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C’est à travers la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) que la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire sera déployée. Le directeur général de cet organisme, au cœur de cette révolution sociale, nous livre ses enjeux et ses implications. Interview.
Boulevard Mohammed V à Casablanca. Le siège historique de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) est une illustration de la métamorphose de cette bonne vieille institution.
Révolu le temps, des dalles en béton grisâtre ou les comptoirs en bois verdâtre qui ornait un hall d’accueil autrefois terne et opaque… Un décor qui était un peu à l’image des comptes financiers et modes de gestion de ce qu’on surnommait, un temps, la «caisse des syndicats» qui avait fait l’objet d’un rapport d’enquête parlementaire incendiaire.
Désormais, le visiteur est accueilli dans un espace lumineux, d’un blanc marbré immaculé, qui pourrait refléter la transparence de gestion de la CNSS actuelle, qui pour la deuxième année consécutive présente des états certifiés sans réserves de la part des Commissaires aux comptes.
Une vingtaine de jeunes filles s’activent aujourd’hui devant le comptoir d’accueil pour remplir les formulaires de candidatures pour les emplois proposés par la CNSS. C’est que la Caisse embauche à tour de bras pour accompagner son développement, pour relever ses nouveaux défis. Car en plus de gérer le régime général de retraite et l’AMO des salariés privés, l’organisme s’est vu confier deux nouveaux régimes: l’AMO des travailleurs non salariés, mais aussi (et surtout) l’AMO des Ramedistes… Deux pans essentiels de la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire, chantier royal piloté minutieusement par le gouvernement avec un échéancier déterminé.
L’homme chargé de négocier ce virage crucial pour la CNSS et de tenir la cadence de cette réforme à même de mettre fin aux inégalités d’accès aux soins médicaux, nous accueille dans son bureau au 7e étage. Hassan Boubrik, un financier qui a fait ses preuves tant à la CDG qu’à l’ACAPS se retrouve au cœur de la mécanique de cette réforme gigantesque inédite. Le verbe posé et pertinent, il nous explique les enjeux et les implications de cette révolution sociale. Entretien.
• Le texte modifiant la loi relative à l’AMO a été approuvé récemment en Conseil de gouvernement. Il prévoit le basculement des bénéficiaires du Ramed vers l’AMO. Comment se ferait -il? De manière progressive ?
Je voudrais rappeler, tout d’abord, que le régime AMO prévu pour cette population garantit le même panier de soins et les mêmes taux de remboursement que ceux des régimes des salariés et des travailleurs non salariés. Ainsi, tout en préservant leurs acquis dans les structures de santé publiques, l’AMO permettra à cette population de prétendre au remboursement des actes et soins prodigués dans le secteur privé et des médicaments achetés dans les officines. C’est un point qui mérite d’être mentionné et il était très important de ne pas créer un régime moins favorable pour cette population, sous prétexte qu’elle est vulnérable ou démunie sur le plan économique. Le basculement de cette population, estimée aujourd’hui à près de 4 millions d’assurés principaux (sans compter les ayants-droit), devrait se faire en une seule fois.
• Justement, ce basculement est prévu pour quand ? Est-ce que le calendrier de généralisation de l’AMO sera tenu ?
Nous n’avons d’autre choix que de tenir ce calendrier qui a été acté par une loi-cadre, approuvée en Conseil des ministres présidé par Sa Majesté le Roi, et adoptée par la suite par le Parlement. Un travail important est en cours pour opérer l’intégration de la population RAMED avant la fin de l’année. Ce travail porte notamment sur les aspects réglementaires, techniques et organisationnels. Toutes les parties prenantes travaillent d’arrache-pied pour que ce basculement se passe dans les meilleures conditions.
• Et concernant l’intégration des travailleurs non salariés (TNS) dans l’AMO qui a démarré effectivement cette année, pouvez-vous nous établir un bilan d’étape ?
A date d’aujourd’hui, nous avons immatriculé un peu plus de 2,2 millions de TNS, dont presque un million d’agriculteurs et 450 000 artisans. L’AMO est devenue une réalité sur le terrain, puisque nous sommes arrivés la semaine dernière à une moyenne de 2 300 dossiers par jour, déposés par ces travailleurs non salariés et récemment intégrés. Nous sommes également sur une tendance de 50 millions de dirhams de frais remboursés pour le mois de septembre.
• Doit-on conclure que c’est un chantier qui est sur les rails ?
Nous avons encore quelques défis à relever. D’abord en matière d’adhésion, puisque les créations des comptes et les activations des espaces privés sur le portail de la CNSS restent encore timides (de l’ordre de 400 000 comptes créés). Ensuite, en matière de paiement des cotisations et d’ouverture des droits : les TNS ayant des droits ouverts totalisant un peu plus de 210 000 assurés principaux. Nous continuerons donc notre campagne de communication et de sensibilisation. Nous invitons les TNS qui n’ont pas encore créé leurs comptes sur notre portail à le faire directement ou à travers nos réseaux partenaires. Nous les invitons également à s’acquitter de leurs cotisations afin de bénéficier de leurs droits aux remboursements des frais de soins et pour éviter des pénalités, au moment où nous procéderons au recouvrement forcé.
• Le volume d’activité de la CNSS va quadrupler avec l’intégration des TNS et de la population RAMED. Comment allez-vous faire face à ce flux ?
Nous nous sommes préparés à cette évolution exponentielle de notre activité à la fois en termes de ressources humaines, de systèmes d’information et d’organisation et de process. Nous avons également noué des partenariats avec les réseaux de proximité, ce qui a permis d’étendre considérablement nos points de contacts avec nos assurés. Aujourd’hui, les dossiers de remboursement peuvent être déposés dans plus de 2 000 points couvrant une grande partie du territoire national. Ce partenariat fonctionne bien et le dispositif global que nous avons mis en place nous a permis d’ores et déjà d’absorber sans problème une première augmentation de nos flux. D’ailleurs, bien que le nombre de dossiers traités a augmenté d’environ 20 000 à environ 28 000 dossiers par jour, nous avons réussi à baisser le délai moyen de remboursement pour le ramener à moins de 8 jours actuellement.
• Cette généralisation de l’AMO aura-t-elle des incidences sur la santé financière et l’équilibre de la CNSS ?
Par ailleurs et s’agissant du régime AMO TNS et celui destiné aux bénéficiaires du Ramed, une étude actuarielle est en cours de réalisation, maintenant que nous disposons des données démographiques relatives à ces populations. Cette étude nous renseignera sur l’équilibre à court et moyen terme des deux régimes et des ajustements éventuels à leur apporter.
• Quelles ont été les principales décisions entérinées par le conseil de la CNSS lors de sa dernière session ?
Des points importants ont fait partie de l’ordre du jour et ont donné lieu à des résolutions du conseil. Je citerai en particulier celui de la revalorisation des pensions et celui de la baisse du seuil qui donne droit à la pension de 3 240 à 1 320 jours. Sinon, certains points à l’ordre du jour du conseil étaient classiques. Les rapports d’activité du régime général et de l’AMO au titre de 2021 ont été présentés et approuvés. Le conseil a également arrêté et approuvé les comptes annuels. Mais il est important de noter que pour la deuxième année consécutive, les comptes du régime général et de l’AMO ont été certifiés sans réserves par le commissaire aux comptes. Cette année et pour la première fois dans l’histoire de la CNSS, les comptes des unités médicales ont été certifiés sans réserve de nature comptable. Cela a été rendu possible grâce à un travail important sur la comptabilité, qui a permis l’assainissement de plusieurs comptes frappés auparavant de réserves.
• Peut-on dire que les «irrégularités» comptables de la CNSS sont désormais derrière elle ?
Le même travail d’assainissement a été réalisé l’année dernière pour les comptes du Régime général et de l’AMO. En certifiant l’ensemble de ses comptes annuels, la CNSS franchit un pas important et dispose désormais d’une comptabilité qui reflète fidèlement l’image de son patrimoine et de sa situation financière. C’était un objectif important que nous devions atteindre pour partir sur de bonnes bases.
• Certains voient dans la filialisation des polycliniques de la CNSS un prélude au désengagement définitive de cette activité. Qu’en est-il ?
Il n’y a aucun projet de cession ou de désengagement des polycliniques. Le projet qui a été présenté au conseil porte sur une restructuration juridique à travers une filialisation de cette activité. Cette filialisation nous permettra d’être en conformité avec la loi 65-00. Elle permettra également de mettre les unités médicales dans un environnement plus flexible et plus approprié pour leur activité. Notre objectif est de restructurer juridiquement ces unités et de les redresser financièrement sur un horizon de 3 à 4 ans. Au moment de la généralisation de l’AMO, je crois plus que jamais à l’utilité de ces unités médicales et en notre capacité à les redresser.
Ce sont 7 000 appels qui sont enregistrés chaque jour au centre d’appel, créé en avril 2022 par la CNSS, pour traiter les créations de comptes et les adhésions des Travailleurs non salariés (TNS) au régime de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). C’est que la Caisse a procédé à l’identification et à l’approche de cette catégorie grâce à un échange de données avec de multiples partenaires impliqués dans ce chantier national. En récupérant les registres sectoriels, comme celui des agriculteurs et des artisans, elle procède au recoupement et à la vérification d’identité avec la Direction générale de sécurité nationale (DGSN), puis au recueil de données personnelles (autorisées par la Commission de protection, CNDP) auprès des organismes bancaires et des opérateurs de télécommunications. Ce processus permet d’entrer en contact directement avec les assurés potentiels par courrier et par téléphone.
A ce jour, la Caisse a procédé à l’immatriculation de 2,2 millions de TNS dont 210 000 assurés principaux ayant des droits ouverts après une période de stage de six mois. Celle-ci sera ramenée à trois mois en 2023. Le rythme des adhésions devrait s’accélérer durant les semaines prochaines et pour le soutenir, la CNSS poursuit la campagne de communication et de sensibilisation des TNS qui s’est déjà traduite par de nombreuses adhésions spontanées de cette nouvelle catégorie d’assurés.
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