Barlamane
Mobiliser l’excédent d’épargne dans les économies avancées pour des investissements indispensables dans les infrastructures vertes des économies émergentes et en développement est une option à prendre en considération, disent deux chercheurs du Policy Center for the New South.
Dans un article, Karim El Aynaoui, président exécutif du Policy Center for the New South et vice-président exécutif de l’Université polytechnique Mohammed VI ainsi qu’Otaviano Canuto, ancien vice-président, directeur exécutif de la Banque mondiale, directeur exécutif du Fonds monétaire international et chercheur principal au Policy Center for the New South, insistent sur l’importante du financement des infrastructures vertes.
«Pour stimuler le développement et lutter contre le changement climatique, les économies émergentes et en développement (EMDE) auront besoin d’énormes investissements dans les infrastructures vertes au cours des prochaines décennies. Mais bon nombre de ces pays disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée, surtout après les chocs de ces dernières années. Dès lors, pour répondre aux besoins en infrastructures des EMDE, il faut mobiliser l’excédent d’épargne privée dans les économies avancées», ont-ils indiqué.
«La première étape vers la construction d’un pont entre l’épargne privée et l’investissement dans les infrastructures dans les EMDE consiste à comprendre les besoins des investisseurs. Les investisseurs institutionnels, comme tous les autres types d’investisseurs en dette et en actions, ont leurs propres incitations, contraintes et objectifs, qui informent tous leurs allocations de fonds, y compris les types de projets (greenfield vs brownfield) à soutenir, où et à quelle étape du cycle du projet (développement, construction ou exploitation). Une couverture des risques inadéquate, le manque de données et l’hétérogénéité des structures de projet, des environnements réglementaires et des normes contractuelles peuvent tous constituer des obstacles à l’investissement», a-t-on détaillé.
Le défi, selon les auteurs de l’article, consiste à définir des «opportunités d’investissement attrayantes» et à leur associer les investisseurs de manière plus systématique. «L’élément central de cet effort devrait être la fourniture d’une large gamme de produits d’investissement bien structurés et adaptés aux différents types d’investisseurs institutionnels et à leurs profils de risque/rendement respectifs. Par exemple, les investisseurs institutionnels (tels que les fonds de pension) pourraient être enclins à participer aux premières étapes d’un projet (avant l’exploitation) si les risques de refinancement sont couverts et que le risque de construction est pris en compte», a-t-on souligné.
Pour eux, «le manque d’instruments financiers appropriés – ainsi que les coûts et la complexité des instruments disponibles – est un autre obstacle potentiel à l’investissement dans les infrastructures des EMDE. Les instruments à revenu fixe – y compris les obligations (obligations de projet, municipales, sous-souveraines et vertes, ainsi que les sukuk) et les prêts (prêts directs et de co-investissement pour des projets d’infrastructure et prêts de projet syndiqués) – peuvent aider à résoudre ce problème, car ils pourraient attirer un large éventail d’investisseurs institutionnels dans les EMDE.»
«Les institutions financières multilatérales ont un rôle important à jouer pour attirer des capitaux privés vers des projets à long terme susceptibles de stimuler le développement dans des pays et des secteurs que les marchés financiers perçoivent comme à haut risque. En fournissant un financement, des garanties ou les deux, ces institutions peuvent réduire les risques des projets et attirer des investissements privés. Ils peuvent également amener des partenaires dans des accords spécifiques par le biais de syndications», ont-ils noté.
«Pour sa part, le secteur privé dispose d’un certain nombre d’instruments pour gérer les risques. Par exemple, les entreprises peuvent utiliser des instruments de transfert de risques et d’amélioration du crédit, qui sont actuellement testés par des banques de développement nationales et multilatérales. Ceux-ci comprennent des garanties, des polices d’assurance et des mécanismes de couverture en vertu desquels, moyennant des frais, un fournisseur s’engage à indemniser le concessionnaire (ou ses prêteurs) en cas de défaillance ou de perte résultant de certaines circonstances spécifiées», a-t-on énoncé.
Une bonne synergie public-privé essentielle
«Les investisseurs institutionnels et autres intermédiaires financiers, ainsi que les institutions financières non bancaires, soulignent souvent l’absence d’une réserve de projets prêts à l’investissement. Pour améliorer ses options, le secteur public devrait assumer une plus grande responsabilité dans la conception des projets dans des situations caractérisées par une complexité et un risque réglementaire importants, en particulier lorsque les risques sont plus difficiles à identifier et à mesurer à l’avance. Les coûts de ce processus peuvent être largement récupérés lorsque des partenariats public-privé (tels que des concessions) sont établis. La planification et l’établissement des priorités du secteur public sont essentiels», a-t-on insisté.
«Les investisseurs privés doivent également jouer un rôle plus actif, notamment en tirant parti des outils de gestion des risques à leur disposition. Des marchés et des instruments financiers sophistiqués et développés seraient utiles, en permettant aux agents financiers de prendre des risques conformes à leurs appétits et à leurs capacités. Ça ne sera pas facile. Mais avec ces éléments de base, nous pouvons construire l’infrastructure la plus importante de toutes : le pont reliant l’épargne des pays avancés et les besoins de financement des EMDE», a-t-on conclu.
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.