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Éducation: La psychologue Caroline Goldman plaide pour plus de… – Femina

Éducation: La psychologue Caroline Goldman plaide pour plus de sévérité
enfants
L'éducation bienveillante telle qu'on la pratique aujourd'hui? Une fumisterie aux yeux de Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents. Dans un livre percutant, elle appelle à reposer des limites.
Nicolas Poinsot
19 janv. 2023
«On le voit notamment dans les pays scandinaves comme la Suède et la Norvège, où la tradition a été durant plusieurs décennies de ne jamais rien opposer aux enfants […] Ces pays se mordent actuellement les doigts.» – Caroline Goldman
Ne la réduisez pas au rôle de nouvelle mère-fouettarde, elle déteste ça. N’empêche, depuis cet automne 2022, la psychologue Caroline Goldman a conquis la sphère médiatique en prônant davantage de sévérité et d’autorité dans l’éducation des enfants.
Via un podcast, rapidement devenu l’un des plus écoutés en France, puis par un livre intitulé File dans ta chambre! (Éd. Inter Editions), cette docteure en psychopathologie clinique, enseignante d’université et fille du chanteur superstar Jean-Jacques Goldman, part en croisade contre la mode de l’éducation bienveillante (ou positive) qui semble devenue la norme. Interview d’une experte qui assume de nager à contre-courant.
FEMINA Vous fustigez les excès de l’éducation bienveillante, qui aurait fabriqué une génération d’enfants rois à force d’écouter une méthode scientifiquement bancale et intellectuellement malhonnête. Manque-t-on aujourd’hui de sévérité dans l’éducation de nos jeunes?
Caroline Goldman À l’origine, les théoriciens de l’éducation positive, qui sont pour la plupart non-francophones, ont mis avec raison l’accent sur trois piliers fondamentaux de l’éducation, trois besoins psychiques humains pour le développement: le besoin d’amour, le besoin d’explication et le besoin de limites. Le problème, c’est que ce dernier point s’est étrangement perdu en route quand les textes de ces spécialistes ont été traduits dans d’autres langues, dont le français.
Ils ont trop renié cet aspect pourtant essentiel des limites en affirmant qu’il valait mieux offrir une liberté totale à l’enfant, en renonçant à dire «non», dire «oui», dire «ça tu n’as pas le droit».
Pourquoi selon vous?
Ils y ont probablement renoncé car personne n’a vraiment envie de rencontrer de l’agressivité dans la relation avec son enfant. Et cela trouve un écho puissant chez les futurs parents. Tous les parents du monde rêvent, au départ, de créer une relation où il n’y aura pas d’agressivité. Et puis l’enfant arrive, les choses se déroulent effectivement sans trop de conflits pendant un an, et là l’enfant commence progressivement à appeler les limites en testant les parents, souvent poussés à bout.
Vous dites que le prix à payer pour cette vogue de l’éducation bienveillante est très élevé. Comment cela?
Tous les spécialistes en psychologie de l’enfant et de l’adolescent, parmi lesquels Marcel Rufo, font le constat d’une explosion des troubles du comportement depuis environ huit ans, induite par cette éducation positive mal traduite. Les tenants de cette idéologie pensent qu’imposer quelque chose à l’enfant est violent, que lui dire non est violent. Mais lorsqu’on ne rencontre pas la limite durant sa jeunesse, on bute éternellement contre elle.
Des enfants déboussolés vont ainsi buter contre ce qui, pour nous, nous semble pourtant une évidence: ne pas agresser ou harceler les autres, ne pas crier au milieu de tout le monde, ne pas répondre grossièrement, ne pas courir au milieu de la route sans porter attention à l’environnement…
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Peut-on dire qu’on assiste à un changement de paradigme éducatif?
Je crois que nous sommes enfin à une période charnière où l’on prend conscience sérieusement des excès de cette manière d’éduquer. Autrefois, nous souffrions des excès des violences éducatives, et maintenant nous sommes face à cette tragédie de ces excès de l’éducation positive, avec des parents complètement dépassés par cette liberté sans limite.
C’est véritablement une tragédie selon vous?
On le voit notamment dans les pays scandinaves comme la Suède et la Norvège, où la tradition a été durant plusieurs décennies de ne jamais rien opposer aux enfants, de les laisser faire tout ce qu’ils désirent, de ne pas dire non en quelconque occasion.
Selon nombre de spécialistes en psychologie clinique, cette hausse très inquiétante découle en grande partie de cette éducation bienveillante absurde, qui laisse les enfants et les adolescents totalement perdus. En consultation, je vois beaucoup de ces enfants malheureux d’être comme ça, et ils me supplient des yeux de les sortir de cette liberté sauvage qui leur pourrit la vie.
Et celle de leurs parents?
Bien sûr. Cette adoption de l’éducation positive cause leur malheur. Ils se retrouvent dépassés, désarmés, les deux tendent à se renvoyer constamment l’un à l’autre. C’est une vraie épreuve pour un couple, alors qu’éduquer des enfants est déjà assez compliqué comme ça. La punition, c’est un terme qui fait un peu peur à beaucoup de parents. Pour les tenants de l’éducation dite bienveillante, cela est aussitôt assimilé aux violences éducatives.
Il est pourtant possible de poser les limites sans crier, taper ou humilier. On fait trop souvent cet amalgame qui s’avère dommageable.
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Que pensez-vous du débat autour de la fessée? Faut-il effectivement l’interdire ou est-ce un outil nécessaire dans l’arsenal éducatif des parents?
Je pense qu’il faut en effet la proscrire. Je suis totalement en défaveur des violences physiques, même lorsqu’on veut leur donner une soi-disant dimension éducative. Cette violence envers les enfants, ces fessées, ces gifles, c’est, au fond, un langage qu’on leur apprend, et qu’ils risquent d’assimiler et de parler eux-mêmes toute leur vie.
Mais lorsque la seule explication ne suffit pas et qu’il faut, véritablement, imposer ces fameuses limites qui vont sont chères, que préconisez-vous?
La méthode la plus efficace, et de loin, est le «time out». C’est aller au coin, ou dans sa chambre, pendant un certain temps. Cela permet de mettre l’enfant en-dehors de l’espace commun. C’est ce que j’ai pratiqué avec mes quatre enfants et les résultats sont très probants.
Et je ne suis évidemment pas la seule à recommander cette méthode, puisque le «time out» fait l’objet d’un consensus scientifique international. Tout le reste est trop lourd pour eux et pour nous, ces prétendues alternatives font perdre du temps et de l’énergie, et cela leur déplaît.
Pourquoi ce «time out» vous semble-t-il si efficace, alors qu’un avis du Conseil de l’Europe assimile «file dans ta chambre» à une punition violente?
Les enfants, même pour les punitions, aiment ce qui fonctionne et ce qui est efficace. Le «time out» marche car il est non violent et apprend à contenir sa pulsion. C’est ainsi une manière de faire comprendre à l’enfant: «Tu as le droit de ressentir ce que tu ressens, mais pas là dans l’espace commun.» Du point de vue de la psychanalyse, on va ainsi donner les conditions pour ce qu’on appelle une isolation pulsionnelle, afin de ne pas se laisser envahir par sa pulsion agressive.
Vous défendez cette idée que les enfants, comme les adultes d’ailleurs, ont en effet des pulsions d’agressivité, ce qui vous vaut des critiques. Assumez-vous toujours cela?
Vous savez, la nature humaine est excessivement pulsionnelle, nous avons toutes et tous, à certains moments, des pulsions agressives à contenir. Et cela vaut aussi pour les enfants. Même l’enfant le plus choyé, le plus aimé et écouté par ses parents va, à un instant T, sortir de lui-même et il faudra alors identifier ça afin d’y donner des réponses.
Quand j’entends des gens dire que l’enfant a besoin de s’exprimer librement à tout moment et d’aller où il veut, de s’opposer à ce qu’il veut et contre n’importe qui, car sinon on écrase sa subjectivité, je suis désespérée! Les enfants auront paradoxalement plus de respect pour les parents qui savent faire preuve d’autorité quand le contexte l’exige.
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