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Ce n'est qu'un aperçu des désagréments observés depuis des mois par les habitants de la communauté d'agglomération Paris-Saclay et leurs édiles. Si bien que le 19 mai, après près de deux ans de pourparlers avec l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) et les opérateurs télécoms, Paris-Saclay s'est résolue à porter plainte contre X auprès du tribunal judiciaire d'Evry.
C'est la première fois qu'une collectivité attaque ainsi en justice. “Compte tenu de l'inertie de l'ensemble des personnes concernées, la communauté d'agglomération a décidé d'utiliser la voie pénale. Il n'y avait plus rien d'autre à faire : la concertation a été lancée il y a 18 mois, et elle n'a donné aucun résultat concret malgré des engagements pris pour corriger les dysfonctionnements”, explique l'avocat chargé du dossier chez Bersay, Martin Tissier. Les communes concernées sont Ballainvilliers, Champlan, Chilly-Mazarin, Epinay-sur-Orge, La Ville-du-Bois, Linas, Longjumeau, Marcoussis, Montlhéry, Nozay, Saulx-les-Chartreux, Villebon-sur-Yvette et Villejust.
Deux infractions sont visées par la plainte : la dégradation d'un réseau de communications, qui relève d'une contravention et est punissable de 1500 euros d'amende (par câble, en l'occurrence). Et l'interruption volontaire de lignes de communication électroniques, qui constitue un délit passible de deux ans de prison et 3750 euros d'amende.
“Lors des opérations de raccordements et de brassage dans les points de mutualisation, dans certains cas, il y a eu des déconnexions volontaires d'un abonné pour en raccorder un autre. Ceux qui réalisent ces raccordements savent très bien ce qu'ils font. Le débranchement d’un abonné ne peut s’expliquer par une négligence ou un oubli”, précise Maître Tissier.
Derrière cette plainte contre X, il y a l'opérateur d'infrastructure (Tutor Europ’Essonne, qui appartient à Covage, racheté en 2020 par SFR puis en septembre 2021 par Altitude Infra) et les opérateurs commerciaux (SFR, Bouygues Telecom et Orange), mais surtout, et plus directement, les sous-traitants qui interviennent physiquement sur le réseau. “Nous sommes incapables d'identifier les auteurs. Cela dit, ce n'est pas impossible, en croisant les heures d'intervention et de rupture des communications. C'est une question de moyens et de volonté. Le procureur de la République mettra-t-il les moyens nécessaires, c'est la question” posée par Martin Tissier.
Il faut savoir que les sous-traitants sont généralement payés au raccordement. Sous pression, parfois mal formés, souvent mal payés, ils sont les derniers maillons d'une chaîne de responsabilités complexe, dans un système de sous-traitance en cascade. Dans cette affaire-ci, la communauté d'agglomération a transféré en 2009 au Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec) sa compétence en matière de communications électroniques. Le Sipperec, qui n'est pas mis en cause, a conclu un contrat de délégation de service public avec Tutor Europ’Essonne, qui déploie et exploite le réseau FTTH d'initiative publique, et le commercialise auprès des opérateurs commerciaux. Qui ont recours à des sous-traitants pour connecter leurs abonnés. Tout l'enjeu est celle de la répartition des responsabilités sur un tel réseau mutualisé, aussi entremêlées que les câbles dans les armoires des points de mutualisation.
Paris-Saclay demande des dommages et intérêts, qui n'ont pas été chiffrés mais qui comprennent la réparation du préjudice en termes de moyens mobilisés par la communauté d'agglomération. Sollicités très fréquemment, les agents communaux et intercommunaux ont été obligés de mettre en place une hotline.
La procédure peut prendre des années, et il n'est pas dit qu'elle aboutisse. Cependant, son objectif est également d'agir comme un moyen de pression. “L'ambition est à la fois curative et préventive. Cette action a aussi une vocation pédagogique, pour rappeler l'ensemble de la filière à ses obligations. Le réseau est dans un état déplorable, qui ne répond pas à ce que l'on attend de lui. On ne peut pas se permettre d'avoir un réseau neuf aussi peu résilient, présentant dès l'origine des fragilités aussi importantes. Et ce n'est pas une péripétie car c'est généralisé. L'autorégulation n'arrive clairement pas à tout régler. Le sujet, technique et économique, ne sera pas non plus réglé que par une instruction pénale”, reconnaît, pragmatique, l'avocat.
Infranum, la fédération qui représente la filière des infrastructures télécoms, a présenté le 1er juin ses engagements pour répondre aux dysfonctionnements qui minent le déploiement de la fibre optique, sur demande de l'Arcep et de l'ancien secrétaire d'Etat au numérique Cédric O. Ils s'organisent autour de trois axes : labelliser les sous-traitants par les opérateurs, renforcer les contrôles sur le terrain en s'appuyant sur la transmission de plannings d'intervention, et enfin placer les comptes-rendus d'intervention au cœur de la relation contractuelle entre les intervenants.
Dans une tribune datée du 4 avril 2022, signée par 28 collectivités portant des réseaux d’initiative publique et représentant plus de 12 millions de Français, les collectivités se plaignent que 85% des comptes-rendus d’intervention transmis à l’issue des raccordements ne sont à l'heure actuelle pas exploitables.
Infranum présentera le 22 juin les résultats de son étude sur la résilience des réseaux, qui reviendra entre autres sur le non-respect des bonnes pratiques lors des raccordements, et sur les interventions sur les réseaux en exploitation.
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Paris , 28 novembre 2022
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