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Les lecteurs de La Croix ont écrit à leur journal pour s’exprimer sur les affaires Santier et Ricard, et la crise que traverse l’Église de France. Ils expriment une grande colère, souvent dirigée contre les évêques, ainsi qu’une exigence de changements profonds. Plusieurs posent la question de leur appartenance à l’Église.
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« Je me sens trahi » : les lecteurs de « La Croix » réagissent aux révélations des évêques sur les abus
De nombreux lecteurs de La Croix ont répondu à l’appel à témoignages sur les affaires Santier et Ricard. Ils expriment une grande colère et une exigence de changements profonds.
HANNES MALLAUN/STOCK.ADOBE.COM
Alors que les évêques sont rentrés de Lourdes, où ils ont révélé des affaires de violences sexuelles impliquant certains d’entre eux, La Croix a invité ses lecteurs à écrire au journal. Ils l’ont fait dans des proportions que nous n’imaginions pas : l’équivalent de 40 pages de messages a été reçu en à peine plus d’une journée.
Pour beaucoup, apprendre ces nouveaux faits a été un choc, d’autant plus grand qu’ils impliquent des évêques, dont un cardinal. « Le coup est rude, je me sens trahi », écrit Benoît. « Je suis perdue », explique une autre lectrice, devant ces « évêques qui protègent un des leurs et nous maintiennent dans l’ignorance par le mensonge ».« Il y a un an, j’étais abasourdie par les conclusions du rapport Sauvé. Mais aujourd’hui, que dire ? J’ai tout simplement un sentiment de honte ! », ajoute Marie.
« Alors que ça fait plusieurs années qu’on demande à l’Église de faire le ménage, on laisse partir un évêque à la retraite en taisant ses abus », ne décolère pas Adrien, 28 ans, à propos de Michel Santier. « Pourquoi les prélats Santier, Ricard, Laffont et tous les autres n’ont-ils pas refusé une mission, une nomination, une fonction, une charge pour laquelle leur comportement les discréditait totalement ? », s’interroge Colette, 75 ans.
Sur la lettre de Mgr Ricard révélant qu’il s’est « conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans »lue par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, beaucoup nuancent le « courage » dont aurait fait preuve le prélat en se dénonçant. « Avouer après trente et un ans, en ayant occupé les places les plus respectées dans l’Église, ce n’est pas du courage, c’est la peur de ne pas maîtriser son destin alors que le bateau prend l’eau», dénonce une abonnée de notre journal.
Sur les sanctions prononcées contre des évêques, Jean regrette que « l’attitude de l’Église (soit) tellement plus sévère dans d’autres circonstances, pour les personnes divorcées remariées notamment ». Ne pas les mentionner serait malhonnête : il reste aussi des catholiques pour minimiser certains faits pourtant répréhensibles pénalement. « Un baiser volé » n’est pas un abus sexuel, nous dit un lecteur. Pourtant, un tel acte commis par un homme sur une enfant de 13 ans, comme dans l’affaire Ricard, est bien puni par la loi.
Pour un autre lecteur, Noël, avec la « colère et le doute » jaillit aussi « le soupçon ». Plusieurs partagent son avis. « Combien sont encore également dans ce cas dans l’épiscopat aujourd’hui ? », se demande Coco. Alors que la publication du rapport Sauvé avait provoqué en premier lieu une vive émotion, c’est souvent une colère dirigée contre les évêques qui ressort de ces messages. « Les évêques doivent admettre qu’ils ne sont pas propriétaires de l’Église et encore moins de nos consciences », exige Guy.
Un nombre important de messages évoquent même l’hypothèse d’une démission collective des évêques. Celle-ci serait « la seule solution pour redonner un peu confiance aux fidèles », selon un de nos lecteurs.
« Honnêtement qu’est-ce qui les empêche de présenter collectivement leurs démissions pour envoyer enfin le signe clair de leur impuissance, de leur incompétence ? », demande Emmanuelle, du diocèse de Versailles. « Quelle institution conserverait à sa tête des dirigeants qui se comportent comme nos évêques ? », renchérit Mary. Pour Noël, cela serait « un geste fort et symbolique, un geste qui dit la responsabilité de la collégialité épiscopale, mais aussi le bouleversement et la résolution ! »
D’autres sont plus réservés sur cette question. Pour Vincent, cette démission « serait de bon aloi mais ne changerait rien à une institution ecclésiale qui marche à côté de ses pompes depuis trop longtemps ». « Quand bien même tous les évêques démissionneraient, où seraient les personnes pour les remplacer et remplir mieux leurs tâches ? », questionne un autre. Françoise aimerait de son côté qu’après les sanctions « nous n’oubliions pas le pardon ». « Tout péché mérite miséricorde », insiste Claude, qui a connu personnellement Mgr Santier.
Quelques lecteurs sont aussi inquiets pour les prêtres qui n’ont rien à voir avec de tels agissements. « Je pense aussi aux prêtres qui ont respecté leur engagement, et qui risquent d’être entraînés malgré eux dans cette tourmente », nous écrit Catherine, inquiète « des non-croyants pour qui ces faits sont la preuve que l’Église est bonne à “jeter aux chiens” ». Georges veut aussi souligner qu’il y a « de belles exceptions : des prêtres généreux, courageux, dévoués au service de l’Évangile et des plus faibles ».
De façon tout à fait spontanée, la majorité des messages adressés à La Croix contiennent des propositions de réforme. Pour Karine, 54 ans, « c’est le problème de la structure pyramidale » qu’il faut résoudre : « Religieux comme séculiers veulent monter sur la marche supérieure, se hausser au maximum, se distinguer, et pour cela sont prêts à faire silence sur tout ce qu’on voudra. » « Tout le fonctionnement de l’Église est à réformer », résume Isabelle.
« L’évêque devrait prendre ses décisions dans une très grande collégialité constituée de femmes, d’hommes, de clercs ou de laïcs sans oublier les religieux, les religieuses », propose un abonné. Philippe suggère, lui, la mise en place de « mandats épiscopaux renouvelables ».
La place des femmes est évoquée dans d’innombrables messages. « En regardant les images de l’Assemblée des évêques à Lourdes, j’ai été frappé par les plans TV sur l’assistance, exclusivement masculine. Le problème est bien là : où sont les femmes ? !» Éric est «certain qu’avec des femmes en responsabilités, nous n’en serions pas là ». Pour Maud, qui a demandé le baptême alors qu’elle était adulte, « la place des femmes dans l’Église est l’un des points centraux ».
La doctrine sur la sexualité est aussi évoquée par beaucoup de lecteurs. « La sexualité est vraiment un angle mort de notre Église, qui ne cesse d’édicter des interdits assez éloignés de ce que Jésus-Christ a enseigné », regrette Yves, 59 ans.
« Si la prêtrise est non réservée au sexe masculin et non réservée aux célibataires, on change de personnes dans leur profil, leur origine sociale, leur financement, leur psychologie. Ce ne sont plus du tout les mêmes candidats, ni les mêmes projets, ni la même pastorale, ni la même communication », soulève un autre. « C’est une question théologique majeure que seul un concile pourra trancher ! », souligne un lecteur.
Selon Karine, malgré tous les obstacles à de telles réformes, « peu importe maintenant : les nouvelles générations de catholiques n’acceptent pas ce fonctionnement qui est condamné à disparaître ». En réaction à ces demandes de chamboulement qui reviennent de manière insistante, d’autres s’agacent, regrettant que certains « mélangent tout ».
« Un grand ménage s’impose », nous écrit Frédérique : « S’il ne reste que 50 % des prêtres et des évêques, tant pis. Comme les premiers chrétiens, nous nous organiserons. » Comme elle, plusieurs lecteurs évoquent le besoin pour l’Église de revenir à une forme de simplicité associée à ces « premiers chrétiens ». «Lorsque Jésus marchait sur les routes de Palestine, il ne portait ni mitre, ni crosse, mais un simple manteau, des sandales et un bâton », veut rappeler une internaute.
Beaucoup, en très grande majorité des femmes, se posent frontalement la question de leur appartenance à l’Église catholique. « Plus assez d’énergie pour la colère… Juste envie de claquer la porte », nous écrit Judith. « Je ne sais même pas ce que je fais encore là aujourd’hui», explique Marie. Et Chantal d’évoquer son « désir de fuir cette Église criminelle et hypocrite ».
« Mon épouse en est à douter et à envisager de ne pas franchir les portes de l’église pour le jour où elle disparaîtra », nous raconte Michel, dont la femme a toujours été très engagée dans l’Église. Maud elle distingue sa colère « terrestre » de sa foi qui ne s’en trouve pas ébranlée. Mais elle partage l’exigence de la plupart des lecteurs, désormais convaincus, comme Anne-Marie, du « caractère systémique du mal qui ronge notre Église ».
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