisons pour lesquelles les entreprises qui mettent en œuvre des dispositifs d’upskilling et de reskilling voient leur culture d’entreprise se transformer presque d’elle-même.
Propos recueillis par Aurélie Tachot
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