Les pêcheurs de l'étang de Canet ont la rage ! Tout autant que celle du crabe bleu qui depuis 5 ans colonise la lagune, dévore tout ce qui est à portée de pinces. La solution d'urgence est une pêche intensive, pour espérer réduire sa concentration. Une opération pénible, qui associée à une étude scientifique, devait permettre de rémunérer les petits métiers. Si l'enveloppe de 400 000 euros a été actée, les forçats de l'étang n'ont toujours pas reçu un sou, et sont écœurés !
Le record de 2021 de 10 tonnes est largement battu. En cinq mois cette année, ce sont quatorze tonnes, oui 14 000 kilos de crabes bleus, qui ont été sortis de l'étang de Canet, par cinq valeureux pêcheurs. Des femelles grainées, des juvéniles de toutes tailles, des "monstres" pesant jusqu'à 500 grammes pièce, aux pinces acérées, le Terminator de cette lagune catalane est un désastre. Depuis 5 ans, les petits métiers hurlent leur désespoir, désemparés devant cet envahisseur qui a ruiné la pêche traditionnelle, englouti l'écosystème et anéanti leurs revenus.
Malgré tout, parce qu'il n'y a pas d'autres solutions, quasiment chaque jour, les pêcheurs remontent les filets spéciaux qu'ils ont eux-mêmes mis au point (financés par le comité régional des pêches), pour entasser le méchant bleu dans des grosses poubelles noires. "Plus un crabe vert, pas l'ombre d'une anguille, ils sont mêmes capables de manger les pattes des oiseaux qui se posent sur l'eau, c'est du jamais vu", explique encore une fois Jean-Claude Pons, qui connaît l'étang comme sa poche. Sans prédateur, avec pour seul défaut une chair délicieuse (meilleure qu'un tourteau), le crabe bleu n'intéresse ni les mareyeurs, ni les restaurateurs, seule la communauté asiatique l'apprécie "en négociant les prix aux plus bas", précise Yves Rougé.
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Devant un tel fléau, en avril dernier, les politiques se sont engagés, dont la région Occitanie (122 000 €), débloquant une enveloppe globale de 400 000 euros sur deux ans. Pour faire court, la moitié de la somme revenant aux scientifiques (Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer et Université de Perpignan), l'autre destinée à la rémunération des pêcheurs, par le biais du porteur de projet le syndicat du Réart. Didier Codorniou, président du Parlement de la mer confirme : "Le dispositif a été voté et validé dans la foulée". Mais quatre mois plus tard, rien n'est arrivé !
L'explication de ce retard est donnée par Stéphane Hourdez, chercheur à l'Observatoire océanologique de Banyuls, qui a choisi de mener cette étude avec sa collègue Marion Jarraya (UPVD) : "Je comprends l'impatience des pêcheurs, tout est amorcé, je reconnais que ce retard est malheureux, il reste désormais à finaliser l'administratif… avec encore une convention à signer pour débloquer l'argent et on sera au bout. J'espère que nous pourrons commencer en septembre, avec la collaboration des pêcheurs, qui est indispensable pour les prélèvements".
L'objectif pour les scientifiques consistera donc à en apprendre le plus possible sur cette espèce qualifiée de non-indigène, et surtout sur cette incroyable densité relevée dans l'étang canétois. Un phénomène qui est, à ce jour, inédit dans une lagune de Méditerranée.
Pour cela, 10 stations de prélèvement ont été choisies sur la lagune, pour un ou plusieurs suivis hebdomadaires. Face à ce crabe, capable de s'adapter aux variations impressionnantes de températures et de salinité notamment, les experts vont axer leurs études sur le parasitaire, le développement des larves et leur présence dans le plancton, la nourriture, la reproduction ainsi que l'incidence de l'oxygène sur le développement du Collinectes sapidus. Et Stéphane Hourdez de conclure : "On peut espérer une régulation, mais une éradication semble improbable. D'ici un an, nous espérons avoir des pistes, pour réduire l'impact sur l'écosystème et obtenir des réponses afin de comprendre pourquoi il est malheureusement si bien dans l'étang de Canet !".
(SOURCE : L'INDEPENDANT)
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