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Jacques Newashish : 40 ans de carrière, la même inspiration, mais un autre regard – Radio-Canada.ca

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L'artiste atikamekw expose ses oeuvres au Centre des arts de Shawinigan.
L’artiste multidisciplinaire Jacques Newashish
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Sans l’art, Jacques Newashish se demande encore ce qu'il serait devenu. L’artiste multidisciplinaire atikamekw a su dessiner bien avant d’écrire. Il a découvert vers l'âge de 26 ans qu’il possédait quelque chose de très fort entre les mains, une force qui allait lui permettre de partager sa culture, son identité, ses émotions : l’art.
Le tout se retrouve dans l’exposition présentée au Centre Léo-Ayotte du Centre des arts de Shawinigan jusqu’au 20 février. Le titre : Nin ka ki tackakwan, (ce qui m’a influencé, en atikamekw).
Et ce qui a influencé cet artiste touche-à-tout n’a guère changé en 40 ans de création : cinéma, théâtre, sculpture, sérigraphie, peinture, dessin…
Le fil conducteur de sa carrière se retrouve surtout dans ses quatre immenses toiles de 5 mètres sur près de 2 mètres, ses premières œuvres monumentales.
« J’ai trouvé ça intéressant, car ça me permettait une liberté. C’est sur le territoire qu’on a encore une liberté de grandeur, c’est ce que je voulais faire. »
Pour comprendre le lien qui lie Jacques Newashish au territoire, il faut comprendre d’où il vient : de Wemotaci, une petite communauté atikamekw située à une heure et demie de La Tuque, en Haute-Mauricie, en plein Nitaskinan (territoire ancestral de cette nation).
Dans sa pièce maîtresse de la collection, on ressent une nostalgie du temps passé, mais aussi un questionnement sur le futur de l’homme, né en 1958, qui est allé dans un pensionnat pour Autochtones, mais qui reste surtout marqué par les moments passés avec son père, chasseur et trappeur, et sa mère sur le territoire.
Les sujets qui me parlaient il y a 30 ans sont les mêmes aujourd’hui, et ce n’est pas pour rien que j'avais fait ces portraits : c’est ma culture autochtone. Des personnes, des regards très forts que j’ai repris pour les actualiser. Des regards qui en disent long, qui se demandent où on s’en va.
Déracinement, culture autochtone, perte de territoire, famille… les petites gravures d’il y a 30 ans représentent entre autres un chaman, un esprit, une femme qui hurle, un grand-père qui raconte à sa petite fille le territoire, le nomadisme… Et elles évoquent ces sentiments qui guident la carrière de l’artiste.
Une des gravures faites par Jacques Newashish il y a 30 ans, avec, en arrière plan, sa pièce maîtresse qui reprend ses gravures… actualisées, car les Autochtones sont sur le chemin de la guérison.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Ces gravures sont alignées sur une grande toile à laquelle Jacques Newashish a ajouté des plantes médicinales et des taches de couleur rouge — le sang des douleurs vécues — qui deviennent rosées.
Une différence entre les gravures d’il y a 30 ans et celles qu’il a reproduites en 2022 : la direction du regard a changé. Car on suit un autre chemin. C’est ce que je voulais démontrer. C’est le changement physique, mental et spirituel que les Autochtones vivent en général.
« On est en train de se guérir. Nous sommes dans cette voie de guérison, c’est pour cela que le tableau est très vif, très coloré, le chemin plus rose. »
Les éléments de la culture atikamekw prennent vie à travers toiles et sculptures dans cette exposition pleine de couleurs où chaque œuvre est un moment de réflexion.
Pour la première fois, Jacques Newashish expose ces pièces en noir et blanc. Celle-ci s’intitule : Mon esprit animal.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Jacques Newashish expose aussi des pièces plus abstraites même si, pour lui, chaque geste, chaque éclat de peinture sur la matière donne une forme qui [lui] rappelle certaines choses. Ce sont des énergies transposées sur la matière. On retrouve aussi, pour la première fois, des oeuvres en noir et blanc, dont une, sorte d’autoportrait, intitulée Mon esprit animal.
Très jeune, Jacques Newashish a compris qu’il pouvait être un lien, et ses œuvres un véhicule d’éducation.
Petit, son seul moyen pour s’exprimer était de prendre un crayon et de dessiner. Il ne savait pas écrire, raconte-t-il, mais faire des petits dessins. Puis il a réalisé vers la mi-vingtaine qu’il avait quelque chose de très fort entre ses mains. Je pouvais m’exprimer à travers cet outil et partager des choses sur ma culture, mon identité et mes émotions, se rappelle-t-il.
Que serait-il devenu sans l’art, lui qui a enchaîné différents emplois au début. Bonne question, mais l’art m’a fait sortir de certaines choses. J’ai beaucoup voyagé, beaucoup appris et pris conscience de choses grâce à l’art. Je pense que Jacques Newashish est constitué de ça.
En arrière de Jacques Newashish, une toile abstraite, mais qui représente, pour lui, son ADN dans l’écorce et l’énergie autour de lui. Le rouge : sa vie. Le blanc : les esprits des ancêtres, et le noir : les esprits de la mort; les deux se côtoient toujours.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Avec les derniers événements qu’a connus sa nation, notamment le décès de Joyce Echaquan, malgré la colère et l’émotion, Jacques Newashish a pris son pinceau et son crayon avec encore plus de fougue.
Au contraire, c’est pour aller à la rencontre de ceux qui ne nous connaissent pas, de sensibiliser les autres à travers mes œuvres afin qu’ils me connaissent et aient une autre vision. C’est ma participation!, s’exclame-t-il.
D’ailleurs, il part en tournée dans des écoles de la Côte-Nord pour animer des ateliers de théâtre d’objets. Plusieurs projets de murales sont aussi en cours.
40 ans de métier sont aussi l’occasion de faire le point sur l’évolution de l’art autochtone : de l’invisibilité à double tranchant à sa présence de plus en plus marquée.
Au départ, avoue-t-il, il ne connaissait pas vraiment d’artistes.
Les seuls qui venaient à sa rencontre à Wemotaci le faisaient par le truchement de documentaires ou de films, parfois d’affiches.
En premier, il a été inspiré par des artistes français comme Picasso, Monet, Gauguin. Ça m’a donné le goût d’être comme eux aussi. Je ne sais pas si c’est seulement dans la peinture ou dans leur manière de vivre : dans une liberté. Ils n’étaient pas riches, mais au moins, ils faisaient ce qu’ils voulaient : ils vivaient!.
Puis, tranquillement, Jacques Newashish a commencé à connaître d’autres artistes. Son arrivée en ville lui a permis d’en côtoyer davantage et de découvrir les peintres autochtones Alex Janvier et Norval Morrisseau. J’étais fier de lui [Morrisseau], car il était autochtone, il se faisait connaître et connaître l’art, la culture autochtone, se souvient Jacques Newashish.
Le territoire, nom de cette oeuvre, inspire beaucoup Jacques Newashish
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Difficile de vivre du métier au début. L’artiste atikamekw vendait ici et là, tout en ayant d’autres emplois. La faute à l’invisibilité. Celle de ceux qui ne voulaient pas forcément voir les artistes autochtones, même si, précise-t-il, il y avait de l’ouverture il y a 40 ans. Celle aussi créée par l’éloignement des communautés. Il n’y avait pas tant que ça d’artistes et on ne se montrait pas, j’étais plus retiré dans ma communauté.
Au fil des années, les artistes ont émergé dans de nombreux domaines. On arrive là, au bon moment, selon Jacques Newashish. Néanmoins, il y a encore beaucoup de place pour l’art autochtone. […] Tant mieux s’il y a de la relève, comme ça on va être encore plus présent, plus visible.
Le petit Jacques Newashish de Wemotaci a fait beaucoup de chemin. Du garçon timide qui voulait se cacher, — d’ailleurs il a les mains sur son visage dans un de ses autoportraits —, il se tient désormais debout. Il parle fort, dit ses opinions…, mais dit avoir encore une certaine gêne. Ce qui l’aide à la mettre de côté? La pensée qu’il est un ambassadeur de son identité et de sa culture
Au petit Jacques qu’il était, il a ce message : continue de rêver. Lâche pas, c’est comme ça que tu es devenu qui tu es. Les rêves se réalisent. Continue.
Un message aussi pour tous les petits Jacques des communautés.
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