par
Pascal Riou
Florence Delay écrit : « Tout ce qui vient d’en haut est inexplicable. » Le mérite (et le charme) de cet ouvrage est de consentir à cet « inexplicable », mais sans renoncer pour autant à éclairer avec intelligence et tact les chemins qui permettent d’en approcher.
Ces pages n’ont l’air de rien qui semblent avoir été écrites au petit bonheur la chance et partir dans tous les sens au gré de chapitres brefs et disjoints. Des réflexions sur la peinture (Caravage, Carpaccio…) y côtoient une constante méditation spirituelle ; l’érudition, jamais pesante mais profonde, s’y marie avec de brèves colères sur la disparition du mot « charité », la niaiserie des cantiques modernes ou la France inhospitalière aux pauvres et aux migrants. (Saint) Paul y croise Paul…
Ces pages n’ont l’air de rien qui semblent avoir été écrites au petit bonheur la chance et partir dans tous les sens au gré de chapitres brefs et disjoints. Des réflexions sur la peinture (Caravage, Carpaccio…) y côtoient une constante méditation spirituelle ; l’érudition, jamais pesante mais profonde, s’y marie avec de brèves colères sur la disparition du mot « charité », la niaiserie des cantiques modernes ou la France inhospitalière aux pauvres et aux migrants. (Saint) Paul y croise Paul (Claudel), Ignace renvoie à Dominique et à François, Georges Bernanos suit Pierre Reverdy que précèdent Gustave Flaubert, Max Jacob et Julien Green. Et, comme une suite heureuse de ricochets ou de pierres du gué, l’on saute du cheval absent du texte des Actes relatant la conversion de Saül au lion de Jérôme ou au chien de Tobit.
Cette liste n’est ni close ni gratuite. Car ce qui pourrait sembler, à première lecture, pur vagabondage ou libre association d’esprit s’avère secrètement aimanté. D’abord par un rythme d’écriture singulier qui suggère plus qu’il ne démontre et laisse au lecteur, pourtant savamment guidé, le soin de poursuivre en esprit, s’il le désire, ce libre « chemin d’erre » (Fernand Deligny). Ensuite par un fil d’Ariane : celui de la présence ou, pour mieux dire, de la compagnie des animaux, avec les personnages de la Bible et de la vie des saints : cochon de saint Antoine (et de Flaubert), bœuf et âne de la Crèche, serpent de la Genèse, chien de saint Roch… Peu importe que ces animaux soient attestés dans les Écritures ou rapportés par quelque légende plus ou moins dorée. L’important réside dans la relation qu’homme et animal vivent, dans le souci qu’ils ont les uns des autres : sagesse de l’ânesse de Balaam, tendresse de François pour son loup ou de Jérôme pour son lion, partage du chemin avec le cochon d’Antoine, l’âne des Rameaux ou de la fuite en Égypte. Là encore, la liste n’est pas close.
Ce compagnonnage a une double vertu : spirituelle, puisqu’il incline à l’humilité et différencie le saint du héros, mais aussi poétique, en ce qu’il témoigne d’un monde sans hiatus entre l’humain et ses autres composants. Ces deux vertus se retrouvent dans les portraits émus que Florence Delay dresse de poètes rarement mis en valeur : Max Jacob et Reverdy, comme dans les discrètes intrusions d’auteur qu’elle sème ici et là : souvenirs d’enfance, brève tristesse, colère maîtrisée.
Mais les animaux ne constituent pas seulement l’heureux bestiaire auquel l’ouvrage se serait consacré. Le titre du livre renvoie, non sans un sourire, à la chute de Paul, chute/conversion qui décida du christianisme. Cette présence de la conversion, de ce retournement radical et de la charité qu’il engendre est comme le courant souterrain, le fleuve caché de l’ouvrage, qui s’ouvre sur la métamorphose de Saül en Paul, se poursuit avec celle de Claudel à Notre-Dame, de Max Jacob, « pénitent en maillot rose » dont le parrain de baptême fut Picasso. Ce fleuve n’est pas tranquille : il se heurte aux églises aujourd’hui vides et tristes comme au mystère de l’abaissement du dieu chrétien ou au combat spirituel rimbaldien. Évoquant l’admirable passage des Misérables où l’évêque de Digne offre des chandeliers d’argent à Jean Valjean pour lui éviter une nouvelle arrestation, Florence Delay écrit : « Tout ce qui vient d’en haut est inexplicable. » Le mérite (et le charme) de cet ouvrage est de consentir à cet « inexplicable », mais sans renoncer pour autant à éclairer avec intelligence et tact les chemins qui permettent d’en approcher.
Pascal Riou
Le XXe Congrès du Parti communiste chinois, prévu à l’automne 2022 a marqué l’approfondissement d’une nouvelle ère de puissance et de gloire pour la Chine de Xi Jinping, à l’exact opposé de ce que fut le XXe Congrès pour l’URSS de Kroutchtev. Mais s’il confirme la nature totalitaire du régime, le pouvoir de son dictateur et la persistance de ses ambitions globales, il marque également l’entrée dans une période d’incertitudes et de contradictions, que l’on devine dans les discours de Xi comme dans ses orientations de politique étrangère, et que ce dossier coordonné par la politologue Chloé Froissart, tâche de pointer : en apparence, le Parti n’a jamais été aussi puissant, mais en coulisse, il se trouve menacé d’atrophie par le manque de remontée de l’information, la demande de loyauté inconditionnelle des cadres, et par l’obsession de Xi d’éradiquer plutôt que de fédérer les différents courants en son sein. À lire aussi dans ce numéro : Le droit comme œuvre d’art ; Iran : Femme, vie, liberté ; Entre naissance et mort, la vie en passage ; En traduisant Biagio Marin ; et Esprit au Portugal.
Pascal Riou
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Eugène Berg
Eugène Berg
Mathilde Caro
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Paul Thibaud
Isabelle Boisard, Christophe Anché, Nicolas Duvoux, Joran Le Gall, Fadoua Messaoudi
Jürgen Habermas
Loïc Blondiaux
Michaël Fœssel
Claire Demesmay
Adrien Tallent
Esprit
Jacques Rupnik