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Hommage: dans les carnets du samedi de Pierre Bouillon – Le Soir

En hommage à Pierre Bouillon, « Le Soir » republie dix carnets du samedi écrits entre 2014 et 2017 représentatifs de son style, son érudition et sa connaissance politique.

On dit qu’ils vivent à 10.000 pieds du sol et que, du coup, ils ne sont même plus conscients de toucher des salaires hors-normes. Faux. Nos élus connaissent très bien la vie.

Pour des raisons pratiques… Les canailles qui ont de petites fautes à se reprocher sont priées de (discrètement) se signaler à leurs parlements pour que ceux-ci puissent s’organiser un minimum. Le fait est que, au train où ça va, il n’y aura bientôt plus assez de députés pour former des commissions d’enquête parlementaires.
Après le Kazakhgate, Publifin et cie, une nouvelle commission va se pencher sur le Samusocial de Bruxelles dont les dirigeants se payaient (bien) sur le dos des nécessiteux. La règle pose que le total des émoluments d’un mandataire ne peut pas dépasser 150 % de l’indemnité parlementaire (182.000 euros brut). Mais cette limite ne cible que les rémunérations publiques. Le Samusocial a un statut privé.
Donc, salaire = privé.
Donc = va te faire foutre le plafond.
La question a fusé cette semaine, à l’addition des affaires touchant le PS (sans remonter au déluge : Agusta, la Carolo, Publifin, l’ISPPC, Samusocial, etc., etc., etc.) : qu’est-ce qui explique que le PS est mouillé comme un étang alors que les autres partis restent (plus au moins) au sec ?
Le pouvoir, of course. Le PS s’est installé en Wallonie comme les racines de l’oyat retiennent les dunes. On a aussi entendu parler d’une « déconnexion des réalités ». Nos élus vivraient à 10.000 pieds du sol, sans plus mesurer l’énormité de leurs salaires.
Conneries.
Les élus ne sont pas ces pachas de l’industrie qui n’ont jamais mis moins de 100 mètres entre eux et un prolétaire. Ce sont des élus de terrain, très au fait des réalités de la vie. Yvan Mayeur est assistant social. Il a présidé le CPAS de 1995 à 2013. Pascale Peraïta a dirigé le Samusocial de 1999 à 2013, avant de présider le CPAS. La misère, ils savent. Elle leur a soufflé dans le nez tous les jours et longtemps.
Si quelqu’un semble déconnecté du réel, c’est le patron. En selle depuis 1999, longtemps brillant, vif, inspiré, Elio Di Rupo est aujourd’hui méconnaissable, dépassé, à contretemps, pusillanime. A-t-il tiré les leçons des affaires carolo de 2005 ? Les faits prouvent que non. A-t-il agi en 2013, quand l’Inspection des finances a commencé à renifler des faits curieux au Samusocial (gestion floue, sursalaires) ? Les faits prouvent que non.
On dira : le président ne peut pas avoir l’œil à tout. Si. Il doit avoir l’œil à tout. C’est même son travail.
Di Rupo est-il encore à sa place ? Les barons du PS décrètent en général que le moment n’est pas idéal pour lancer une présidentielle et qu’il est préférable de laisser passer les communales (2018) et les fédérales/régionales (2019).
Bref : on bougera après le scrutin mais ne touche à rien avant.
Ah…
Z’êtes totalement sûrs de votre coup, les mecs ?
Charles Michel dit que la politique du gouvernement doit redresser le pays. Bart De Wever dit qu’elle doit le flanquer par terre.

Un dicton flamand dit : « Une bonne haie fait de bons voisins. » Traduisez : chacun chez soi et pas de dispute. C’est en vertu de ceci que le mouvement flamand (avec l’appui, longtemps, du mouvement wallon) a transformé le pays en bocage normand.
Et c’est pas fini.
Cette semaine, la commère d’Anvers a signalé qu’elle ne renonçait pas à ses obsessions confédéralistes.
Rien de nouveau là-dedans.
Le patron de la N-VA a signalé qu’il voyait l’Etat réduit à quatre ministres (et autant de compétences : Défense, Sécurité, Finances, Affaires étrangères).
Rien de nouveau ici.
A Bruxelles, on fusionne les 19 communes.
Rien de nouveau ici.
Bart De Wever dit qu’il voit bien que les francophones ne sont pas très demandeurs de relancer le débat institutionnel. Mais il dit qu’un jour, les sudistes seront clients d’une nouvelle réforme. Voici son moyen : « Exercer une pression sur eux (les francophones). Et pour cela, nous devons utiliser le pouvoir au niveau fédéral. En menant une politique de réformes socio-économiques, nous voulons éveiller l’appétit des francophones. »
Rien de nouveau ici.
Le chef nationaliste a toujours dit qu’il voulait l’indépendance pour pouvoir mener une politique de droite en Flandre. Nous, on l’a toujours soupçonné d’être à droite-droite pour arracher l’indépendance.
Ce qui est nouveau, c’est que c’est la première fois que le chef nationaliste expose son calcul publiquement, aussi cyniquement. L’idée étant donc celle-ci : il s’agit d’user les sudistes, plus à gauche, en leur imposant l’austérité, les reculs en Sécu, les reculs dans les pensions, les reculs dans le fonctionnement de l’Etat. Il s’agit donc d’user les francophones et de les porter à réclamer le divorce par écœurement.
BDW d’Anvers a le mérite de la franchise. Mais voilà un propos qu’il eût mieux valu tenir pour soi.
Le fait est que Charles Michel se grille les cordes vocales à répéter que sa politique doit redresser le pays. Et voilà que son allié explique qu’elle vise en fait à flanquer le royaume par terre.
Déjà accusé de danser avec le diable, voilà le MR officiellement désigné comme le complice du sabordage de l’Etat. Autant dire que De Wever vient encore de porter un coup au seul parti francophone qui accepte de gouverner avec lui.
Monsieur est gaffeur.
Ce n’est pas nouveau.
En politique, il y a une différence entre séduire et convaincre. Séduire, ça permet de gagner les élections et d’aller au pouvoir. Convaincre, ça permet d’y rester.

Le chat arrondit le dos quand il est menacé et qu’il veut menacer à son tour. C’est une posture de défense en mode agressif. L’expression « faire le gros dos » vient de là.
Curieusement, quand on l’applique à l’être humain, ou à une organisation d’être humains, l’expression suggère un comportement plutôt passif.
Par exemple : le PS est présentement menacé par Publifin, par la crise de la social-démocratie, par ses 20 années au pouvoir, par des sondages en pente, par le PTB (beaucoup), par Ecolo (un peu), par lui-même (énormément), par, par, par et par. Et le PS fait quoi ?
Il laisse couler.
Le hérisson se met en boule.
Le chat fait le gros dos.
Pas de réaction et pas de débat interne (à première vue).
On dit : à première vue parce que, à l’automne, abîmé dans les sondages, le CDH, lui aussi, avait arrondi le dos. Genre : même pas peur et même pas vrais (les sondages). Tu parles. Quelques jours plus tard, on surprenait le parti à cogiter en mode sauve-qui-peut du côté de Namur où un expert en communication engageait les centristes à livrer un propos un peu plus radical.
Message reçu : le parti continue à parler chewing-gum (sauf la députée Catherine Fonck mais elle, c’est inné : elle est née pour enguirlander le monde – ce qui la rend d’ailleurs… intéressante).
Mais bref.
Officiellement, donc, le PS se tait. Que faire d’autre, aussi, alors que la tornade Publifin soulève des colonnes de poussière dans tous les coins du pays ?
Faut attendre que ça passe. Aujourd’hui, tout message du genre « OK, je lessive » serait inaudible. Alors, le PS attend.
Le PTB, lui, n’attend pas. Il pavoise à mort. Il exulte.
Question : c’est un feu de paille, ce bazar ? Peut-être pas.
Mais il faut voir. Raoul Hedebouw n’est pas pressé d’aller au pouvoir. Jusqu’ici, quand on l’interrogeait là-dessus, il évoquait des échéances lointaines (dix ans, dans ces eaux-là…). Il est moins tranché, aujourd’hui. Il a raison. Ce n’est pas le PTB qui décidera d’aller au pouvoir ou non. C’est le suffrage universel. Si l’électeur met le parti dans les conditions d’aller dans un gouvernement, faudra bien y aller.
A défaut, l’électeur aura vite l’impression de voter inutile, de voter « pouette-pouette aux riches » sans le moindre effet sur le plan politique.
Et il se fatiguera.
Et si le PTB y va, au pouvoir ?
Ce n’est pas tout de grimper dans un gouvernement. A moins d’obtenir la majorité absolue, il faut résister aux vicissitudes du scrutin proportionnel et des coalitions – et elles sont cruelles, blessantes, humiliantes.
Gagner un scrutin, c’est une chose. Réussir au pouvoir, c’est vachement plus dur.
C’est toute la différence qu’il y a entre séduire et convaincre.
Séduire pour gagner une élection et convaincre pour gagner les suivantes.
Aujourd’hui, le PS fait le gros dos. Que le PTB attende un peu pour bomber le torse.
Marie-Martine Schyns a été contrôlée deux fois en état d’ivresse. Les personnalités publiques ont le droit d’avoir une vie privée et d’en faire ce qu’ils veulent. Y compris déconner.

Alcool au volant, la presse au tournant. On ne passe plus rien à personne. Des confrères ont donc signalé que Marie-Martine Schyns (CDH) ne boit pas que de l’eau le samedi soir. La ministre de l’Education a été contrôlée par deux fois (en pas un an). Elle avait sifflé de la bière spéciale. Elle s’est fait choper.
Maligne, Marie-Martine Schyns (en bref : MMS) a présenté ses excuses sans se chercher des excuses. C’est l’attitude parfaite. Dans ces cas-là, faut pas biaiser. C’est exactement comme dans les tribunaux de police, où (expérience vécue) le juge gronde le délinquant de la route en l’arrosant de questions qui autorisent peu le vrai débat d’idées. Aux assises, ça pinaille. Au tribunal de police, non.
« – Vous rouliez à du 137km/h.
– Oui.
– C’est une vitesse excessive.
– Oui.
– Vous étiez en ébriété, en plus.
– Oui.
– Trouvez-vous cela normal ?
– Non.
– Pourquoi avez-vous pris le volant, alors que vous aviez bu ?
– Parce que j’avais bu, justement. Si j’avais pas bu, j’aurais réfléchi et j’aurais pas pris le volant. »
Faut pas discuter. C’est ce que MMS a fait. C’était le meilleur moyen de liquider cette affaire sans importance aucune (mais alors, aucune…) mais gênante sur les bords. Sur les réseaux sociaux, on s’est vite enflammé et des esprits hardis ont même fait le lien entre ce Pacte d’excellence, que beaucoup contestent, et une ministre qui irait maladivement de traviole.
Allez, allez… MMS est une femme très normalement normale. Elle vit, bosse, fête, boustifaille un samedi sur « x » avec des potes. Elle se fait gauler ? Tant pis pour elle. Elle paie. C’est la loi. Mais pendant ses heures de travail, madame boit de l’eau et sa silhouette en « i » forme un angle droit de 90 degrés par rapport au sol. Point.
Deux : une bonne fois pour toutes, le politique n’est pas l’auteur du Pacte. Il en est le commanditaire. La réforme scolaire a été rédigée par les syndicats, les pouvoirs organisateurs et les associations de parents. Une fois qu’il sera au net, MMS l’exécutera. Re-point.
A charge de Schyns, la presse a invoqué un « devoir d’exemplarité », d’autant plus impératif dans son cas qu’elle est la ministre des petits enfants.
Curieux raisonnement.
Cela voudrait dire que les fautes (du genre un verre de trop) seraient impardonnables pour certains ministres et passables pour d’autres. Elles seraient impardonnables pour la ministre de l’Education, donc. Pour la ministre de la Santé, aussi, bien sûr. Ou pour le ministre de la Petite Enfance, par exemple. Et elles seraient un peu moins graves pour un ministre des Travaux publics, du Budget ou de l’Environnement ?
Les femmes et les hommes politiques doivent être jugés sur leur travail. Pour le reste, ils ont le droit de vivre, quel que soit leur portefeuille. Et ils ont le droit de souffler. Même dans un ballon.
Jacqueline Galant a vu des « choses » qui l’ont « dégoûtée. » Quoi ? Elle ne dit rien. Ou pas grand-chose. Et à ne rien dire, elle laisse tout imaginer. C’est grave.

Quand un parti enguirlande un autre parti, on sait qu’il exagère. Quand l’opposition enguirlande la majorité, on sait qu’elle exagère. C’est le jeu. Tout est vaguement tronqué.
Mais quand la zizanie enflamme un parti, quand les frères se disputent entre eux, là, ça sonne forcément vrai, n’est-ce pas ?
Spectacle !…
Les partis, entre eux, se livrent des combats sans haine. Au sein même d’une formation, là, c’est chaud-poison. Le 6e de liste déteste celui qui a obtenu la 3e place. La 3e place déteste la tête de liste. Celui qui a été élu au parlement déteste celui qui a été choisi comme chef de groupe. Le chef de groupe déteste celui qui a été promu ministre. Et le ministre déteste le Premier ministre.
On dit tout ça parce que – par ici Mesdames Messieurs, l’entrée est à six sous… – c’est (à nouveau) la margaille au MR depuis que Jacqueline Galant (c’était jeudi) a rendu public son bouquin (« Galant, je vous dis nom d’un petit bonhomme »).
Intérêt = 0.
C’est un plaidoyer d’acquittement pour elle (elle a commis zéro faute, zéro mensonge, zéro rien).
C’est un réquisitoire contre 50 % de son parti (Didier Reynders en particulier) et contre le monde politique en général.
Tout a déjà été dit, sur ce livre.
Revenons sur les propos de l’ancienne ministre quand elle évoque l’arrière-cuisine de la politique.
« J’ai vu des choses qui m’ont vraiment dégoûtée. Heureusement que le citoyen ne sait pas tout ce qui se passe en coulisses ; il serait vraiment dégoûté. »
Ah…
De quoi parle-t-elle ? Qu’est-ce qui se passe d’odieux dans ces coulisses ? Là, on aimerait savoir. Mais, en fait, on ne sait pas. Elle ne dit rien. Ou pas grand-chose.
A ne rien dire, elle laisse tout imaginer.
C’est grave.
C’est carrément irresponsable.
Une piste, peut-être : « Les hommes de pouvoir sont souvent des hommes plus portés sur le sexe que les autres », écrit-elle. « On connaît les déviants, les Berlusconi, les DSK. Mais il y a aussi les autres plus discrets mais tellement nombreux, qui n’hésitent pas à enlever leur pantalon dans leur cabinet ministériel. Ceux qui ont cinq ou six maîtresses régulières. Ceux qui paient des prostituées. »
Tellement nombreux…
A ne désigner personne, elle désigne tout le monde. C’est grave.
C’est carrément crapuleux.
Au fait… Galant a été ministre d’octobre 2014 à avril 2016. Ce système, qui l’aurait tellement dégoûtée, elle n’en a jamais rien dit quand elle était ministre. Autant dire qu’elle l’a accepté. Et qu’il a fallu qu’on la balance pour qu’elle balance.
Le bouquet : « J’ai parfois du mal à me taire. »
Turlututu…
Non, Madame : tu as vu…
Tu as su…
Et tu t’es tue…
Le bilan : ce sera la terrible difficulté de Charles Michel aux élections de 2019. Surtout que, depuis son entrée en fonction, le gouvernement cumule les gaffes.

On dit souvent qu’un politique, aux élections, est jugé sur ses projets, pas sur son bilan. Possible. En tout cas, un bilan, ici, pour nos gouvernements belges, c’est toujours difficile. La faute à notre scrutin proportionnel et à notre régime de coalitions (à quatre partis, cinq, six : allez savoir qui a fait quoi…).
La faute, aussi, à l’alternance. Elle est peut-être salutaire pour la démocratie. Elle est néfaste au débat. Elle brouille l’analyse. Si un gouvernement se flatte d’un bon résultat, le prédécesseur fait valoir qu’il y est pour quelque chose. Si un gouvernement se désole d’un échec, le prédécesseur fait valoir qu’il n’y est pour rien. Bref ! Qui est responsable de quoi ? No lo sé. Qui a fait quoi ? No lo sé. A quoi doit-on ceci ? No lo sé. Qui a fait le con ? No lo sé.
Le bilan : ce sera la terrible difficulté de Charles Michel, aux élections de 2019 (s’il y arrive). Très occupé à réformer le pays, le gouvernement suédois promet un bilan de dieu ta mère en termes d’emplois, de productivité, de pouvoir d’achat.
Cause toujours. En 2019, les citoyens feront leurs comptes, mais sans pouvoir faire la balance entre ce que le gouvernement leur a donné et ce que le gouvernement leur a piqué. Pas clair. Et puis, la majorité dira blanc. L’opposition dira noir.
Alors : no lo sé.
Un bilan clair risque d’émerger. Clair. Handicapant. Dérangeant. Assassin. C’est l’image.
Rappelez-vous. C’était en octobre 2014, il y a deux ans, lors de l’intronisation du gouvernement suédois. A la tribune, Charles Michel essaie d’en placer une. Laurette Onkelinx, cheffe de l’opposition PS, vide ses poumons sur la nouvelle majorité.
Pas bon pour elle. On retiendra l’idée d’un Premier ministre de bonne volonté, mordu aux jarrets par une opposition revancharde et frustrée.
Mais voilà : il y a eu le reste.
Toutes les autres kermesses à la Chambre. Le reste, ce sont les gazouillis rigolards-limites de Theo Francken. Les amitiés douteuses de Jan Jambon. Les à-peu-près d’Hervé Jamar. Les absences de Pieter De Crem, pris à déserter son ministère pendant six semaines pour étudier aux Etats-Unis (on se fout de qui, là, au fait ?). Ce sont les bourdes (hebdomadaires) de Jacqueline Galant. Les gaffes (mensuelles) de Marie-Christine Marghem. Les empoignades (quotidiennes) entre la N-VA et le CD&V. Et les gaffes du gouvernement – absent le jour de l’Etat de l’union (fallait le faire : il l’a fait).
A force, l’impression a changé.
Ce n’est plus l’opposition qui se déchaîne, qui force le trait.
C’est le gouvernement qui les cumule.
Alors, attention, Charles.
En politique, le ridicule tue.
Et là, tu commences à être mort.
Le discours que le Roi a livré mercredi était inspiré, profond, vif, courageux, éclairant et enthousiasmant. On rigole ? Oui, on rigole.

Tous les observateurs royaux l’ont noté : le roi Philippe a prononcé son discours du 20 juillet debout.
Pas assis.
Debout.
C’est quand on n’a rien d’autre à se mettre sous la dent que l’on s’arrête à ce type de détail.
On s’est donc arrêté à ce détail puisque, conformément à l’usage fixé par ses prédécesseurs (un usage rarement contourné…), le Roi a livré un propos-ronron, sans surprises et sans élan.
Reconnaissons deux mérites au discours royal : c’est un somnifère 100 % biologique et qui présente un risque d’accoutumance voisin de 0 %.
Il y a des usages dans l’usage.
A tous les coups, et ça remonte à Sire mon oncle, les souverains jouent toujours deux petits airs de violon sucré sur l’Europe (obligé) et sur… les jeunes (obligé), sur le bel espoir qu’ils représentent, leur générosité, leur esprit d’ouverture, leur tolérance, leur talent, leur ci et leur ça.
On n’a jamais compris cette fascination béate à l’endroit de cette jeunesse habillée de toutes les vertus.
D’abord, on imagine que celle qui est mise en contact avec nos majestés présente un profil plus ou moins adapté au prêchi-prêcha du palais (saine, vive, souriante, polie, sportive, entreprenante, inventive, archi-polyglotte…).
Nous, on est d’avis que les Sires ont sans doute une vision un peu filtrée de l’affaire.
Ce qui gêne, aussi, c’est que vanter à l’excès cette génération est un propos clivant, lequel alimente en creux l’idée que les vieux seraient fermés du cerveau et intolérants.
Cela se discute, n’est-ce pas.
On serait enclin, nous, à plutôt penser que le corps et l’esprit obéissent à des lois inversées. Quand le physique est souple, les idées sont souvent un peu raides.
Et c’est aux âges où le physique se raidit que les idées se détendent. Cela s’appelle l’expérience, Sire. Le temps arrondit les angles. On s’ouvre. On sent mieux les limites de l’autre.
Mais soit – cela se discute.
Philippe a émis un propos étonnant, mercredi.
Il a dit : « Vous les jeunes, cherchez de plus en plus le bien-vivre ensemble avant le confort matériel. »
Philippe a une vision étonnante de la vie.
Philippe pense que les jeunes ont le choix.
Philippe pense que les choses se déroulent comme ça, à l’Onem :
« – Cher Jeune, j’ai deux propositions. La première : un contrat à durée illimitée, salaire à 2.500 euros (au début ! au début !…), voiture de fonction et primes en pagaille. Dans vingt ans, t’es proprio d’un quatre façades à la campagne. Et question de vivre-ensemble, il y a juste une fête des voisins par an (sans obligation d’y aller, je te rassure).
L’autre proposition : c’est un contrat à durée déterminée (genre court), temps partiel avec salaire de 1.100 euros par mois ; t’auras jamais de voiture, tu seras jamais proprio. On t’a trouvé un truc pourri au centre-ville. Mais !… C’est une colocation avec un Belge, deux Flamands, un réfugié Syrien et six Espagnols en Erasmus (et très fêtards). Donc, pour le bien-vivre ensemble, on peut pas mieux (si ça marche). Tu choisis quoi, Jeune ?
– Le truc pourri ! »
Tu descends sur terre, Sire ?
T’es avec nous ?
PS et SP.A proposent de composer le Sénat avec des citoyens tirés au sort. Une belle idée… méchamment démagogique et sans intérêt.

C’est bien, le pouvoir. Mais l’opposition, c’est bien aussi. C’est un divan qui permet, les fesses calées dans le moelleux de l’irresponsabilité, de dire (un peu) n’importe quoi. C’est le moment idéal pour promettre toutes les mesures impayables et/ou irréalistes. Comme on est dans l’opposition, elles ne peuvent pas se concrétiser. Que risque-t-on, donc ? Rien, sinon se rendre sympathique.
C’est dans ce cadre, et pas un autre, qu’il faut analyser la proposition socialiste de composer le Sénat avec des citoyens tirés au sort. Ceci a été suggéré par les députés Peter Vanvelthoven (SP.A) et Laurette Onkelinx (PS).
D’abord, on se représente mal la chose, sur le plan pratico-pratique. Les citoyens tirés au sort siégeraient combien de temps ? Si c’est un an, par exemple, on ne voit pas bien l’intérêt. Si c’est cinq ans (le temps d’une législature), ça pourrait sembler longuet. Et pour faire quoi, aussi ? Le Sénat n’est plus qu’un salon où l’on bavarde. Y inviter des non-élus relèverait d’un foutage de gueule. A supposer que l’on renforce les pouvoirs du Sénat, pour donner du sens à l’affaire, on tique : on confierait donc des prérogatives à des individus qui n’ont pas été choisis, voulus, par la population ? En prime, que fait-on si le sort désigne un imbécile absolu ou une saleté fasciste ?
Une fois décapée de son vernis sympathique, cette proposition apparaît comme une froide négation de nos principes démocratiques, lesquels supposent que la direction du navire soit confiée à des personnes désignées et désirées par l’électorat. Là, on s’en remettrait au hasard, lequel est, hélas… dictatorial.
Ajoutons que la proposition PS/SP.A alimente le cliché selon lequel nos dirigeants seraient des divinités détachées du sol. A l’inverse, et tout aussi implicitement, elle pose que le citoyen serait un ange de pureté, habité d’une sagesse qui manquerait à l’élite. Bref : au lieu de réhabiliter le politique, cette proposition accentue le cliché d’une élite impure.
On le sait : dans l’esprit du PS et du SP.A, il s’agirait de combler ce fameux fossé entre la politique et ses administrés. Un : on ne voit pas pourquoi, comment, et pour quelle raison, l’envoi d’une brigade citoyenne au parlement comblerait le fossé dont il est question. Deux : celui-ci n’est pas un fait nouveau. Il est une donnée naturelle de la démocratie et existe depuis que des hommes ont inventé l’idée de confier leur sort à d’autres. Exercer le pouvoir déçoit – c’est fatal. Et donc, poum : the fossé.
Tout le monde est responsable de cela. Le politique. Et le citoyen, qui s’éloigne du débat public par paresse, parce qu’il y a plus rigolo à faire et parce qu’il fait beau dehors (matez, par exemple, les audiences chancelantes du débat télé politique dominical).
Que peut faire le politique ? Il est coincé parce que l’affaire publique est complexe, erratique, naturellement confuse. En d’autres termes, il est condamné à ennuyer. Sauf à parler court, parler simple, se borner à défendre une petite idée élémentaire et, surtout, accrocheuse. Bref : ce que font si bien les populistes. Lesquels, comme on le sait, ont le vent en poupe, amenés au pouvoir par ces citoyens qui ne sont pas, à dire vrai, et tout bien pesé, beaucoup plus fréquentables que les politiques.
La stratégie semble claire : il faut se rendre détestable.

C’est à Hugo Schiltz (Volksunie) que l’on doit l’initiative du Pacte d’Egmont (oui, aujourd’hui : un peu de paléontologie politique). Le pacte d’Egmont, c’est cet accord négocié en 1978/1979 par les socialistes, les chrétiens, la VU et le FDF. Il vidait toutes nos querelles institutionnelles (on scindait BHV, on créait les Régions, etc.). Tout. Mais l’accord a volé à l’eau à cause du CVP (CD&V) qui était déjà, autrefois, ce qu’il est encore aujourd’hui.
Quand il dit oui, il pense peut-être. Quand il dit peut-être, il pense non. Et quand il dit non, il pense peut-être.
Hugo Schiltz (paix à son âme) s’était mouillé les doigts dans les milieux de la collaboration. Mais à l’époque, on passait assez facilement l’éponge. Et on a retenu le souvenir d’un homme assez conciliant, affable avec les Wallons et capable de compromis. Il est même devenu un peu poteau avec Lucien Outers (oui, le francophonissime président du FDF !…), à qui il rendait visite l’été, dans le sud de la France.
C’est le tempérament cordial de Schiltz qui, largement, explique l’avènement d’Egmont. Car telle était la stratégie de cet homme : composer, amicalement.
Il y en a une autre, de stratégie.
C’est celle de la N-VA, plus en phase avec les amidonnés historiques du flamingantisme. Lesquels partent d’un principe simple : il n’y a pas à ménager ceux dont on veut se défaire ; il faudrait même les amener à aimer l’idée de se séparer. Bref : il faut se rendre détestables.
Ceci explique tout.
Ceci explique pourquoi, au lieu de rougir et de s’excuser, ils ont bon, à la N-VA, quand l’opinion francophone s’indigne de leurs propos scabreux (Theo Francken et son Zwarte Piet), quand on les prend à fêter l’anniversaire d’un ancien collaborateur ou à chanter leurs requiem séparatistes.
Ceci explique pourquoi la N-VA exaspère, use, renâcle, s’entête et rend le compromis si pénible. Ceci explique ses insultes à l’endroit des syndicats, traités cette semaine d’« idiots archaïques » – quel bonheur, n’est-ce pas, d’exciter cette FGTB qui, vu de Flandre, incarne si bien ce boulet wallon ankylosé dans la conservation des droits acquis ? Ceci explique au passage ce semi-accord sur les prépensions, qui enflamme les syndicats – la colère sociale n’étant peut-être pas la conséquence de l’affaire, mais le but.
Ceci explique encore, et plus largement, le travail de sape de l’Etat et de cette fonction publique serrée dans des budgets de plus en plus courts qui achèvent d’enrayer son fonctionnement – voyez singulièrement la justice et l’administration fiscale où investir un peu rapporterait tellement.
Telle est la ligne. Et la ligne est, cyniquement dit, totalement cohérente : on ne fait pas de bien à ce que l’on rêve de détruire.
Charles Michel est en titane. Il peut tout supporter. C’est un saurien.

En 1946, Paul-Henri Spaak forma une équipe que l’on appela le « gouvernement des crocodiles ». Il ne devait pas ce surnom à quelque projet de flanquer les crocs dans nos acquis sociaux. C’est à cause du journal La Wallonie . En Une, celui-ci avait publié deux photos. L’une montrait Spaak et trois de ses ministres. L’autre montrait des sauriens. La légende signalait : « Les crocodiles du zoo de Hambourg, repus, se chauffent au soleil. » Le problème, c’est que le metteur en page s’est planté. Que la légende sur les crocos fut placée sous la photo de Spaak. Et que, sous la photo des reptiles teutons, figuraient, en légende, les noms de Spaak et de ses ministres.
En fait, si ce « gouvernement des crocodiles » revient à notre mémoire, c’est parce qu’il a été le plus éphémère de l’histoire du pays, comme nous le rappelle l’historien Vincent Dujardin (UCL). Il tint… sept jours (du 13 au 20 mars 1946). Le fait est que Spaak se rendit à la Chambre avec une équipe qui n’avait pas la majorité et qu’il n’obtint donc pas la confiance des députés (Popol = un sacré kamikaze).
Tout ceci pour dire que Charles Michel (qui entame lundi sa 5e semaine) n’est désormais plus en mesure de battre le record de non-longévité gouvernementale et que, contrairement à bien des pronostics établis à l’été, le bougre tient.
Il tient.
Et il va tenir.
Bien sûr, il y a une fronde sociale.
Ne mégotons pas : un raz-de-marée a balayé Bruxelles, jeudi. On ne parle pas de ces 200 voyous qui ont offert aux sensibles d’évoquer un début de guerre civile (si ça n’était pas tendre, ça n’était pas la fin du monde non plus). Non, parlons de l’essentiel : des 120.000 manifestants défilant contre la politique de Charles Michel.
120.000, c’est un succès. Mais c’était une première manif. Et une première manif, c’est juste se montrer. Lutter, c’est autre chose. Lutter, c’est revenir, revenir et revenir encore. C’est manifester, beaucoup, et débrayer, beaucoup – parlez-en aux gens de Clabecq, aux mineurs du Limbourg ou aux profs des années 90.
Le problème, c’est que l’époque ne tolère plus beaucoup ça.
Voyez déjà l’espèce de Tchernobyl émotionnel qu’a suscité dans une partie de la population l’organisation de la manif nationale de jeudi – et voyez ces tonnes de délires oiseux sur la confiscation du pays par les grévistes. On comprendrait que les esprits s’enflamment au 6e jour de grève. Ou au 24e.
Là, on n’en était qu’au coup de semonce.
Les gens ne supportent plus grand-chose. Et le vocabulaire est à l’avenant. Les syndicats n’avaient pas encore mis un gréviste en rue que certains parlaient de « climat d’insurrection ». Jeudi, il était question d’un « enfer dans les rues de la capitale » (le litige police VS crapules, certes violent, s’est résumé à la contestation territoriale d’une bande de bitume de 500 mètres).
Le seuil de tolérance est tombé bas.
Bart De Wever l’a compris. Jeudi, alors que Michel entrouvrait la porte, le chef de la N-VA l’a claquée sèchement en déclarant « qu’il n’y avait pas d’alternative à (sa) politique ». Entendez qu’il met les syndicats au défi d’engager une véritable épreuve de force, fondée sur la durée.
Et ça, les enfants, c’est pas vendu.
Deux : d’une façon générale, que l’on se dise une bonne fois pour toutes que N-VA, VLD et MR n’ont pas peur de la politique qu’ils mènent. Ce sont des partis de droite, qui ont des électorats de droite, qui mènent des politiques de droite et qui se disent, et avec raison sans doute, que leurs électeurs ne les puniront pas pour ça.
Enfin, apprenez que la mine ronde et benoîte de Charles Michel est trompeuse.
Il n’est pas un nerveux de la popularité comme l’était Di Rupo. Il est en titane dépassionné. Ce type-là peut tout supporter.
C’est un saurien.
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