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Extrait du livre Narcos PQ – Le Journal de Montréal

 
Si quelqu’un te dit qu’il n’a pas peur, ce n’est pas vrai. Tout le monde ressent la peur. Moi aussi. Mais c’est juste que la peur, moi, je la gère.
Je n’y pense pas. Moi, je pense plus aux conséquences que je risque de subir si je ne réagis pas. Alors, quand je faisais mes jobs à l’époque, je ne pensais pas à la peur. Si on me disait : « Va voir Untel et envoie-lui le message », j’allais le voir, je lui laissais le message, pis c’était tout. Comme de lui tirer une balle dans une jambe parce qu’il n’avait pas encore remboursé ce qu’il nous devait. C’est comme ça qu’on se fait respecter dans le crime organisé. OK ? Pis les gars, dans ce milieu-là, ils savent que moi, je niaise pas. Ils savent que s’il faut que je fasse de quoi, je vais le faire.
Moi, ce qui m’a amené dans la game, c’est l’adrénaline. Je suis un gars d’adrénaline. Avoir des armes à feu et aller tirer sur Untel, j’aimais ça. À l’époque, ça ne me dérangeait pas. Aujourd’hui, ça me dérange un peu plus. Mais s’il faut que je le fasse, pour protéger ma famille ou pour me protéger moi-même, je vais le faire. J’aurai aucun regret s’il faut que je le fasse. Je ne pense pas à la peur. Ça ne m’arrête pas. Tu sais, il y a beaucoup de monde qui me font confiance et qui ne s’imagineraient jamais ce que je fais depuis une dizaine d’années…
Depuis trois ans, je pensais à des façons de raconter mon histoire. Je cherchais quelqu’un, parmi les journalistes, à qui je pourrais raconter ce que je fais. Quelqu’un de solide et à qui on peut faire confiance. Puis, quand est sorti le livre La Source, sur Andrew Scoppa, j’ai fait un saut. Parce que je le connaissais. Et moi, je n’aurais jamais imaginé ça, tu sais ? Andrew, un leader de la mafia, qui parle à des journalistes et qui, en plus, collabore avec la police… J’ai lu le livre. Et je me suis dit : « Tabarnouche ! S’il est allé voir Scoppa et qu’il a pu parler comme ça avec lui, c’est qu’on peut lui faire confiance. » Donc c’est là que j’ai pris la décision. J’ai cherché son numéro. Je l’ai eu. Et je l’ai contacté.

 
C’était en mai 2021. Le journaliste Félix Séguin, coauteur du livre La Source, était confortablement avachi dans son fauteuil après sa journée de travail lorsqu’un message est apparu sur son téléphone. Ce soir-là, Séguin n’avait aucune idée de l’identité de celui qui venait de lui envoyer un texto. L’avatar que l’inconnu utilisait représentait un pirate surmontant deux sabres entrecroisés.
« Tape mon nom dans Google et appelle-moi », avait-il écrit à Félix en lui dévoilant son identité.
Félix s’exécute. Le premier résultat de la recherche concernant ce nom lui en dit long sur le personnage à qui il a affaire. Un article publié quelques années plus tôt dans Le Journal de Montréal relate son arrestation lors d’une importante saisie de drogues et d’armes à feu. Selon l’article, les policiers ont saisi plusieurs kilos de stupéfiants, dont du crystal meth, l’une des drogues synthétiques les plus dangereuses jamais produites à ce jour. Ils ont aussi mis la main sur une grande quantité de cocaïne ainsi que sur un arsenal à faire pâlir d’envie les gangsters les plus endurcis, dont des armes automatiques pouvant tirer plusieurs centaines de coups à la minute.
Des photos d’écrou obtenues de la police accompagnent l’article et montrent les visages des suspects arrêtés. À voir la mine patibulaire de l’homme qui vient de lui écrire, Félix se dit qu’il a la gueule de l’emploi.
Félix décide de répondre au premier message. Il lui dit qu’il est intéressé d’en savoir plus sur les raisons qui l’ont poussé à le contacter. En guise de réponse, Félix reçoit une photo d’un permis de conduire québécois appartenant à un membre de la pègre bien connu dans la région de Montréal. La photo est accompagnée d’un manifeste de la société de messagerie et de transport de colis DHL au nom de ce criminel, ainsi que d’un autre cliché montrant 1 kg de cocaïne dissimulé dans le réservoir d’essence d’une voiture. À en croire ces documents, l’homme derrière ces messages semble être encore en affaires.
Félix n’est pas au bout de ses surprises. À la suite d’un autre échange de messages avec son nouvel interlocuteur, il est plus intrigué encore par ce qu’il découvre. Il s’agit d’une autre photo que cet individu lui envoie d’un pays d’Amérique du Sud, d’après ce que devine le journaliste. On y voit 300 kg de coke empilés dans une pièce et prêts à être envoyés au Québec, selon les dires de son interlocuteur, qui n’est pas avare de détails.
« Mon ami, juste pour que tu aies une idée de comment ça marche. Nous, on a les petits puis les gros acheteurs. Les petits clients de Montréal, on leur envoie quelques kilos par mois cachés dans des pièces de voiture. Et pour les plus gros clients, c’est des centaines de kilos par mois. Et ça part sur Air Canada, sur le vol Bogotá-Toronto. »
Félix croit alors comprendre que non seulement ce mystérieux personnage trempe encore dans le milieu du narcotrafic, mais qu’en plus, s’il dit vrai, il s’avère être un important fournisseur de cocaïne pour le marché du Québec. En outre, il se trouverait en ce moment en Colombie, pays considéré comme le premier producteur mondial de cette drogue. Chaque année, il enverrait donc, en moyenne, pas moins de deux tonnes et demie de cocaïne au Québec et en Ontario.
Il y a de quoi être perplexe. Qu’est-ce qui peut bien pousser un narcotrafiquant de cette envergure à échanger des messages avec un journaliste et à lui dévoiler ses activités criminelles, photos à l’appui ? La réponse va complètement ­souffler Félix.
Voici ce que lui révèle ce criminel qui a accès à des petites montagnes de cocaïne : il ne se contente pas de travailler pour un cartel sud-américain de la drogue, il collabore aussi avec des corps de police au Canada, et ce, depuis près de 10 ans. D’après ce qu’il confie au journaliste, il serait informateur notamment pour la police de Montréal et pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC). En clair, cela voudrait dire qu’il exporte de grandes quantités de coke jusqu’ici, au vu et au su de la GRC, dont il serait aussi un collaborateur !
Félix ressent ce sentiment d’excitation si particulier qui saisit le journaliste d’enquête lorsqu’il vient de tomber sur une énorme primeur. Il se voit déjà en train d’aller faire une virée dans les laboratoires de production de coke colombiens avec ce narcotrafiquant qui joue double jeu avec la police…
D’ailleurs, à sa demande et pour ne pas compromettre sa sécurité, on réfèrera à lui dans cet ouvrage par un prénom fictif : Angel.

Cependant, pendant tout l’été 2021, il est écartelé entre cette excitation et des préoccupations liées à sa sécurité. Et si Angel tentait de l’attirer en Colombie pour lui faire la peau ? Et si sa source complotait avec des groupes criminels de Montréal prêts à dépenser quelques milliers de dollars pour faire éliminer un journaliste dans un pays où ses assassins ne seraient probablement jamais retrouvés ni punis ? Félix fait part de ses craintes à un de ces collègues. Celui-ci lui rappelle qu’il serait probablement déjà mort depuis longtemps si des bonzes de la pègre montréalaise en avaient décidé ainsi. Voilà qui est rassurant…
Toutes ces questions ont beau le tarauder, Félix a toujours confiance en sa source. Le problème, c’est qu’il n’en sait que très peu sur Angel et sur les motivations profondes qui poussent cet intriguant personnage à se confier à lui. En bon trafiquant qu’il est, Angel ne veut pas en dire plus au téléphone et suggère plutôt qu’ils se rencontrent en personne pour en parler. C’est à partir de là que Félix fera équipe avec Marc Sandreschi, un ex-policier du SPVM, devenu l’un de ses collègues journalistes au Bureau d’enquête de Québecor et qui est désigné pour l’épauler dans cette aventure.

Marc a passé ses dernières années de service au département de l’écoute électronique du SPVM. Il connaît bien les rouages du crime organisé et son expérience comme policier fait de lui un équipier indispensable pour ce travail risqué, estime Félix. En plus, il a une bonne connaissance de la langue espagnole, ce qui sera un atout en Colombie. C’est ainsi qu’au début du mois de décembre 2021, six mois après la prise de contact initiale avec la source, Félix et Marc prennent la décision de partir en Colombie afin de faire connaissance avec Angel.
Le duo quitte l’aéroport Montréal-Trudeau le 3 décembre. Les journalistes n’ont pas de valise. Un bagage à main chacun leur suffit. Ce n’est pas le moment d’apporter les appareils photo professionnels, les caméras de télévision et les trépieds. S’ils vont en Colombie, c’est d’abord afin d’avoir une rencontre exploratoire avec un homme qui, en un claquement de doigts, peut être la cible d’un assassinat. Il faut donc partir dans la plus grande discrétion possible.
Après un vol de nuit de six heures, les deux journalistes débarquent en Colombie. Avec l’aide de leurs patrons du Bureau d’enquête, ils ont planifié ce qui a des airs d’opération commando. Afin de brouiller les pistes, ils ont loué chacun une chambre au Hilton du quartier Chapinero, dans le nord de Bogotá, mais aussi dans d’autres quartiers de la capitale, de façon à être plus difficiles à retracer. L’objectif est de changer d’hôtel et de chambre toutes les nuits, mais sans faire de check-out. D’ailleurs, le Hilton n’a pas lésiné sur les moyens pour protéger ses clients, allant jusqu’à employer des maîtres-chiens dont les bêtes sont entraînées pour détecter toute présence d’explosifs. Il faut dire qu’il y a eu cinq attentats à la voiture piégée dans la capitale, au cours de la dernière décennie. En 2012, un attentat qui visait l’ex-ministre de l’Intérieur Fernando Londoño, auquel il a survécu, a fait 5 morts et 17 blessés.
À 17 heures, peu après leur arrivée, Félix et Marc vont enfin rencontrer cette mystérieuse source qui n’exige rien de moins qu’une rencontre en personne avant d’en dire plus. Les deux journalistes ont volé de nuit et n’ont presque pas dormi. C’est dans un restaurant de cuisine asiatique fusion qui se trouve devant le Parque de la 93 qu’ils lui serrent la main pour la première fois. Après quelques bières et des amuse-gueules, Félix se dirige vers la salle de bains, laissant Marc seul pendant quelques minutes avec Angel.
Une relation de confiance s’installe rapidement entre les deux hommes. Angel a vite été mis au courant que Marc est un ancien policier. Il fallait le lui dire. Dans ce milieu, il vaut mieux jouer franc jeu. Avant même que Félix ne revienne du petit coin, Marc a déjà commencé à tisser des liens avec Angel. Celui-ci n’hésite pas à aborder des sujets personnels et à exprimer ses émotions.
Quant Félix regagne la table, il voit Angel en train de s’essuyer les yeux : il a de la difficulté à retenir ses larmes. Le trafiquant raconte qu’il n’a pas vu sa famille depuis plusieurs années. Cela lui paraît insupportable.
La première rencontre est une réussite à tous points de vue. Tous les trois conviennent de se revoir, mais cette fois dans une chambre d’hôtel qui a été préalablement louée par les journalistes.
Le lendemain, les journalistes et Angel se retrouvent dans la chambre 705 de l’hôtel Salvio, un établissement au décor branché, situé dans un quartier bien fréquenté, qui fait face au Parque de la 93. Angel arrive directement de l’église, lui qui est issu d’une famille catholique. C’est Marc qui ferme la porte de la chambre. Angel porte à la ceinture un revolver de fort calibre. « Ça, c’est pour les grosses jobs, quand je veux régler ça d’un seul coup. Ça fait la job », lance-t-il avec un sourire en coin, avant d’exhiber un pistolet 9mm, « pour les petites affaires », celui-là, ajoute-t-il. Il leur expliquera plus tard qu’il préfère le revolver au pistolet, car le premier ne s’enraie pas.
Angel dépose ses deux armes sur la table, les canons pointés directement vers les deux journalistes. Ceux-ci ressentent un malaise, et Félix lui demande de les pointer dans une autre direction.
Angel est fasciné par les armes à feu. Il astique les siennes avec fierté. C’est cette passion pour les armes à feu qui lui a valu son surnom dans la rue, surnom qu’il s’est d’ailleurs fait tatouer sur l’avant-bras gauche : Canon.
Peu après son arrivée, Angel fixe Félix de ses yeux perçants, d’un air grave mais très intense. Un silence inconfortable s’installe dans la pièce durant quelques secondes. L’explosion d’une bombe n’aurait pas fait bouger Angel d’un poil. Il est facile d’imaginer qu’il ait pu en intimider plus d’un avec cette expression faciale qui peut devenir terrifiante.

« Écoute, mon ami, commence-t-il sur un ton solennel. Dans quelques mois, ma vie va changer. Je suis malade. J’ai des problèmes de cœur. Et je veux que mes enfants se souviennent de moi pour les bonnes raisons. J’ai fait beaucoup de mal dans ma vie. Mais j’ai fait de bonnes choses aussi. Ça fait 10 ans que je donne de l’info au SPVM et à la GRC sur les narcotrafiquants de Montréal. Ils en ont saisi, des kilos, grâce à moi. Mais je veux tout arrêter ça. »
Félix et Marc comprennent enfin quelles sont les motivations de ce narco montréalais expatrié au royaume de la cocaïne. Avant de tout arrêter, Angel consent à leur expliquer dans les détails le rôle qu’il joue en Colombie pour approvisionner le Québec en coke. Il va aussi dévoiler les dessous de sa collaboration secrète avec les forces de l’ordre, devant la caméra, lors d’une rencontre subséquente, lorsque les deux journalistes reviendront en Colombie. Mais aujourd’hui, c’est un autre de ses secrets qu’Angel tient à leur révéler. Et pas le moindre.
Avant de quitter la chambre d’hôtel, il déboutonne sa chemise et commence par exhiber un tatouage sur son épaule gauche : la Santa Muerte, également connue sous le nom de Santisima Muerte. C’est la déesse bien-aimée de la mort, dont les origines remontent à la période préhispanique au Mexique. Les trafiquants mexicains lui vouent un véritable culte.
« Elle nous protège quand on envoie des cargaisons. Puis aussi, le jour où on va se faire tuer », lance Angel sur un ton résigné, convaincu que son tour viendra un jour. « On sait que ça va nous arriver un jour, on ne sait juste pas quand », ajoute-t-il d’une voix sereine, avec l’expression d’un homme marqué par la vie.
Puis, Angel leur montre un dernier symbole qu’il a choisi de se faire dessiner sur l’épaule droite. Un gros tatouage floral pour signifier son appartenance à une grande famille. Mais pas n’importe quelle famille : c’est le symbole du cartel 
de Sinaloa.
« J’ai pris mon tatouage, dit-il en riant. Quand t’as ça, ça montre que t’appartiens direct au cartel. Et que t’es protégé. Veut, veut pas, c’est une famille. Si quelqu’un t’en veut, il va avoir des problèmes. Les seuls qui ont le droit de me tuer, c’est eux autres. »
Félix et Marc sont abasourdis. L’homme qui s’apprête à passer aux aveux est non seulement un narcotrafiquant, mais un membre du cartel de Sinaloa, l’un des plus dangereux cartels de la drogue mexicains. Et, ce qui rend cette histoire encore plus folle qu’elle ne l’est déjà, c’est qu’il est aussi une taupe pour le compte de la GRC et du SPVM.
« Si vous êtes là aujourd’hui, c’est que vous êtes un back-up pour moi, pour ma protection. En vous racontant ma vie, en vous faisant rencontrer le vrai monde et en vous expliquant comment ça marche, les gens vont comprendre que ça ne se passe pas juste dans les films. Parfois, je raconte des histoires aux gens et ils ne me croient pas. Mais c’est bien vrai pourtant. »

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