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ENTRETIEN. Iran : la mort de Mahsa Amini est « l'étincelle qui a fait s'embraser la – Maville.com

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Une moto de police brûle lors d’une manifestation, le 19 septembre 2022, à Téhéran, en Iran, à la suite de la mort de Mahsa Amini. © WANA NEWS AGENCY / REUTERS
Mahsa Amini, 22 ans, est morte le 16 septembre dernier, trois jours après avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés » à Téhéran par la police des mœurs, une unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d’Iran pour les femmes.
La jeune femme est tombée dans le coma après son arrestation et est décédée à l’hôpital, selon la télévision d’État et sa famille. Des militants ont jugé sa mort « suspecte » mais la police de Téhéran a affirmé la semaine dernière qu’il n’y avait « pas eu de contact physique » entre les policiers et la victime. Depuis, des manifestations de protestation se propagent dans plusieurs villes de la République islamique, malgré la répression policière qui a fait déjà au moins onze morts.
Mercredi 21 septembre, Mahmood Amiry Moghaddam, le directeur de l’ONG Iran Human Rights, a estimé que ces manifestations nationales étaient « peut-être le début d’un grand changement en Iran ». Est-ce vraiment le cas ? Et quelle est la situation actuelle en Iran ? Mahnaz Shirali, écrivaine, docteure en sociologie et spécialiste de l’Iran décrypte la situation pour Ouest-France.
Pouvez-vous décrire la situation actuelle en Iran après la mort de Mahsa Amini ?
Pour comprendre ce qu’il se passe actuellement en Iran, il faut revenir plusieurs années en arrière. Cela fait maintenant quarante-trois ans qu’existe, en Iran, la « police des mœurs ». Cette police réprime, humilie et agresse les femmes et les jeunes. Elle le fait parce qu’ils sont jeunes, beaux et vivants. Elle le fait pour leur imposer la loi islamique, c’est-à-dire pour leur imposer les normes vestimentaires et comportementales de la loi islamique. Cela fait donc quarante-trois ans que le peuple iranien subit humiliations, violences et agressions.
Un journal avec Mahsa Amini en photo de couverture, le 18 septembre 2022. © WANA NEWS AGENCY / REUTERS
Le meurtre de cette jeune fille de 22 ans a bouleversé les Iraniens. Car cette mort est une mort injuste et violente. Cet événement a donc fait déborder le vase, et les Iraniens aujourd’hui sont révoltés. C’est un phénomène important et très attendu, tant il y a de mécontentement et d’insatisfaction accumulés depuis des décennies. C’est toute la société iranienne qui explose maintenant.
Peut-on dire qu’il s’agit d’une forme de Printemps arabe ?
Ce genre de raccourci ne me convient pas, c’est un peu caricatural. Le contexte et l’histoire politique de l’Iran sont très différents de ceux des pays arabes, et il n’est pas judicieux de les comparer de cette façon.
Ce qui se passe en Iran est une explosion collective, une révolte nationale contre le régime. Ce n’est ni un printemps ni un automne arabe. C’est le soulèvement d’un peuple mécontent depuis de trop nombreuses années.
Pourquoi le peuple iranien est-il « mécontent » ?
Cela fait des années que les Iraniens constatent qu’il n’y a aucun changement dans la politique du régime et que les réformes sont impossibles, malgré de nombreuses contestations populaires. Depuis plus d’une dizaine d’années environ, les Iraniens n’arrivent pas à se faire entendre de leurs dirigeants. Ces derniers apportent systématiquement des réponses répressives.
Des personnes affrontent la police lors d’une manifestation à la suite de la mort de Mahsa Amini, à Téhéran (Iran), le 21 septembre 2022. © EPA-EFE/STR
À chaque fois qu’il y a des mouvements de contestation dans le pays, cela se finit dans le sang. En 2019, pendant les manifestations, plusieurs milliers d’Iraniens sont morts en moins de trois jours, des milliers d’autres ont été blessés et arrêtés. Aucune guerre au XXIe siècle n’a fait autant de victimes en si peu de temps. Ces réponses répressives de l’État ont convaincu les Iraniens que ce régime n’était pas réformable.
Des personnes affrontent la police lors d’une manifestation à la suite de la mort de Mahsa Amini, à Téhéran (Iran), le 21 septembre 2022. © EPA-EFE/STR
Et c’est d’autant plus vrai depuis la crise du Covid. Lors de cette crise, les Iraniens ont constaté qu’il n’y avait pas de gouvernement dans ce pays. Aucun dirigeant politique n’a réussi à résoudre les problèmes et à gérer la situation.
Pour le vaccin par exemple, le guide de la Révolution, Ali Khamenei, a dit aux Iraniens qu’ils « n’avaient pas besoin de vaccin ». Il y a donc eu beaucoup de morts lors de cette crise et beaucoup de chaos. La société a compris à ce moment-là qu’elle devait se débrouiller toute seule, qu’il n’y a personne à la tête du pays pour le gérer.
Par ailleurs, cela fait quand même quatre ans que les sanctions économiques ont complètement détruit l’économie iranienne, qui était déjà largement moribonde à cause de la corruption massive des dirigeants islamistes. Il y a donc toute une série de raisons qui se sont accumulées pour créer ce mécontentement massif en Iran. Elles ont engendré ce ras-le-bol généralisé qui a fini par exploser avec le meurtre de Mahsa Amini. Cette jeune femme innocente a été l’étincelle qui a fait s’embraser la société.
Les femmes ne sont pas les seules à manifester aujourd’hui en Iran. Des hommes ont également rejoint les rangs, et certains parlementaires ont même pris la parole pour apporter leur soutien après la mort de Mahsa Amini. Cela démontre-t-il un changement radical qui est en train de s’opérer dans la société iranienne ?
Sincèrement, mettons de côté les parlementaires. Quelques personnalités du régime ont certes montré un peu de sympathie à la suite de la mort de Mahsa Amini mais cela était tellement mensonger qu’aucun iranien ne leur a prêté attention. En clair : c’est trop tard pour ce genre de manifestation hypocrite de sympathie.
En revanche, il est vrai que les femmes iraniennes ont souvent été seules face à l’État. Elles ont d’ailleurs souvent dit que la République islamique avait réussi son objectif d’opposer les différents groupes sociaux les uns aux autres : les hommes contre les femmes, les minorités ethniques contre d’autres minorités ethniques… C’est un constat très pessimiste que j’ai souvent fait sur la société iranienne.
Une Iranienne se coupe les cheveux lors d’une manifestation devant le consulat d’Iran, à la suite du décès de Mahsa Amini, à Istanbul, en Turquie, le 21 septembre 2022. © ERDEM SAHIN / EPA-EFE
Mais, au regard des événements récents, on observe que la République islamique n’a finalement pas réussi à casser la cohésion sociale. Le moment venu, une véritable cohésion nationale se manifeste : les minorités pleurent toutes ensemble cette jeune fille avec tous ceux qui sont considérés comme la majorité. Cette jeune fille a réveillé une conscience nationale parmi les Iraniens.
Depuis quelques jours, on constate qu’une grande nation se révolte, que les Iraniens sont capables de se solidariser dans les moments importants de leur histoire. Ils sont en train de vivre un moment clé et d’écrire une page importante de leur histoire. L’écrasante majorité d’entre eux rejette ce régime qui ne sait pas gouverner le pays, qui ne sait que tuer des jeunes filles.
Pourquoi le gouvernement maintient-il cette politique « hyperrépressive » vis-à-vis d’un peuple qui la conteste depuis plusieurs années ?
Parce qu’ils ne savent pas gouverner autrement. Pour moi, ce régime est une kleptocratie, c’est-à-dire une bande de voleurs et de criminels. La seule réponse que ce régime est capable de donner est la répression, et cela est le cas depuis le début.
Mais ce que ce gouvernement n’a pas compris, c’est que la répression ne fonctionne qu’au sein de sociétés traditionnelles. Les sociétés modernes ne fonctionnent pas comme cela : elles ne supportent pas la répression et se soulèvent.
Ces manifestations peuvent-elles aboutir à un changement de régime ou, du moins, à un changement de sa politique ?
Quoiqu’il arrive, ce régime n’a pas un long avenir devant lui. Parce que nous sommes au XXIe siècle et, qu’aujourd’hui, les régimes politiques qui n’ont pas le soutien de leur peuple ne peuvent pas se maintenir très longtemps. Les dictateurs ne durent pas éternellement, l’Histoire l’a montré. La page va-t-elle alors se tourner aujourd’hui ? Je ne peux pas le dire, parce que je ne suis pas capable de prédire l’avenir. En réalité, personne n’est capable de répondre à cette question. Mais la seule chose que l’on sait, c’est que les régimes politiques du XXIe siècle ne peuvent pas perdurer longtemps sans avoir l’accord de leur peuple.
Les femmes sont-elles aux avant-postes de cette contestation ? Peut-on dire qu’elles ont inventé un nouveau moyen de protester, notamment en se coupant les cheveux et en brûlant leur voile ?
Absolument. Quand vous faites de la discrimination entre des groupes sociaux, c’est toujours le groupe qui a été le plus discriminé qui élève sa voix beaucoup plus haut que les autres.
Une femme iranienne, vivant en Turquie, brandit un foulard lors d’une manifestation devant le consulat d’Iran, à Istanbul, le 21 septembre 2022 © YASIN AKGUL / AFP
Et c’est bien cela l’histoire des femmes iraniennes : elles ont été humiliées et réprimées pendant quatre décennies, et aujourd’hui, ce sont elles qui sont sur le devant de la scène. Se couper les cheveux, brûler son voile… Ces actes de dénonciation du régime sont des actes hautement symboliques et extrêmement porteurs. La preuve : tous les journalistes parlent de ces femmes qui se coupent les cheveux. Cela montre bien que leur démarche fonctionne.
Que risquent ces femmes qui manifestent ?
Le même sort que Mahsa Amini.
Les Iraniens attendent-ils une action de la part des dirigeants étrangers ?
En réalité, les Iraniens sont complètement désespérés par les dirigeants des pays démocratiques. Ils voient que ces derniers entretiennent des relations avec les criminels de la République islamique. Pas plus tard que cette semaine, Emmanuel Macron s’est entretenu avec le président iranien, Ebrahim Raïssi, celui-là même qui a fait exécuter 4 000 prisonniers politiques en 1988.
Les Iraniens ne s’attendaient pas à ce que le président d’un pays démocratique serre la main d’un criminel. C’est tout de même la moindre des choses que de refuser de le voir. Rappelons par ailleurs que le président iranien a été élu avec les votes de seulement 3 % du corps électoral car les Iraniens ont boycotté les élections.
Emmanuel Macron lors d’une réunion bilatérale avec le président iranien Ebrahim Raïssi, en marge de la 77e Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’ONU, à New York, le 20 septembre 2022. © LUDOVIC MARIN / AFP
Les Iraniens n’attendent donc rien de la France et des pays démocratiques en général. En revanche, ils comptent énormément sur les sociétés civiles et les médias. Ils comptent sur les journalistes car ces derniers montrent au monde entier, par leur couverture de l’actualité, ce qu’il se passe en Iran. Ils espèrent que l’État iranien va finir par comprendre qu’il n’est pas seul au monde et qu’il n’a pas le droit de tuer ses propres ressortissants en toute impunité. Ce temps où il pouvait tuer des gens sans que le monde soit au courant est révolu. Aujourd’hui, vous tuez une seule personne en Iran, tout le monde est au courant.
Des Iraniens allument des bougies en hommage à Mahsa Amini, lors d’une manifestation à Istanbul (Turquie), le 20 septembre 2022. © ERDEM SAHIN / EPA-EFE
Les Iraniens espèrent également qu’advienne une solidarité des sociétés démocratiques envers eux, envers leur combat, envers leur révolte. Parce que leur révolte est une révolte pour le droit des femmes, pour les droits humains, pour la liberté et pour la démocratie.
Mahnaz Shirali est l’autrice de Fenêtre sur l’Iran, le cri d’un peuple bâillonné (2021, Les Pérégrines)

L’ambiance / le décor
Le rapport qualité / prix

22/09/22 – 19:02
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