Candidat au doctorat en sciences biomédicales, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Professeur titulaire au Département d'ergothérapie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Lefay Galaad a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).
Pierre-Yves Therriault a reçu des financements du Centre de recherche et d'expertise en gérontologie sociale (CREGES).
Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation CA-FR.
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Imaginez être Harry Potter, jeune humain étudiant à l’école de sorcellerie Poudlard. Vous décidez de rendre visite à votre ami Hagrid, gardien semi-géant de l’école. En arrivant chez lui, tout vous paraît beaucoup trop grand, trop lourd, inaccessible. Vous vous sentez terriblement petit, vulnérable et impuissant dans cet espace, pourtant parfaitement adapté à Hagrid.
À l’inverse, ce dernier se retrouve bien embarrassé lorsqu’il doit partager une table avec les autres employés de l’école. Il est trop grand, trop gros, renverse tout sur son passage… Il se sent terriblement encombrant, isolé et maladroit. Harry et Hagrid vivent, chacun leur tour, une situation de handicap qu’ils auraient aimé éviter.
Respectivement doctorant en sciences biomédicales et chercheur en ergothérapie à l’UQTR, nous avons travaillé à l’élaboration d’un concept, celui d’espace habilitant, qui permettrait d’améliorer ces situations, encore bien présentes dans le monde des magiciens comme du commun des mortels…
Le concept d’espace habilitant identifie les principaux attributs nécessaires à la conception et l’adaptation des espaces. Nous vous le présentons ici dans une approche ludique, autour de l’univers d’Harry Potter.
Plusieurs courants se sont intéressés à la possibilité de rendre les espaces de vie plus inclusifs, permettant ainsi à chacun d’y réaliser ses activités. Lorsque l’on parle d’espace, on ne pense pas seulement à un environnement physique, mais également à tout ce que cela implique : les gens qui y évoluent, le matériel présent, les conditions environnementales, les activités que chacun veut faire, la signification que ce lieu peut avoir, etc. C’est ce que l’on appelle une vision holistique de l’espace.
Plusieurs outils théoriques de disciplines diverses (architecture, philosophie, ergothérapie, sociologie, urbanisme, psychologie) peuvent aider à comprendre ces situations et la complexité de ces espaces. À titre d’exemple, le concept d’environnement capacitant s’attarde aux aspects inclusif, sécuritaire et développemental d’un espace. Le concept de l’habilitation aux occupations va quant à lui s’intéresser à l’accompagnement individuel des personnes afin de les aider à effectuer les activités qu’ils souhaitent. Dans une vision plus collective, le concept d’accessibilité universelle va chercher davantage à garantir, par l’adaptation des espaces, une sécurité et une liberté d’action pour tous.
Afin d’englober tous ces concepts, nous nous sommes penchés sur le développement du concept d’espace habilitant.
Nous avons proposé ce concept afin d’identifier les critères fondamentaux nécessaires à l’habilitation d’un espace, c’est-à-dire favorisant le bien-être, l’inclusion et le développement de tous. C’est un peu comme si l’on décidait de concevoir une potion dans le but d’aider les professeurs de Poudlard à adapter l’école. Après concertation, six ingrédients ont été sélectionnés pour préparer la potion d’espace habilitant :
de la sécurité
du confort
de la stimulation, afin de maintenir nos sens éveillés et encourager notre développement
de la collaboration, qui doit favoriser la communication, le partage et la transparence entre les personnes. En effet, si chacun peut s’exprimer, être entendu, mais également entendre les réalités, besoins, envies des autres, la cohabitation sera plus aisée
du pouvoir d’agir, qui permettra à chacun de décider, d’être l’acteur principal et le décisionnaire de ce qu’il fait et de la façon dont il occupe l’espace
de la flexibilité, qui va permettre à la personne de se réapproprier son espace et de l’adapter en fonction des envies et besoins
Mais l’être humain est complexe. Il faut donc accepter le fait qu’il est impossible de le cerner complètement et que la première version de l’espace ne sera habilitante que temporairement. C’est pour cette raison que l’ingrédient de flexibilité devient indispensable. Il faut que l’espace puisse nous permettre de le modifier en fonction de notre propre évolution.
Le meilleur exemple de cette flexibilité est l’aménagement d’une maison intergénérationnelle. Selon l’âge et les besoins spécifiques de ses résidents (apparition ou évolution d’un handicap, passage à l’adolescence, besoin d’agrandissement), elle sera amenée à s’adapter.
Un espace sécuritaire, confortable, stimulant, collaboratif, flexible et permettant le pouvoir d’agir serait donc un espace habilitant. C’est bien, mais le problème n’est pourtant pas encore complètement résolu. Il faut d’abord et avant tout s’intéresser à la politique et à la législation du contexte dans lequel l’espace se trouve.
Par exemple, au Québec, la loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale ou encore le plan d’action à l’égard des personnes handicapées du ministère de la Sécurité publique cadrent, responsabilisent, orientent, soutiennent l’organisation de l’accompagnement des instances.
Ensuite, il importe de mobiliser l’expérience vécue des personnes comme équivalente à celles des différents professionnels qui vont penser et concevoir les espaces. Et oui, si le professeur Rogue est expert des potions et le professeur Flitwick des sortilèges, ils ne pourront rien faire sans l’expertise acquise par le vécu des personnes qui vivent une situation de handicap au quotidien. Cette expertise située est le facteur central à la bonne mise en place d’un espace habilitant.
Si, lors de la conception de Poudlard, des semi-géants, des nains, des centaures, des étudiants avaient pu s’exprimer et participer à la conception de l’école, il est certain que ni Harry ni Hagrid n’auraient à revivre ce genre de situation. Ils auraient le sentiment d’être dans les meilleures dispositions pour réaliser leurs occupations et poursuivre leur combat contre les forces du mal !
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