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Les Hongkongais sont appelés aux urnes ce dimanche 19 décembre pour élire les membres du Conseil législatif, le parlement local (LegCo). Mais plus aucune candidature d’opposition n’y est tolérée. Depuis l’instauration de la loi sur la Sécurité nationale par Pékin en 2020, la semi-démocratie qui survivait à Hong Kong a été détruite.
Même appeler au boycott est interdit. Dix personnes ont été arrêtées pour avoir encouragé à ne pas aller voter dimanche pour élire les membres du LegCo (ou Conseil législatif). Deux d’entre elles n’avaient fait que reposter sur Facebook un potentiel boycott. Le gouvernement a également émis cinq mandats d’arrêt contre les ex-députés Nathan Law, Ted Hui et Yau Man-chun : tous deux ont appelé les exilés hongkongais au Royaume-Uni et en Australie à s’abstenir de mettre leur bulletin dans l’urne à distance.
Pourquoi un tel boycott ? C’est qu’il n’y a plus de candidat d’opposition autorisé à se faire élire au LegCo. Aucun des élus pro-démocrates aux législatives de 2016 ne seront en lice dimanche. Dans le nouveau système instauré à Hong Kong par Pékin, seuls les « patriotes » qui « respectent » l’autorité du Parti communiste chinois peuvent se présenter. Plus encore : si le parlement local a grossi de 70 à 90 membres, le nombre d’élus au suffrage universel direct a, lui, été réduit de 35 à 20. 30 autres sièges sont cooptés par des « circonscriptions professionnelles », issues des principaux secteurs d’activité. Les 40 sièges restants sont désignés par un comité présidé par Carrie Lam, la cheffe pro-Pékin de l’exécutif hongkongais. Indifférente au péril de l’abstention massive, elle a d’ailleurs déclaré que ce serait le « signe que la population est satisfaite de l’action du gouvernement ».
Prévues pour septembre 2020, ces élections ont été retardées de plus d’un an, officiellement pour cause de Covid-19. Ce report a suivi une vaste répression de la dissidence dans la ville la plus libre de Chine, avec la promulgation par Pékin le 1er juillet 2020 d’une loi sur la sécurité nationale. Émaillé de termes vagues, le texte criminalise la « subversion », la « sécession », le « terrorisme » et la « collusion avec des forces étrangères ». Les peines vont jusqu’à la perpétuité. Cette loi a ainsi été utilisée pour arrêter plus de 150 politiques, militants ou dirigeants de médias critiques de Pékin. La plupart des personnalités politiques pro-démocrates sont aujourd’hui soit en prison, soit en exil.
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Jusque-là, Hong Kong jouissait d’une semi-démocratie avec la protection des libertés civiles et la préservation de l’État de droit. Selon le traité sino-britannique de 1984, l’ancienne colonie devait rester une juridiction séparée de la Chine populaire pendant 50 ans après sa rétrocession à la mère-patrie en 1997. Mais Pékin n’a pas attendu 2047. Affolé par les mouvements pro-démocratie massifs des « parapluies » en 2014 puis contre la loi d’extradition en 2019, le gouvernement chinois a décidé de tout arrêter. Peu importe le deal avec Londres. De toute façon, qui pourra empêcher la Chine d’agir ? Le Conseil de sécurité de l’ONU ? Elle peut le bloquer par son veto. Ainsi, comme une évidence, la loi sur la Sécurité nationale a été imposée directement par l’Assemblée nationale populaire à Pékin, au mépris des institutions de Hong Kong et de sa Loi fondamentale. Fin de la partie.
Pour garantir son application, la loi s’accompagne de nouveaux organes qui répondent directement de la République populaire, notamment un tribunal dédié et une police spéciale avec des pouvoirs élargis. « On voit comment cette loi sur la Sécurité nationale et les institutions qui en accompagnent l’application ont instauré à Hong Kong un État policier et redéfinissent l’État de droit comme le maintien de l’ordre social, analyse Chloé Froissart, sinologue et professeure à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), lors d’une conférence à distance de l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE), le 13 décembre. Ces élections sont orchestrées comme un plébiscite du camp pro-Pékin dans un climat de terreur. »
Cette terreur politique, les élections de dimanche en sont un aboutissement. Elles ne marqueront pas une rupture brutale. L’opposition au LegCo ne disparaîtra pas du jour au lendemain : elle a déjà disparu. Le parlement fonctionne sans aucun député opposant au gouvernement actuel depuis novembre 2020. Quinze élus pro-démocrates avaient alors démissionné en masse pour protester contre la révocation de quatre députés à cause de leurs opinions politiques.
Le 6 janvier dernier, pas moins de 55 personnalités élues et politiques d’opposition ont été arrêtées, dont 47 inculpées de « complot en vue de commettre un acte de subversion ». Nombre d’entre elles attendent leur jugement après avoir aidé à organiser en novembre 2019 une primaire afin d’élire des candidats d’union pour les législatives prévues en 2020. Or, cette primaire a attiré 600 000 votants. Un signe que les 7,4 millions de Hongkongais soutenaient encore la démocratie. Inacceptable pour le gouvernement. D’autant que les élections des conseils de districts en novembre 2019 avaient donné lieu à un raz-de-marée pour l’opposition. La majorité pro-Pékin au LegCo était en danger.
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Suite à cette vague d’arrestations sans précédent, la majeure partie des organisations pro-démocrates de la société civile ont choisi de se dissoudre. Pourquoi ? Parce que les menaces de poursuites criminelles devenaient de plus en plus claires si elles continuaient leurs activités. Elles ont toutes subi la même « méthode ».
D’abord, une campagne de la presse pro-Pékin les accuse de violer la loi sur la Sécurité nationale, pointant leurs activités passées et leurs liens avec des organisations étrangères. Ensuite, des responsables locaux lancent des salves d’avertissements plus ou moins flous sur tout acte mettant en péril la sécurité nationale. Enfin, des « intermédiaires » entrent en jeu. Prétendant avoir reçu un message de Pékin, ces individus liés à des responsables chinois du continent viennent donner officieusement des « conseils » impossibles à ignorer, menaçant l’entourage et la famille des chefs des organisations pro-démocrates. Ces derniers décident alors de se saborder, de peur d’entraîner leurs camarades ou parents en prison pour longtemps. C’est ce qui est arrivé par exemple à Joe Wong Nai-yuen, président de la Confederation of Trade Union, le plus important syndicat ouvrier d’opposition à Hong Kong.
Au bout du compte, plus de 50 groupes militants, syndicats et partis politiques ont préféré cesser d’exister en 2021. Beaucoup citent le « facteur Apple ». Allusion au quotidien Apple Daily, accusé d’enfreindre la loi sur la sécurité nationale pour avoir publié de nombreux articles appelant à des sanctions étrangères contre Hong Kong. Fondé par le magnat des médias Jimmy Lai, sa dernière édition est parue le 24 juin, moins d’une semaine après que la police eut arrêté cinq dirigeants de la rédaction, perquisitionné les bureaux du journal et gelé 18 millions de dollars hongkongais (plus de 2 millions d’euros) d’avoirs des trois filiales du groupe de presse. Jimmy Lai, lui, purge une peine de 20 ans de prison pour sa participation à des manifestations non autorisées en 2019, accusé également de « collusion avec des forces étrangères » et de « complot ».
Bientôt, les militants vont devoir affronter un autre défi légal : le gouvernement de Hong Kong prévoit d’imposer sa propre loi sur la Sécurité nationale en supplément de la loi de Pékin. Notamment pour « pénaliser les activités d’espionnage ». En 2003, il avait déjà tenté d’entériner « l’article 23 », un projet de loi « anti-sédition ». La proposition avait été mise au placard après d’énormes manifestations. Cela ne risque plus d’arriver.
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