A l’aube de la trentaine, Aurélien Cotentin, dit Orelsan, est-il devenu sage? Nominé à trois reprises pour Les Victoires de la Musique, porteur d’un album, Le Chant Des Sirènes, qui marque une réelle évolution musicale de son univers, le rappeur bas-normand avance à toute vitesse. A mille lieues du personnage provocateur mis en avant par les medias de masse, Orelsan aime parler de musique, de son en tous genres, du Rock et du Métal, genres qu’il a d’abord embrassé avant de se tourner vers ce Hip-Hop fun et acerbe qui a fait sa réputation. Vacarm.net vous fait découvrir une autre face d’ Orelsan , celle d’un artiste symbole d’une génération entre deux millénaires, définitivement à part dans le paysage musical français.
Avec le recul de quelques mois que tu as par rapport à la sortie de ton album, Le Chant Des Sirènes, quel regard portes-tu sur celui-ci?
Je suis content. Tout à l’heure on nous a filé une mixtape où il y avait des sons de l’album, justement, et je prenais plaisir à réécouter ces sons là. Je suis vachement content, mais derrière ça je pense déjà à la suite.
Est-ce que le public avait des attentes différentes pour cet album par rapport au premier?
Il y a différents styles de public. Mais entre les deux albums, j’ai fait un peu tout ce qui me passait par la tête, beaucoup de featurings… donc je pense qu’il y avait un peu d’appréhension de la part du public, mais qu’au final les gens ont plutôt bien pris l’album. J’ai rarement de mauvais retours, même s’ils y en a quelques uns qui préfèrent le premier, mais ça c’est une question de goût. J’ai l’impression d’avoir élargi mon public sans avoir perdu la base pour autant.
On discerne clairement plusieurs orientations musicales sur cet album, l’une allant vers les mélodies plus pop et «mainstream», l’autre vers des rythmes plus breakés, voire Dubstep. Dans quelle direction vois-tu ton évolution?
Ce que j’aime bien dans le rap, c’est que l’on peut faire des mélanges. J’ai toujours mélangé de la pop avec mes trucs. Sur le premier album, par exemple, la chanson «Pour le pire» était inspirée par une ballade à la Supertramp qu’on avait rendu un peu rigolo et rap. Dès les premières chansons que j’ai fait, j’ai toujours un peu chanté… enfin chanté un peu faux, quoi. Du coup pour l’avenir, je ne peux pas encore savoir car j’aime pas trop faire deux fois la même chose. Là sur certaines chansons, il y a des influences un peu Dubstep, et j’en suis content car c’est arrivé au bon moment…
D’où t’est venue cette attirance pour le Dubstep justement?
J’ai toujours bien aimé la musique anglaise. Pour moi le Dubstep, c’est un peu la suite logique du Garage ou du Drum’n Bass. C’est un peu du Hard-Rock pour moi. C’est des riffs plaqués bien lourds que tu joues… (il imite un guitariste et chante des accords de guitare plaqués) C’est un peu le même genre de truc quoi, et c’est une musique qui me plaît. J’écoute beaucoup de Rap anglais et il y a aussi beaucoup de choses Dubstep, Garage ou même 2-Step. Et Dubstep ça ne veut plus rien dire aujourd’hui. Les puristes disent que le Dubstep c’est Burial, et ceux qui aiment faire la fête vont dire que c’est Skrillex ! Après moi, j’aime bien les deux, donc ça va. J’ai des goûts assez larges. Je dis n’importe quoi, mais si demain David Guetta m’envoie un son et que je l’aime bien, je le prendrais… ou le rappeur le plus underground qui soit, ce sera la même chose, je le ferais dans les deux cas, si ça me plaît.
Entre les deux albums, tu as un peu changé ta manière de travailler car désormais tu travailles avec des vrais musiciens plutôt que sur des bandes pré-enregistrées. En quoi cela a-t-il changé ta manière d’aborder les compositions?
C’est surtout la scène qui influence beaucoup, mais aussi les contacts. Personnellement, quand j’habitais à Caen, à part mes 2-3 potes qui rappaient autour de moi, j’avais jamais rencontré d’artistes… je ne connaissais pas de musiciens, en fait. Et là je suis en tournée, avec des musiciens tout le temps… Eddie, par exemple, mon bassiste sur scène, quand on rentre à l’hôtel le soir, il va me faire écouter des trucs brésiliens, par exemple, car il adore ça, et du coup, comme je fais de la musique et que je suis égocentrique, je pense direct à le remettre dans ma musique… même si je le referais jamais. C’est une façon d’être influencé. Je m’ouvre plus. Et puis aussi parce que maintenant j’ai les moyens. Maintenant si j’appelle un musicien, il va venir et être content de faire un truc avec moi, alors qu’avant, c’était pas du tout pareil… ça change tout. Et je suis content car c’est super agréable. Par exemple, le titre «La Petite Marchande De Porte-clés», c’est une instru que j’avais fait à la base, j’avais samplé à la base, rajouté 2-3 pianos et collé un refrain chinois, c’était assez basique. Et je me suis dit que j’allais le faire rejouer par un vrai pianiste du conservatoire, comme ça, ça donne une autre approche. Et c’est super cool de pouvoir faire ça.
Dans le titre «Des Trous Dans La Tête», les arrangements sont plutôt Rock et agressifs, un peu à la Svinkels, te verrais-tu faire plus de choses dans ce style? As-tu une vraie attirance pour le Rock plus agressif?
Ah, ah, ah, tu sais quoi? Mon premier groupe était un groupe de fusion. J’aimais beaucoup la fusion. A la base je kiffais le Rap. Mais comme je venais de Caen, j’avais beaucoup de potes qui écoutaient du Métal.Et quand tu es petit, tu as besoin de t’identifier et je m’identifiais pas forcément aux trucs de Rap. Donc je kiffais beaucoup Rage Against The Machine, le premier album de Limp Bizkit, No One Is Innocent, One Eyed Jack et tout… c’est des trucs que j’ai vu en concert vachement souvent. Même Lofofora et Mass Hysteria… Pour moi c’est un truc qui est assez lié avec le Rap. C’est marrant car il y avait des compiles qui sortaient à cette époque, genre Hostile, et il y avait la même chose en Fusion avec des trucs vachement Métal genre Kickback… et moi j’avais les deux, j’écoutais les deux, c’est un truc sur lequel je suis super à l’aise car c’est naturel pour moi. Mon premier groupe c’était dans le foyer du Lycée, on jouait des reprises de Deftones, de Soulfly, et quand il y avait des passages, je rappais mes propres textes dessus…
C’est peut-être ce qui fait que des gens hors du milieu Rap s’intéressent à ce que tu fais…
Ouais on me le dit souvent! Les gens du Métal, il y en a qui m’aiment bien. Après c’est un peu logique que ça ressorte, pendant 3-4 ans j’ai beaucoup écouté ça, j’ai même vu Cannibal Corpse en concert! (rires)
Tu as fait beaucoup de featurings ces derniers temps, y a-t-il des artistes avec qui tu aimerais plus particulièrement travailler dans les temps à venir?
Ouais il y en a pas mal, beaucoup même! En fonction de la personne, j’imagine une chanson et comme j’aimerais bosser plus comme auteur pour d’autres trucs… parce que ça me permet de faire autre chose. Orelsan reste pour les trucs plus personnels. En Rap, j’aimerais vraiment bosser avec Maître Gims de Sexion d’Assaut; là je dois faire un feat avec Disiz (La Peste), mais comme je suis en tournée j’ai du mal à trouver du temps pour me poser et écrire. Je dois faire un truc avec Taipan aussi. J’aimerais bien bosser un peu plus avec des gens de la variété aussi, même sans rapper dans le morceau. Oui, ça m’intéresse vraiment.
Tu montres un peu d’engagement dans tes textes, mais ce n’est pas le côté de ta personnalité de rappeur qui ressort le plus. Est-ce qu’il y a des sujets sur lesquels tu aimerais plus t’engager, des positions que tu aimerais défendre?
C’est des questions que je me pose. En fait mon engagement c’est pas vraiment de l’engagement. Tu prends un texte comme «Suicide Social», ce n’est pas de l’engagement c’est juste l’histoire d’un mec qui pète les plombs. Si tu es assez intelligent pour lire entre les lignes, tu peux trouver une sorte de «philosophie» dans mes deux disques. Et j’aimerais bien plus m’engager dans cette philosophie… dans le premier album j’étais plus dans un truc genre No Future, c’est ce que je raconte dans «No Life», genre essayer de gérer le quotidien et après on verra, je pensais pas trop à l’avenir, ni rien. Alors que là j’ai jamais voté de ma vie, je vais aller voter pour la première fois, histoire de faire le truc…(il hésite) Après, si, j’aimerais bien m’engager plus dans l’avenir. Tu vas trouver ça con, mais je commence à me rendre compte qu’il y a beaucoup de gens qui me suivent, et que quand je dis des choses, on m’écoute… donc si ça peut servir à quelque chose, c’est cool. Après, je ne m’engagerais jamais dans un parti ou quoi… mais si je peux glisser un petit truc de temps en temps…
Tu es nominé trois fois aux Victoires de la Musique cette année (meilleur album, meilleure vidéo et révélation de l’année, NLDR), ce qui est quelque part une reconnaissance du milieu, que ressens-tu par rapport à ça?
Je suis content, je trouve ça plutôt positif, déjà pour les gens avec qui je travaille… ça fait une sorte de statut, et puis les gens en parlent… d’un point de vue personnel, la musique c’est pas une compétition. Je prend pas ça genre je le mérite… enfin si je le mérite car je bosse mais… (gêné) Si, je suis content… (il hésite) En fait je ne serais jamais aussi content que quand j’ai fait une chanson qui me plaît, après c’est un truc qui vient, j’ai pas envie de cracher dessus. Mais j’ai pas envie de me mettre la pression… à part pour le live. Car du coup je vais faire un live, on va organiser le truc et j’ai envie que ça pète… je me plains souvent qu’il n’y a pas assez de musique de jeunes à la TV donc pour une fois j’ai envie de bien représenter le truc, mais c’est dur à organiser un truc comme ça. Après je sais que ça va me faire de l’exposition, que ça va faire vendre des disques, mais c’est pas une fin en soi! En fait, maintenant que je sais que je peux en avoir une, j’aimerais bien avoir le trophée, c’est con hein? Je collectionne les figures des chevaliers du Zodiaque, ça ferait bien avec… (rires)
Dans Le Chant Des Sirènes, tu chantes ta peur de vieillir, quel est ton remède contre le temps qui passe?
Je sais pas. J’aimerais bien en avoir un justement… C’est juste flippant en fait, surtout que je ne suis pas croyant, ni rien… le seul truc qu’on peut se dire, c’est positiver, se dire que c’est cool de vivre de nouvelles expériences, d’évoluer… là je vais avoir 30 ans, je ne suis plus un kid, c’est fini, même si j’ai toujours fait plus jeune que mon âge dans ma tête…
Pour finir, que peut-on te souhaiter de bien pour cette année qui démarre?
La tournée, surtout, qui a super bien démarré, avec des gens avec qui je m’entend super-bien, les salles sont pleines jusque là.. Donc voilà, j’aimerais bien que ça continue, cet été, il y aura les festivals… et après, je suis en train de faire un album avec Gringe, un album des Casseurs Flowters, donc c’est le projet qui va commencer à vraiment me prendre du temps et j’ai envie qu’il réussisse, donc si on peut me souhaiter que j’arrive à faire de bonnes chansons et ne pas perdre le fil du truc! Ça serait déjà bien.
Un grand merci à Aurélien pour son temps et sa bonne humeur!
Un grand merci aussi à Gabriel (3ème Bureau), Wagram Music, ainsi qu’à l’équipe de tournée d’ Orelsan
Interviews et photos: Julien Peschaux pour Vacarm.net
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