Les déconnexions de fibre optique sont devenues légion dans la ville. Bien qu'elles appartiennent à l'opérateur, la mairie a choisi de sécuriser elle-même les armoires, demandant aux techniciens de s'enregistrer au commissariat avant chaque intervention. Elle s'apprête également porter une plainte collective par le biais d'une association.
Par Leo Da Veiga
Il passe à la manière forte. Face aux fréquentes déconnexions du réseau de fibre optique des habitants d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le maire (LR) Bruno Beschizza a décidé d'équiper les 80 armoires techniques de la ville de cadenas à serrures magnétiques.
« Les techniciens envoyés par les opérateurs devront laisser leur carte d'identité au commissariat en échange des clés de l'armoire, avant chaque intervention, et présenter en fin d'intervention une photo de l'armoire pour récupérer leur carte », explique le maire.
En effet, la plupart des dix déconnexions d'habitants signalées quotidiennement dans la ville sont dues à des interventions peu rigoureuses de techniciens, qui par exemple déconnectent un abonné pour en brancher un autre. « Nous avons déjà recensé 20.000 foyers ayant été déconnectés, sans solution, parfois pendant plusieurs mois, c'est totalement inacceptable d'autant plus que cela a des conséquences graves sur les études ou même le travail de certains ! », tonne l'édile.
Si la mise en place de ces cadenas est illégale, puisque les armoires et le réseau de la ville appartiennent à XP Fibre (filiale d'Altice France – SFR ) Bruno Beschizza ne craint pas les représailles. « En réalité, j'aimerais qu'ils attaquent cette décision, car je pourrais enfin avoir des explications. Aujourd'hui, tous nos mails à SFR sont restés sans réponse, c'est silence radio ! Même chose du côté de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, NDLR), qui est pourtant saisi de notre dossier depuis mars 2021. »
En parallèle de cette action de sécurisation des armoires de fibre optique, qui grèvera le budget municipal de 70.000 euros, la mairie a missionné une association pour porter plainte au nom des habitants concernés contre XP Fibre, ne pouvant légalement pas elle-même porter plainte. « A ce stade, l'association ne souhaite pas révéler son nom, pour que le processus juridique ne soit pas perturbé par l'opérateur. Mais une plainte collective devrait tomber dans les prochains mois », prévient l'édile.
A Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), dont le réseau de fibre optique est également opéré par XP Fibre, les problèmes de déconnexion se poursuivent aussi, malgré la visite de Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep, le 27 avril dernier. « Le 30 mai, ce sont même 300 abonnés du centre-ville qui ont été déconnectés en même temps, suite au démontage d'une armoire pour lequel XP Fibre n'avait averti personne, avec une reconnexion seulement le 21 juin », tempête Yves Soronellas, conseiller municipal délégué à la transformation économique. La mairie a à ce jour reçu 1.539 signalements concernant des coupures internet par des abonnés à la fibre optique. Cela concerne donc un dixième des 15.000 logements de la commune.
Outre cet incident isolé, les problèmes de fibre optique de la ville sont d'une part dûs à des défauts de conception des armoires, constatés par Laure de La Raudière (l'Arcep mène actuellement une enquête sur le service d'XP Fibre dans la commune), mais aussi, comme à Aulnay-sous-Bois, à des interventions de techniciens peu scrupuleux.
Fibre optique : la filière veut régler pour de bon les problèmes de qualité
La mairie est donc entrée en contact avec la multinationale Nexans (basée dans les Hauts-de-Seine), spécialisée dans l'industrie de la ligne de transmission par câble. L'entreprise expérimente depuis un an, à Meaux (dont le réseau est géré par l'opérateur Orange), un système de serrure électronique des armoires de fibre optique demandant aux techniciens de s'identifier, avec leur téléphone, avant et après chaque intervention. Baptisé Infrabird, le dispositif permet également de détecter toute ouverture ou forçage d'une armoire, ou de constater qu'un technicien a débranché un abonné pour en brancher un autre, notamment.
Proposé aux opérateurs pour un coût de 35 euros par mois et par armoire, le dispositif permettrait, selon le directeur du support technique de l'entreprise, Jean-Jacques Sage, de faire économiser à l'opérateur environ le double de ce prix en réparation. La mairie de Neuilly-sur-Marne a donc proposé à XP Fibre de déployer ce système dans la ville, mais l'opérateur a pour le moment opposé un refus « non définitif », invoquant le fait que la commune n'est pas en zone expérimentale, contrairement à Meaux.
Léo Da Veiga
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http://fragua.org/otdr-pour-detecter-un-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/
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