Patrick Chaize tape du poing sur la table. Après avoir prévenu le nouveau ministre délégué et l’Arcep, le sénateur annonce qu’il va déposer une proposition de loi avec des mesures coercitives et financières pour remettre de l’ordre dans le déploiement de la fibre. Il demande également l’ouverture d’une « enquête parlementaire ».
L’association Avicca (qui regroupe 220 collectivités, et que préside Patrick Chaize) avait convié la presse après son conseil d’administration pour « siffle[r] la fin de la récréation » et « prendre des mesures pour contraindre les opérateurs télécom à prendre enfin soin des réseaux construits par la puissance publique et à fournir le service Internet de qualité dû à tous leurs clients, sans exception ».
En cause, le fameux mode STOC (Sous-Traitance aux Opérateurs Commerciaux) à travers lequel l’opérateur d’infrastructure (celui qui déploie le réseau) sous-traite à l’opérateur commercial (Bouygues Telecom, Free, Orange ou SFR) le raccordement du client final.
Nous avons détaillé longuement les problématiques qui en découlent avec de la sous-traitance en cascade, des armoires ouvertes au pied de biche, des plats de nouilles avec des fibres, etc. « Aujourd’hui je sors 250 euros pour payer Orange, SFR, Free ou Bouygues pour qu‘il fasse le raccordement, le gars au final qui vient, il touche 45 euros », nous expliquait Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, il y a quelques mois.
De son côté, Patrick Chaize indique durant la conférence de presse qu’il faut « mettre fin à la situation que l’on connait », sans attendre. Non seulement pour limiter les pannes et les débranchements sauvages des clients, mais aussi pour maintenir et pérenniser le réseau et les armoires.
Ariel Turpin précise que, sur le papier, cette problématique ressemble à un « sujet très simple, mais dès qu’on rentre [dans les détails] c’est très compliqué », notamment pour établir des chiffres sur l’état des dégâts. D’autant que pour les opérateurs, « tant que ça fonctionne, ce n’est pas un problème » : une fibre qui traine par terre, des armoires défoncées, des nœuds… tout cela n’est pas une « panne ». L’Avicca a montré durant la conférence une image d’une fibre raccordée à un boîtier fixé à… l’attache d’une remorque sur un terrain.
Patrick Chaize annonce donc qu’il va déposer « une proposition de loi avec des mesures coercitives pour faire en sorte qu’on ait des éléments qui soient remontés des opérateurs commerciaux aux opérateurs d’infrastructure ». Le but est d’« obliger la filière à changer radicalement ses pratiques ».
Voilà ce que contiendra a minima la proposition de loi :
« Fourniture obligatoire des plannings d’intervention des raccordeurs sur simple requête des collectivités ou de leur prestataire,
Interdiction de verser directement ou indirectement le moindre euro d’argent public pour un raccordement dont il ne pourra être garanti la parfaite réalisation ainsi que l’absence de toute dégradation, dans l’opération de raccordement, des installations tierces,
Engagement financier de la responsabilité de l’opérateur recourant au mode STOC (sous-traitance opérateur commercial) pour la remise en état des raccordements réalisés sur la durée d’amortissement des réseaux optiques,
Sanctions contre l’opérateur recourant au mode STOC en cas d’emploi dans leur chaîne de sous-traitance de raccordeurs non correctement formés et/ou rémunérés en deçà des coûts nécessaires à la réalisation d’un raccordement de qualité et/ou des travailleurs non déclarés ou ne respectant pas le droit du travail, notamment en matière de sécurité,
Remboursement par la communauté des opérateurs des différentes actions publiques engagées par les collectivités pour pallier les défaillances des opérateurs dans le contrôle de la chaîne de sous-traitance,
Interdiction du recours au mode STOC dans certaines situations (par exemple en fonction du taux de pénétration ou pour le changement d’abonnés ou sur les zones de la fermeture du réseau cuivre par Orange, où des raccordements FttH seront à réaliser d’office) ».
Ainsi, à la fin d’un raccordement, l’entreprise qui a réalisé le chantier devra établir « un dossier qui montre ce travail, par des photos ». Il est aussi question de limiter à deux niveaux la sous-traitance… En octobre dernier, Ariel Turpin nous indiquait pourtant que le marché avait déjà trouvé une « parade » avec la sous-traitance horizontale. Il faudra voir ce que proposera exactement la proposition de loi quand elle sera publiée.
Pour rappel, ces deux mesures sont déjà dans le mode STOC v2, mais ce dernier tarde à se mettre vraiment en place. Ariel Turpin en profite pour fustiger ces contrats : « on a cru à une blague tellement c’était en dessous de ce qu’on attendait par rapport à ce qu’on constatait ». Les contrats STOC v2 ont mis « deux ans à être signés et aujourd’hui il y a encore quelques exceptions, quelques contrats qui ne sont pas signés avec quelques opérateurs ».
De plus, le problème avec les photos, c’est qu’elles « n’étaient pas normées ». Résultat, des opérateurs pouvaient partager deux photos prises avant l’intervention, et ne pas partager de photo prise après, ou bien retourner des clichés qui n’étaient pas ceux de la bonne installation.
Des travaux ont été entrepris par les opérateurs (infrastructures et commerciaux) il y a déjà deux ans et demi via un groupe de travail piloté par l’Arcep. Après une longue période de jachère, la situation a accéléré ces six derniers mois et un accord pointait le bout de son nez… mais la menace des sanctions en cas de défaut a remis les pendules à zéro : pour des opérateurs, il faut reprendre à zéro ou presque.
Une autre mesure est annoncée : « faire en sorte qu’on ait le planning des interventions, que l’opérateur d’infrastructure sache qui est sur son réseau à quel moment et pourquoi ». Ces éléments ne sont pas toujours remontés et « même parfois refusés » par les opérateurs commerciaux.
Pour Patrick Chaize, ces mesures doivent « redonner un cadre et des garanties de qualité », mais aussi de faire en sorte qu’on puisse être persuadé de la bonne utilisation de l’argent public (dans le cadre du plan France THD). Le sénateur va donc demander l’ouverture d’une enquête « pour faire la part des choses sur la répartition de valeur », c’est-à-dire sur ce qui est payé par la collectivité à l’entreprise qui réalise les travaux.
Le but de cette enquête sera de faire « toute la lumière » sur « les procédures mises en œuvre par les opérateurs, sur les circuits financiers avec un focus sur l’emploi de l’argent public pour la réalisation des raccordements à la fibre qui portent atteinte à un réseau lui-même construit en grande partie avec des fonds publics, sur le financement de la remise en état de ce patrimoine public des réseaux fibre ».
« Je n’imaginais pas devoir en arriver là, mais il me semble désormais hautement souhaitable qu’une enquête parlementaire fasse toute la lumière sur les fonds publics engagés sur les raccordements à la fibre optique des réseaux d’initiative publique », affirme Patrick Chaize.
Le calendrier est serré. La proposition de loi est « en train d’être finalisée » et devrait être déposée « la semaine prochaine » selon Patrick Chaize. Nul doute qu’elle va certainement faire face à une pluie d’amendements, avec de nombreux débats à la clé.
Ariel Turpin tente d’ajouter qu’elle pourrait arriver « au pire au début de la semaine suivante »… avant de se faire reprendre par le sénateur qui ne veut pas commencer à reculer l’échéance. L’enquête parlementaire pourrait débuter en même temps.
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