INTERVIEW – L’acteur donne toute sa verve et sa drôlerie à une comédie familiale qui milite pour la tolérance.
Après quatre ans d’absence, l’acteur Jamel Debbouze fait son retour au cinéma au top de sa forme dans Le Nouveau Jouet, le film du réalisateur James Huth, qui revisite Le Jouet (1976), de Francis Veber, avec Pierre Richard. Dans cette nouvelle version, il incarne Sami, un chômeur qui accepte de distraire le fils d’un milliardaire (joué par Daniel Auteuil) contre une somme appréciable. Rencontre matinale dans un café parisien en bord de Seine avec l’acteur, toujours aussi humble, affable et enthousiaste.
Cela vous réjouit de succéder à Pierre Richard ?
Beaucoup. Je suis allé le voir chez lui pour lui demander gentiment la permission. Au début, il était nostalgique à l’idée qu’on reprenne Le Jouet, son film préféré. Il a fini par me dire oui. J’ai ensuite supplié Francis Veber d’en faire autant. Il a été convaincu par la démarche : s’approprier l’intrigue en l’emmenant ailleurs. De François Perrin à Sami, que j’interprète, le rôle est fort : il s’agit quand même d’instrumentaliser un individu, de toucher à la dignité humaine, il y a quelque chose de pervers là-dedans.
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Dans votre ligne de mire, le fossé a priori irréconciliable entre riches et pauvres ?
Je voulais provoquer un choc des cultures. J’ai imprégné le scénario de ma personnalité, de mon expérience et de la réalité de la société actuelle. D’un côté, Sami vient de la cité et n’a pas d’argent, ses proches sont en grève contre le patron, qui menace leur usine de liquidation. De l’autre se tient l’homme le plus fortuné de France. C’est la banlieue face à Bernard Arnault ! Je tenais à creuser davantage le sillon entre ces deux univers pour les confronter, avec comme seule arme l’amour. En temps normal, les gens d’en bas ne rencontrent pas les gens d’en haut : ceux-là ne daignent pas descendre et préfèrent rester condescendants. Le long métrage permet de franchir cette ligne. Car on a des choses à s’apporter mutuellement. Je milite pour un cinoche qui fédère et rapproche, pas qui divise et suscite la polémique. Je souhaite faire rire et rêver, toucher les spectateurs, tout en espérant qu’ils en tirent quelques réflexions.
Je voulais provoquer un choc des cultures
C’était important de parler aussi d’intégration ?
Oui, à travers le personnage du majordome qui dissimule ses origines maghrébines pour travailler sous le pseudo de Jean-Louis ! Je trouve important derrière un gag de poser une question qui ait du sens. À mes débuts sur scène, j’ai capitalisé sur mon identité. Je m’appelle Jamel Debbouze, c’est plutôt marrant. Je revendiquais haut et fort qui j’étais. Mais toute une génération a été obligée de se gommer, de se nier, pour subsister et exister. J’ai plein d’exemples autour de moi, mon ami Kad Merad se prénomme Kaddour. La cité peut être un poids, une honte. Moi, elle m’a donné tous mes anticorps.
La cité m’a donné tous mes anticorps
Quel enfant étiez-vous ?
À la maison, il n’y avait pas de jouets, heureusement le Secours populaire y a remédié en m’apportant un Puissance 3. Pas Puissance 4, car les boîtes n’étaient jamais complètes, il manquait toujours des jetons. Mais j’étais heureux. Aujourd’hui, je gâte mes gosses [Léon, 13 ans, et Lila, 11 ans], je n’ai pas envie qu’ils galèrent comme moi. Avec ma femme, on craque régulièrement mais on essaie de leur faire prendre conscience de la valeur de la vie.
Je trouve important derrière un gag de poser une question qui ait du sens
Comment choisissez-vous vos rôles ?
J’ai envie de tourner plus, mais sans faire le malin. Ma pointure, c’est 39 et demi, une taille bâtarde. Souvent, je n’arrive pas à trouver chaussure à mon pied. Je ne suis pas si exigeant que ça, je veux juste des partitions que je puisse défendre. Par exemple, j’adorerais jouer Louis XIV, personne ne me le proposera jamais sauf si on imagine une version décalée et drôle, dans ce cas j’y aurais ma place. Pour m’engager dans une aventure de deux ans, j’ai besoin de scénarios solides. Or, la plupart du temps, on me demande de combler le vide en faisant des clowneries.
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Croyez-vous que Le Nouveau Jouet va faire revenir le public en salles ?
On adorerait y contribuer. Je suis convaincu que les belles heures du cinéma ne sont pas derrière nous. Il faut tous qu’on repense le métier et qu’on soit plus ambitieux, pour proposer une expérience de salle à la hauteur des attentes des gens. Je suis un enfant de la crise, je n’ai rien connu d’autre. En 1975, mon année de naissance, il y avait déjà le choc pétrolier, et là il n’y a plus d’essence ! De tous les bouleversements naissent des choses extraordinaires.
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