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Le 5 octobre 2017 éclatait l’affaire Weinstein. Cinq ans après, « Le Monde » fait le bilan de cette révolution sexuelle, culturelle, sociale et judiciaire, en France et dans le monde. Laurence Rossignol et Nelly Garnier vous répondent dans un tchat.
S’il y a moins de femmes en politique, c’est d’abord, parce que les partis politiques ne les désignent pas. Les électeurs sont moins misogynes que les partis.
La vague de témoignages #metoo a montré que dans tous les milieux où les hommes avaient un pouvoir d’ascendant sur les femmes ou les enfants, les violences sexuelles se développaient. Or, qu’est-ce que le monde politique ? C’est un monde avec d’un côté des hommes qui ont beaucoup de pouvoir entre leurs mains (le pouvoir de vous attribuer un logement, une place en crèche, de régler une situation de vie compliquée) et de l’autre des femmes parfois en situation de grande fragilité : des femmes sans papiers, des mères célibataires, de jeunes collaboratrices. Le risque d’abus de pouvoir qui prennent la forme de violences sexistes et sexuelles y est donc particulièrement élevé. C’est pour cela que je milite depuis longtemps pour l’instauration de commissions indépendantes de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les assemblées d’élus qui permettent d’accueillir la parole des victimes et réfléchissent aussi à la manière de prévenir le risque d’abus sur les femmes qui sont dans l’entourage des hommes politiques : administrées, collaboratrices, jeunes journalistes, élues, etc.
A titre personnel, j’en rencontre moins aujourd’hui. Mais il faut beaucoup plus de galons à une femme qu’à un homme pour être respectée. Les partis polItiques sont toujours des boys clubs, un peu plus vigilants sur les apparences que par le passé.
Il y a un continuum de la violence à l’égard des femmes. Pendant longtemps, on a traité les violences sexuelles comme un fait divers, l’acte de déséquilibrés isolés. Mais quand des faits de violence sont aussi généralisés, cela veut dire qu’ils se propagent à partir d’un terreau qui les favorise. Le rôle de la justice est de condamner a posteriori des actes qui ont été commis. Le rôle du politique est de porter un combat politique et culturel pour prévenir ces violences. Cela passe nécessairement par l’interrogation de comportements, qui ne sont pas forcément des délits ou des crimes, mais qui placent les femmes dans un rapport de domination. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’erreur serait de vouloir de criminaliser des comportements qui ne sont pas des crimes et de s’instituer en justice parallèle. Mais que le monde politique interroge certains comportements masculins jusque dans l’intime, cela me paraît indispensable pour faire reculer à la fois les violences et les inégalités.
Bonjour, selon moi, c’est la société qui porte le #metoo et le monde politique dans son ensemble reste très réticent à faire son examen de conscience. Quand je suis arrivée au Conseil de Paris, en juin 2020, en 6 mois, 3 barons de la gauche parisienne ont été visés par des accusations graves dans le cadre d’affaires de violences sexuelles. Et la réaction d’élus qui se disaient pourtant féministes a tout de suite été d’étouffer ces affaires. De la même manière, dans le cas de Taha Bouhafs, il a certes été écarté, mais la France insoumise a voulu faire croire que c’était parce qu’il était victime de racisme. Parce que ce n’est pas bon politiquement non plus, lorsqu’on défend la cause féministe, de montrer qu’on a laissé prospérer des années des hommes qui ont pu être les auteurs de violences, alors même qu’il y avait eu des alertes en interne. Le #Metoopolitique, ce n’est pas une question de droite ou de gauche. C’est une question de dérive dans le rapport des hommes au pouvoir.
Cent vingt femmes victimes de féminicide par an, près de 300 000 victimes de violences conjugales, des milliers d’enfants victimes de violences sexistes et sexuelles et de viol, 20 % d’écart de rémunération, je considère consacrer mon engagement et mon mandat à des sujets majeurs. Et ceux qui prétendent le contraire ne font que défendre le statu quo et l’omerta.
Le combat que je mène depuis plusieurs années, avec d’autres femmes politiques, c’est de dire : on ne peut pas tout attendre de la justice. Parce que, dans de nombreux cas, on sait qu’il sera très difficile d’aboutir d’un point de vue judiciaire. Prenez le cas de Damien Abad, on parle d’une pratique non consentie dans le cadre d’un rapport consenti. Dans ce type de situation, il est très compliqué d’apporter des preuves. Pour autant, cette affaire a aussi amené de nombreuses femmes à témoigner de comportements problématiques à l’égard des femmes, avec des échanges de SMS et autres éléments tangibles à l’appui. Les partis politiques peuvent alors se poser la question de savoir si ces comportements sont en cohérence avec les valeurs d’égalité et de respect de la dignité des femmes qu’ils portent politiquement. Ne plus être ministre, ce n’est pas avoir été condamné par la justice. Il est normal que l’on attende d’un responsable politique que son comportement personnel soit cohérent avec les valeurs qu’il défend.
Oui ! Combattre les propos sexistes, quand ils visent une adversaire politique et viennent de mon propre camp, est une règle que j’applique depuis longtemps.
Laurence Rossignol
Dans le cadre du #metoopolitique, je peux témoigner que je travaille de manière transpartisane avec des femmes d’autres bords politiques qui n’ont pas hésité à me défendre lorsque j’ai été attaquée en raison de mes positions féministes.
Nelly Garnier
Il faut casser cette idée reçue qui voudrait que les femmes sont plus discrètes, ne veulent pas se mettre en avant et s’écartent elles-mêmes des cercles de pouvoir. Des femmes engagées prêtes à prendre des responsabilités, il y en a beaucoup ! Des femmes qui présentent leur candidature pour être investies sur des circonscriptions gagnables, il y en a beaucoup ! Cependant, elles sont souvent bloquées dès le début de leur carrière. A titre personnel, je sais que si j’ai pu être élue, avec les positions très libres qui sont les miennes notamment sur les sujets liés au féminisme, c’est parce que j’ai été investie dans des territoires dirigés par des femmes : Rachida Dati à Paris et Valérie Pécresse en Ile-de-France.
Leur dire que « la honte doit changer de camp ». Transformer la compréhension collective, et changer les lois, les pratiques de la police et de la justice pour qu’elles n’aient pas peur de les solliciter. Ça avance mais on est encore loin du compte. C’est une évolution profonde de la société. Mobiliser les organisations syndicales pour que les femmes y trouvent du soutien. Créer des cellules dans les entreprises. Leur assurer que si elles parlent, ce sont elles qui seront protégées, pas les auteurs, même s’ils ont davantage de pouvoir.
Vous avez raison. Beaucoup s’inquiètent d’un tribunal médiatique et des réseaux sociaux qui feraient tomber des centaines d’hommes puissants. Mais, parmi les hommes qui ont été mis en cause ces dernières années, combien ont été réellement écartés des cercles de pouvoir ? Quasiment aucun. Alors que les femmes qui ont parlé ont souvent dû changer de milieu professionnel. Elles ont aussi fait face à des attaques pour salir leur réputation et en restent souvent très affectées psychologiquement.
Indispensable.
Je ne saurais pas dire pour l’ensemble des assemblées, mais pour ce qui concerne celles où je suis élue, il y a des formations obligatoires pour prévenir les violences sexistes et sexuelles. Mais, il faut être lucide. Pour lutter efficacement contre les violences, il faut qu’il y ait la peur de la sanction. Il faut mettre fin au sentiment d’impunité et, pour cela, casser les logiques de protection qui se mettent en place autour des hommes qui utilisent leur position de pouvoir pour abuser de femmes sur lesquelles ils ont une situation d’ascendant.
Nous sommes les pionnières de ce qu’Irène Théry nomme une « nouvelle civilité sexuelle ». Je pars de plusieurs postulats :
– le temps et les principes de la justice et du droit laissent beaucoup de trous dans la raquette ;
– les hommes de pouvoir ont souvent usé de leur position pour en tirer des avantages sexuels ;
– le consentement est vicié lorsque les deux protagonistes sont liés par une relation hiérarchique, la hiérarchie n’étant pas limitée à une relation de travail ;
– les partis politiques doivent être cohérents et leur projet politique ne peut pas être porté par des hommes qui n’en respectent pas les valeurs.
Dès lors, nous devons rédiger notre propre code de déontologie et identifier précisément les faits incompatibles et les procédures d’examen et d’instruction de ces faits. Ça ne peut pas être une jurisprudence mouvante, il faut respecter des principes fondamentaux, comme le contradictoire, l’indépendance des cellules qui enquêtent et la collégialité.
Quand on revoit les déclarations de responsables politiques au moment de l’affaire DSK, on a l’impression que ces événements ont eu lieu il y a un siècle ! De la même manière, je repense aux réactions des téléspectateurs lorsqu’Eva Thomas a témoigné sur l’inceste dans les « Dossiers de l’écran » en 1986. A l’époque, des hommes appelaient pour raconter leur « belle histoire d’amour » avec leur petite fille. Il faut mesurer le chemin parcouru et mesurer que la vague de témoignages sur les réseaux sociaux et dans les médias a sûrement beaucoup plus contribué à la prise de conscience que l’action qui était menée par les politiques dans les assemblées. Aujourd’hui, le monde politique reste en retard. Il ne bouge que quand il est sous pression de l’opinion. Et parfois, il ne bouge même pas, ce qui est tout à la fois choquant et désespérant. Mais j’ai la certitude que les choses avancent vite et bientôt ce type de comportements seront immédiatement sanctionnés, parce que l’opinion ne l’acceptera plus et le fera savoir bruyamment.
Vous soulignez un point intéressant en parlant de positions opportunistes sur #metoo. Car ce que nous avons constaté avec le monde politique, c’est qu’à chaque fois qu’il y avait une affaire de violences sexuelles qui éclatait dans le monde des médias, du sport, de l’Eglise ou autre, les responsables politiques étaient les premiers à réagir en disant « nous soutenons ces femmes », « nous soutenons #metoo ». Et à chaque fois qu’un camp politique a été lui-même concerné, il a crié à la déstabilisation. Cela veut dire que le monde politique est incapable de s’autoréguler. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours mis en garde sur les cellules internes aux partis et appelé à des commissions indépendantes transpartisanes, intégrant des personnalités qualifiées, sur le modèle de la commission Sauvé, qui a mené le travail sur la pédocriminalité dans l’Eglise. Il faut comprendre que c’est dans la nature même d’un parti politique d’éviter par tous les moyens la déstabilisation. C’est pour cela qu’on ne peut pas attendre que les partis agissent seuls. Il faut penser d’autres structures, indépendamment de la question de la justice. Car tous les comportements problématiques ne rentrent pas dans le champs judiciaire.
Nelly Garnier
A gauche, le choc est antérieur à #metoo. Il a été violent. En 2011, le potentiel candidat à la présidentielle DSK [Dominique Strauss-Kahn] tombe pour viol. Les socialistes sont confrontés à une question : savions-nous, et qu’avons nous fait de ce que nous savions ? Beaucoup comprennent que le comportement sexuel d’un homme peut bouleverser la vie politique. On voit les arguments en défense « ce n’est pas l’homme que je connais », minoration de la qualification des faits en « troussage de domestique ». Je note que ces mêmes arguments sont toujours utilisées dix ans plus tard pour d’autres affaires. Mais, c’est à partir de 2017 qu’il y aura un traitement systématique de ce type de comportements. Et que les dénonciations de violences sexuelles vont être intégrées dans les critères d’investiture des candidats ou des responsables. La libération de la parole est plus facile dans les partis féministes, dans ceux ou les militantes féministes sont actives et interpellent leurs propres organisations.
Laurence Rossignol
La défausse sur la justice est l’une des expressions du déni des violences sexistes et sexuelles (VSS). C’est une façon de dire que rien n’existe, ni la parole des victimes ni les turpitudes des mis en cause. C’est aussi le déni des difficultés de la justice à poursuivre et à faire condamner les auteurs de VSS. C’est le moyen de faire taire les victimes, de protéger les auteurs et de protéger les organisations politiques dont ils sont membres. C’est la doctrine du Rassemblement national.
Je dirais que la principale difficulté reste encore l’accès aux responsabilités. La parité dans les investitures a été imposée par la loi, cependant la proportion de femmes parlementaires est autour de 36 % et cela non pas parce que les Français ne votent pas pour les femmes, mais parce que les partis continuent de défavoriser les femmes dans les investitures. Le monde politique reste un monde d’hommes qui favorise les hommes dans l’accès au pouvoir. Pourtant, j’ai souvent dit que si les femmes partageaient à 50 % les responsabilités, cela réglerait déjà une très grande partie des problèmes de discriminations et de violences à l’égard des femmes dans le monde politique.
C’est le moment de poser votre question sur #metoo et la politique, n’hésitez pas !
Live animé par Julie Bienvenu
#metoo : les 5 ans d’une révolution. En 2017 éclatait l’affaire Harvey Weinstein aux Etats-Unis, provoquant une onde de choc mondiale qui allait libérer la parole contre les violences sexistes et sexuelles. Au gré d’une cinquantaine d’articles, de reportages et tribunes, publiés du 5 au 15 octobre, Le Monde retrace les grandes étapes de cette révolution, qui, si elle compte quelques excès, est porteuse de nombreux progrès et d’immenses espoirs.
Que veut dire #metoo ? Le 5 octobre 2017, le New York Times publiait une enquête révélant les agressions et le harcèlement sexuels que le célèbre producteur de cinéma Harvey Weinstein faisait subir depuis des années à de nombreuses femmes. Parti d’Hollywood, le mouvement est symbolisé par ce hashtag repris par l’actrice Alyssa Milano dix jours plus tard, le 15 octobre, et qui déferle sur les réseaux sociaux, #metoo (« moi aussi »). D’autres mots-clés apparaîtront à travers le monde, dont #balancetonporc, lancé en France par la journaliste Sandra Muller. Cinq ans après, faisons le bilan de cette révolution sexuelle, culturelle, sociale et judiciaire, en France et dans le monde. Les choses ont-elles réellement changé en 2022 ? L’égalité entre les hommes et les femmes a-t-elle avancé ?
Nous discuterons ensemble toute la journée du mouvement #metoo et de son impact sur vos vies comme dans le monde entier. Vous pourrez témoigner en commentaire et poser vos questions à nos intervenants lors de deux tchats :
Enquête. Cinq ans après #metoo, l’onde de choc : ce qui a changé dans les familles, à l’école, au tribunal…
Analyse. L’antiféminisme prospère sur les réseaux sociaux
Décryptage. #metoo, le « moteur colère » des militantes féministes
Enquête. Dans les entreprises, une lutte difficile contre les actes sexistes et le harcèlement sexuel
Reportage. A Saint-Denis, le difficile #metoo des quartiers populaires
Récit. Dans le sport, une prise de conscience à géométrie variable
Témoignages. A l’Ecole supérieure d’art dramatique du Nord, le consentement en étendard
Entretien. « Aujourd’hui, tous les jeunes adultes ont déjà entendu parler de consentement »
Tribune. Violences sexistes et sexuelles : « Le faible nombre de condamnations incite à trouver de nouvelles façons de travailler »
Retrouvez tous nos articles sur les 5 ans de #metoo dans notre grand format
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