Professeur émérite à l’Université de Montpellier (CREDEN)
Mardi 30 août 2022, le prix du MWh a atteint 1 022 euros à 21 h sur le marché au jour le jour (dit « day-ahead », les prix sont fixés la veille pour les 24 heures du lendemain) à Paris, 42% de plus que sur le marché allemand à la même heure. Partout, les prix de gros de l’électricité s’envolent en Europe et cela tient à la conjonction de deux facteurs principaux :
À cela s’ajoutent le manque d’eau qui limite la production hydraulique jusque dans des pays aussi bien pourvus que la Norvège exportatrice et l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français pour des raisons liées soit au rechargement de certains réacteurs, soit à des problèmes de corrosion décelés sur certains équipements.
Les autorités européennes, y compris les plus libérales, s’en émeuvent et chaque pays y va de sa proposition. Nous présentons ici 7 réformes possibles, de la plus libérale à la plus régulée. Certaines sont rapides à mettre en œuvre, d’autres requièrent des délais plus importants.
Au total, deux mesures sont devenues incontournables quel que soit le scénario retenu. Il faut à la fois miser sur la sobriété, donc maîtriser autant que possible la demande d’électricité, et investir massivement dans des capacités de production pilotables et bien évidemment décarbonées. Dans un secteur où le risque de défaillance est collectivement insupportable puisque l’électricité ne se stocke pas à grande échelle, il vaut mieux être en surcapacité que dans un système à flux tendus. C’est la prime d’assurance que le consommateur doit payer. La confiance dans les mécanismes de marché nous a fait oublier cette évidence.
Merci Monsieur pour votre artcle. La crise actuelle aura au moins un mérite, celui de changer un systéme absurde et ce en espérant que le prochain le soit moins (le pire n'étant jamais certain, même dans un monde politique dogmatique et médiatique désordonné), le tout basé sur la meilleure science, physique et économique, dans le cas d'espèce, d'experts compétents et indépendants à qui on donne enfin le micro.
Explications simples, claires et concises. Merci
Très bonne analyse..
Le "scénario 7" (c'était mieux avant..) semble pas mal..
On peut comprendre qu'aucun des pays – dont la France – qui ont voté des quatre mains les directives de "l'ouverture totale au marché" et les ont transposées en droit (Lois..) ne souhaite ce "retour en arrière"..
Ce serait reconnaître qu'ils se sont bien plantés..et les citoyens seraient en droit de demander des comptes aux politiques (dont pas mal encore en activité..) qui ont adopté et voté ces Lois & Directives..
Cher Régis,
Je pense pour ma part qu’on ne reviendra pas aux monopoles nationaux d’antan et que ce n’est pas vraiment souhaitable car cela voudrait dire qu’on tire un trait sur l’Europe de l’énergie. Il est sans doute plus prometteur et constructif de travailler à la construction d’une nouvelle régulation à la maille européenne qui ferait la part belle à la planification des capacités de production (une PPE européenne en vue d’un mix électrique équilibré) et au service public. Il faut en finir avec la religion de la concurrence qui a montré ses limites.
En réponse à Très bonne analyse.. Le … par Régis
Merci pour cette analyse. La solution 6 ne serait-elle pas celle mise en œuvre pour les gros appels d'offres de la CRE concernant les parcs éoliens et solaires ?
Bonjour,
La proposition 3 eme semble intéressante à commenter mais comme la 2, elle risque d’être inefficace. Les opérateurs de marché savent très bien prévoir quel sera le prix de marché le lendemain, ou disons le cout marginal de la dernière centrale appelé. En prenant une petite marge, ils peuvent proposer un prix légèrement inférieur à ce prix pour toute leur offre qu'ils veulent voir appeler. En pay as bid, cela permet aux opérateurs d'avoir des revenus comparable à la solution actuelle (prix de la dernière centrale appelée). Avec la solution 3, on arrive au même résultat.
En Novembre 2021, la France à proposé une solution de stabilisation des prix pour les consommateurs en transférant les bénéfices "exceptionnels" des producteurs vers les fournisseurs. Je n'ai pas vu d'analyse de cette proposition. Il me semble qu'elle ne présente de l’intérêt (mais n'est pas la panacée) que dans le cas ou l'environnement concurrentiel n'est pas stabilisé. On sait depuis la crise Enron en Californie que les opérateurs ont intérêt à équilibrer leur portefeuille de production et de consommation. Ce n'est pas le cas en France car le parc nucléaire n'est pas à vendre. Avec l'ARENH, c'est la production qui est vendue. Il vaudrait mieux que ce soit les actions du producteur nucléaire qui soient vendues, éventuellement avec des conditions privilégiées pour les fournisseurs.
Très bonne analyse financière. Il reste l'aspect purement technique du fonctionnement d'un réseau qui est basée sur la puissance (Gw) à un moment donné, et pas sur l'énergie (Twh) qui est une moyenne.
Nul besoin que les capacités supplémentaires soient pilotables pour réduire la durée de la marginalité gaz et le coût du kWh. Mieux valent des TWh éoliens dans un an que des MWh nucléaires dans 15 ans.
L'ennui avec le TWH éolien, c'est que pour l'avoir il faut que le vent souffle. Donc compter dessus sans gaz reviens à vivre au rythme de la météo.
C'est assez facile, on y arrivait avant l'électricité: on travaille le jour principalement l’été quand il y a du soleil, la période de grandes vacances décalée en hiver, dates non fixées déterminées au dernier moment pendant les périodes anticycloniques…
Vu qu'on pourra plus compter sur les frigos, on supprime tout les produits frais, toute la bouffe issue des boites de conserve, les délices du corned beef… Pour le pain et tout ce qui est cuit de frais, c'est aussi au rythme de la météo: retour de la bonne vielle miche qui tient une semaine avant de basculer sur les biscottes.
Pour la façon de vivre, on a eu un entrainement: en fait c'est un peu comme le confinement mais annoncé entre 72 et 24h à l'avance et ce n'importe quand dans l'année. Quand le vent souffle vous allez bosser plein fer sans compter les heures pour remplir les stocks et vous vous reposez les "WindEnd" !
Faut aussi développer l’économie à court terme: par ex. pour vous marier vous organisez tout et 1 jour avant si prévisions de vent insuffisantes vous annulez!
Merveilleux…
En réponse à Nul besoin que les capacités… par PHILIBERT
Merci Mr Percebois qui a souvent les idées claires.
Il y a deux choses:
– La flambée du prix spot due au cout marginal élevé de la dernière centrale appelée
– La flambée du prix spot du a une offre inférieure à la demande.
Pour moi, le premier point n'existe pas, c'est un problème de contrat long terme / court terme que la compagnie qui commercialise au client final doit régler avec ses fournisseurs: si elle a mal négocié ses contrats elle fait faillite, et une autre mieux gérée la remplacera. Ces règlements et contrats long terme doivent s'établir librement entre producteurs et acheteurs. Ceux qui ont voulu tout acheter au prix spot ont du prix spot, qu'ils en tirent les conséquences.
Concernant le second point, une approche contractuelle ne change rien à la limite technique: seules les solutions qui proposent de réduire la demande ou augmenter l'offre sont crédibles.
Réduire la demande s'obtient alors par la hausse des prix jusqu’à ce que certains consommateurs jettent l'éponge. Mettre des plafonds, boucliers et toutes ces couillonnades … sans réduire la demande fera encore plus exploser les prix sans agir sur le problème. La solution c'est le contrat d'effacement. Là aussi les nouvelles sociétés de commercialisation auraient dû en proposer à leurs clients en rapport de leurs contrats de fourniture. Si elles ne l'ont pas fait c'est leur problème. Elle ont qu'a couper le jus à leurs clients, ils apprendront à choisir un fournisseur plus fiable.
Pour résumer la situation: On a libéralisé le marché de l’électricité qui a été investi par des marchands de légumes qui ne comprennent rien à l’électricité, maintenant ils se sont font dégager, c'est comme ça. Tant pis pour eux . Les nouveaux qui viendront après apprendront le métier et le feront correctement.
Si on doit mettre 36 millions de règles , ARENH, … ça deviens n'importe quoi: dans ce cas on nationalise + ingés des mines aux commandes ça marche bien aussi…
Précision importante: ça marche bien si les politiciens ne s'en mêlent pas en exigeant des moyens de productions inadaptés… !
En réponse à Merci Mr Percebois qui a… par Hervé
Au sujet de la solution 4, il me semble que l'Espagne a créé une taxe applicable aux consommateurs d'électricité pour compenser la différence entre le prix de marché du gaz et le prix capé du gaz. Au final, le prix de l'électricité a un peu baissé après la mise en place de ce mécanisme mais cette baisse n'a été que de courte durée.
Je trouve que le scénario 7 est le meilleur. Chaque pays peu bénéficier des politiques énergétiques mises en oeuvre. Un organisme comme la CRE et/ou la cour des comptes peu imposer des prix justes (comme aujourd'hui sur la partie transport de l'énergie). Au final nous aurions un vrai prix de l'électricité, basé sur les moyens de productions et non influencé par la spéculation ou un battement d'aile de papillon au Mexique. Une fois le marché de l'électricité régulé, le prix du gaz ne devrait pas trop s'écarter du clean spark spread….
N'y at il pas une solution 8 : le découplage entre prix du gaz et prix de l'électricité ?
Professeur émérite à CentraleSupélec
Université de Montpellier