Pièces complète 2 euro commémorative et accessoires protection pièces

Heïdi Sevestre, glaciologue : «Les gens hallucineraient de savoir à … – Le Figaro

Entretien.- Celle qui se définit comme un «docteur des glaciers» alerte sur la situation climatique en Arctique et explique comment la fonte des glaces affecte notre quotidien.
À 17 ans, Heïdi Sevestre rencontre un guide de haute montagne qui lui apprend que l’on peut être payé pour étudier les glaciers. Elle en rit de bon cœur : «Grâce à lui, j’ai compris que c’était un vrai métier». Depuis ce jour, à l’issue d’un lycée agricole et d’un master de glaciologie, elle se démène pour trouver «le maximum d’excuses» pour passer du temps sur le terrain. Amoureuse du Spitzberg, une île de Norvège située dans l’archipel du Svalbard, Heïdi Sevestre tente de comprendre comment les glaces réagissent au dérèglement climatique. Rendre la science accessible au plus grand nombre et partager le fait que la fonte des glaces affecte notre quotidien est aujourd’hui une mission vitale pour elle.
Madame Figaro.– Comment avez-vous choisi cette voie ? Votre entourage proche évolue-t-il dans ce milieu ?
Heïdi Sevestre.– Mes parents n’exerçaient pas de métiers en lien avec la montagne mais nous faisions souvent des randonnées ensemble. Quand on grandit en Haute-Savoie, on est entourés de personnes qui aiment la nature. Ils m’emmenaient tout le temps en balade. Mon frère traînait des pieds, quand je vivais ma plus grande passion. Mes parents m’ont toujours encouragée à suivre mes envies et je leur en suis très reconnaissante. Ils sont conscients des risques que je prends en étant glaciologue mais sont tout de même heureux pour moi.
Feux de forêts, canicules, périodes très froides… tout cela est lié directement à la fonte de l’Arctique
Aujourd’hui, nous savons que notre vie de tous les jours est directement impactée par la fonte des glaces. Spécialement en France où nous sommes affectés par la perte des glaciers des Alpes qui entraîne la disparition de nos réserves d’eau douce. Cela peut paraître lointain, mais la fonte de l’Arctique a aussi des conséquences sur notre quotidien. Feux de forêts, canicules, périodes très froides… l’ensemble de ces événements sont directement liés à la fonte de l’Arctique. La glaciologie est ma plus grande passion, mais cela implique des responsabilités. Nous avons pour devoir de rendre cette science accessible à tout le monde pour éviter la disparition des glaciers. Les conséquences sont déjà dramatiques, mais elles le seraient encore plus si on ne fait rien dans les années à venir.

Comment se déroule une journée type d’Heïdi Sevestre ?
Je passe de nombreuses journées en réunion derrière un ordinateur ! Avec mon équipe, nous coordonnons près de 800 experts au sein du conseil de l’Arctique. Ces derniers font de la recherche sur le dérèglement climatique afin de communiquer cette science, auprès des gouvernements par exemple. C’est beaucoup de travail administratif, que bien sûr je ne montre pas sur Instagram ! En revanche, j’ai passé tout l’été au Groenland pour réaliser une série de documentaires pour National Geographic. J’étais avec le grimpeur américain Alex Honnold  et j’ai vécu une expérience passionnante. J’ai besoin d’être les deux pieds sur des glaciers et d’essayer de les faire parler. Ils ne sont pas super bavards, mais c’est notre travail de prendre leur température, d’écouter comment ils se comportent et de ramener ces données au plus grand nombre. Ces dernières semaines, j’interviens auprès des entreprises et des collectivités territoriales et je remarque que tout le monde est curieux de ce qu’il se passe en Arctique. Il y a une réelle prise de conscience qui pousse les gens à passer à l’action, ce qui me fait vraiment plaisir.

Sur Instagram, vous avez organisé une séance de questions-réponses concernant la COP27. Que faut-il en retenir selon vous ?
En France, il y a énormément de «COP bashing», et je ne blâme personne d’être frustré par les décisions prises lors des COP. Mais c’est la première fois que je sors de cette réunion annuelle en semi-dépression et non en dépression totale ! (rires). Il ne faut pas non plus trop attendre des COP parce qu’elles fonctionnent sur le principe du consensus. Comment peut-on penser enfermer 200 pays dans la même pièce et qu’il en ressorte quelque chose d’ambitieux ? Si un seul pays n’aime pas un mot dans le texte final, ce dernier change. C’est pour cela que l’on se retrouve avec un texte dilué et qui n’est pas aussi intéressant qu’au départ. Malheureusement en dehors des COP, nous n’avons aucun autre rassemblement qui réunit tous les pays du monde chaque année. C’est pour ça qu’il faut les conserver mais sans en attendre des miracles. Lors de cette édition, il y avait beaucoup de bonnes nouvelles. Par exemple, les pays en développement, ce que l’on appelle le «global south», sont très contents.
À lire aussiCOP27: l’aide aux pays du Sud au cœur des débats
Les pays du Sud, plus particulièrement les pays en développement, essaient de motiver les pays les plus riches à créer un fonds de financement depuis des dizaines d’années. L’idée est que les pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre viennent en aide financièrement aux pays les plus pauvres quand ils font face à une catastrophe climatique. Après des décennies à travailler sur ce projet, le fonds «Loss and damage» (pertes et dommages, NDLR) a enfin été créé, c’est assez extraordinaire.
Quel est votre rôle en tant que glaciologue lors de cet événement ?
Nous briefons les gouvernements et les négociateurs du climat sur l’importance des glaces. J’ai pu encourager 16 pays en même temps ! Ils ont créé une coalition pour les glaces : Ambition on melting ice (ambition sur la fonte des glaces) afin d’avoir plus d’ambitions dans leurs objectifs contre le changement climatique.
Comment agir en tant que citoyens ?
Ceux qui nous représentent à la COP, pour la plupart, sont des gens pour qui nous avons voté… Je le dis beaucoup aux jeunes générations qui se sont peu déplacées lors de la dernière élection. Voter c’est le premier pas vers l’action climatique. Je sais très bien que notre système démocratique n’est plus du tout adapté à la situation actuelle, mais comme notre démocratie ne va pas changer du jour au lendemain, il faut faire avec. Aujourd’hui, ce que l’on attend des gouvernements, c’est qu’ils comprennent l’urgence climatique dans laquelle on est. Le grand public souhaite plus de courage de la part de nos dirigeants ; malheureusement, leur ambition n’est pas du tout à la hauteur du problème.
Il y a ceux qui peuvent changer le monde et ceux qui veulent changer le monde
En dehors de la COP, quels sont les autres leviers auxquels vous avez recours ?
Je passe la majeure partie de mon temps à donner des conférences pour sensibiliser les collectivités et les entreprises. C’est là que cela bouge vraiment. En résumé, il y a ceux qui peuvent changer le monde et ceux qui veulent changer le monde. Bien sûr il y a du green washing et l’on ne va pas assez vite mais il y a énormément de choses qui sont faites. Mon monde s’effondre. Au niveau de la glaciologie, il n’y a aucune bonne nouvelle, on n’est en train de perdre le contrôle et la situation est catastrophique. Que faire face à ce constat ? Il faut agir.
Faut-il ménager les citoyens, déjà culpabilisés au quotidien ?
Je pense que les gens hallucineraient de savoir à quel point la situation est compliquée aujourd’hui. Il faut arrêter de penser qu’il ne faut pas «faire peur à la population». Nous, scientifiques, avons la responsabilité d’aller voir ces gens-là, de les regarder dans les yeux et de leur dire la vérité. Les rapports du Giec sont importants mais accessibles à très peu de monde. Il faut donc comprendre ce qu’il se passe et ne pas hésiter à contacter les scientifiques. En parallèle, il faut que les citoyens s’engagent et soutiennent des initiatives locales ou régionales. Nous avons tous notre propre cercle d’influence auprès de qui nous pouvons diffuser la bonne parole.
Le concept d’empreinte carbone a été inventé par l’industrie fossile et cela divise les gens ! C’est un comble, alors que ce ne sont pas les plus vulnérables mais les privilégiés qui doivent faire des efforts. Tout ce qui participe à réduire notre impact sur la nature, réduire notre utilisation d’énergies fossiles, tout ça, est bon à prendre. C’est par l’action collective que nous allons y arriver. Mon défi personnel est d’arriver à sensibiliser des gens qui n’ont pas accès aux scientifiques. Car il y a une discrimination qui s’opère au niveau des connaissances. Je vois des jeunes en lycée technique par exemple qui ne sont pas au courant de ces problématiques. On dit toujours que «le savoir, c’est le pouvoir» et ces personnes-là, on ne leur donne pas les informations.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote qui peut faire réagir les gens sur le changement climatique ?
Lors de ma dernière expédition scientifique, «The Climat Sentinels», je suis partie un mois avec une équipe 100% féminine au Svalbard. Nous évoluions en ski pendant 450 kilomètres, ce qui nous rendait très vulnérables aux changements météorologiques. Il faut imaginer l’équivalent des Alpes mais en Arctique. Cela fait plus de treize ans que je passe des mois sur cet archipel, je le connais par cœur ! Habituellement au mois d’avril, il fait très froid, la météo est très stable.
Dès le départ, quelque chose clochait. Le thermomètre affichait 5°C, alors que les températures habituelles sont plutôt de -25 degrés. Nous avions tout préparé pour des températures très stables mais très basses.
C’était tellement violent, que l’on est revenu de cette expédition avec une grande rage au ventre.
Au final, nous avons dû affronter plusieurs tempêtes. Dans ces moments-là, la température est positive, la neige se met à tomber, les avalanches se déclenchent tout autour de nous. Les crevasses sur les glaciers s’ouvrent, la banquise se désintègre… Rapidement nous avons compris que l’on ne pouvait plus avancer. Le vent soufflait jusqu’à 140 km/heure, nos tentes se faisaient arracher.
Entre deux moments de répit j’ai dit à mon équipe : «Il n’y a plus qu’à s’enterrer si on ne veut pas se faire emporter par le vent». Nous avons creusé des trous dans la neige pendant quelques heures pour passer trois jours à l’abri. Nous avions largement sous-estimé le réchauffement climatique et mis tous les jours notre vie en danger. Ce que l’on était censé observer dans cinquante ans est déjà là. C’était tellement violent, que l’on est revenu de cette expédition avec une grande rage au ventre. On a risqué notre vie dans l’Arctique pour ramener des données scientifiques, nous nous devons d’en parler.
Quel est l’équipement indispensable pour affronter ces conditions climatiques ?
Nous sommes des «super geeks» de l’équipement ! Quand on est sur le terrain, l’équipement c’est une question de vie ou de mort. Pour la première fois, je travaille avec Helly Hansen, une marque spécialisée dans les vêtements techniques. Je suis surprise de voir à quel point ils sont à l’écoute. Avec mon équipe, nous ne les avons pas ménagés sur nos retours ! Cela peut paraître idiot, mais un zip de veste qui casse, cela peut devenir catastrophique. Comme nous pouvons passer de – 35 à + 6 degrés en quelques heures, il nous faut un équipement qui permette cette flexibilité. On peut vivre une pluie de mousson et quelques heures plus tard tout se met à geler. Armée de mes convictions écologiques, je ne pouvais pas être habillée par une marque qui ne réfléchit pas à réduire son empreinte carbone et à l’environnement en général. Comment réutiliser le plastique qui est à la base un déchet pour en faire des vêtements, par exemple. Quand j’ai préparé mon expédition dans l’Arctique, j’avais besoin d’un sponsor mais je ne voulais pas qu’il soit trop loin de chez moi. L’un de leurs bureaux est à Annecy, près de là où j’habite. Cela m’évite de faire des kilomètres et de polluer pour échanger sur mes besoins.
Dans un monde imaginaire, vous avez tous les pouvoirs. Quelle est la première mesure que vous mettriez en place ?
Je ferais en sorte que polluer coûte très cher. Les pollueurs ne sont pas les payeurs aujourd’hui et pour pallier cette inégalité, nous avons vraiment besoin que notre gouvernement se réveille. L’isolation de notre logement, la nourriture, les vêtements… peuvent avoir un impact monumental, mais ce dont nous avons vraiment besoin c’est d’actions gouvernementales. On doit utiliser notre voix pour exprimer notre désaccord avec la lenteur de nos politiques sur ces questions. L’Union européenne a mis en place des objectifs climatiques élevés. Ce n’est jamais assez mais ils sont très ambitieux; résultat, les États, dont l’État français, doivent payer et c’est une très bonne chose. Il ne faut pas accepter les choses telles quelles sont.
Quel est le moment dont vous êtes le plus fière dans votre carrière ?
Je ne suis pas très fière… En tant que scientifique, j’ai l’impression que l’on n’y arrive pas. J’espère que dans dix ans j’aurais une meilleure réponse à cette question. Aujourd’hui, la seule chose que nous avons à faire, c’est travailler. Il faut rendre l’action contre le changement climatique irrésistible.

Être aussi investie professionnellement, c’est aussi des concessions, qu’elles sont celles que vous avez eu l’impression d’avoir faites ?
J’ai tiré un trait sur le fait de devenir professeure ou maître de conférences. Ma concession était peut-être d’accepter que je ne sois jamais l’une des meilleures scientifiques au monde mais que j’allais tout faire pour rendre cette science accessible au plus grand nombre. Je consacre toute ma vie à faire changer les choses, vacances incluses. Après, c’est très compliqué d’avoir une vie privée en parallèle quand on sait que le temps nous est compté. C’est une question de survie et non un sacrifice, pour laquelle je suis prête à tout. Je me lève le matin avec une rage au ventre assez dingue.
À tout moment, vous pouvez modifier vos choix via le bouton “paramétrer les cookies” en bas de page.
Heïdi Sevestre, glaciologue : «Les gens hallucineraient de savoir à quel point la situation est compliquée aujourd’hui»
Partager via :
Commentez
0
Madame Figaro
Les articles et recettes en illimité 0,99€ le premier mois sans engagement

source

https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions

A propos de l'auteur

Avatar de Backlink pro
Backlink pro

Ajouter un commentaire

Backlink pro

Avatar de Backlink pro

Prenez contact avec nous

Les backlinks sont des liens d'autres sites web vers votre site web. Ils aident les internautes à trouver votre site et leur permettent de trouver plus facilement les informations qu'ils recherchent. Plus votre site Web possède de liens retour, plus les internautes sont susceptibles de le visiter.

Contact

Map for 12 rue lakanal 75015 PARIS FRANCE