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Direction générale des Finances publiques : Un goût d’Orange … – Blast

Nul n’en parle mais le mal est profond. La DGFIP, Direction générale des finances publiques, rassemblant l’ancien Trésor public et la Direction générale des impôts, traverse une crise organisationnelle qui n’est pas sans rappeler celle qu’ont connue les employés d’Orange-France télécom voici 15 ans. On y trouve les mêmes ingrédients : une réforme imposée à tous, une intervention systématique des cabinets de conseil, un management pathogène, une réduction drastique des effectifs, une incompréhension des personnels, et au bout, des dépressions, des suicides, des mises au placard injustifiées. Oubliée la catastrophe sociale et humaine d’Orange-France Telecom !
« Management toxique, ravages psychologiques, comportements de harcèlement avérés » : les mots sont forts pour qualifier ce qu’il se passe à la Direction des finances publiques de l’Aude. Cas unique en France, quatre cadres supérieurs, dont le directeur départemental lui-même, vont devoir quitter l’Aude. 
« Mesures disciplinaires » peut-on lire dans un rapport d’enquête interne. En réalité, ce sont les arrêts de travail prolongés dans ce département, en augmentation de 30% en 2021 comparés à l’année précédente, qui ont alerté Bercy. Le rapport est sans ambiguïté : « L’état de santé mental et physique des agents est détérioré ». Un de ses agents, qui a quitté le département de l’Aude, se souvient : « J’ai touché le fond avec des idées suicidaires. J’ai vécu l’enfer. J’ai tenu bon un an, voulant prouver mes capacités, mais j’étais seul face au harcèlement de mon supérieur ».
Autre région, mêmes maux. Théo (*) est un jeune agent de la direction départementale des finances publiques d’Indre-et-Loire. Au printemps dernier, il a tenté de se pendre et a été sauvé de justesse. Il est aujourd’hui dans un centre psychiatrique près de Tours. Quand il s’est engagé dans cette voie professionnelle, Théo pensait « service public » et selon ses collègues, il « s’est donné à fond ». Mais son enthousiasme a été vite douché par une organisation incompréhensible et un énorme volume de travail exigé par une hiérarchie indifférente aux souffrances individuelles des personnels. Le site sur lequel il travaille compte une quarantaine d’agents, un suicide et trois tentatives, sans compter les mises à l’écart.
Pascal Lordi a lui aussi songé à mettre fin au calvaire qu’il vit depuis des années au sein de la DGFIP en choisissant de mourir.  
Dans un livre édité à compte d’auteur, « Bercy beaucoup », Pascal Lordi témoigne au nom de tous les autres de ce qu’il subit depuis plus de 10 ans et au sein du service des impôts : maladie professionnelle non reconnue, harcèlement, des séquelles récurrentes, une vie détruite.
« La maladie m’a gagné, elle ne m’a pas encore tué » écrit cet inspecteur des finances qui a plus de 20 ans de carrière. Dans son livre, il raconte son calvaire qui commence par un épuisement professionnel, un long arrêt maladie, et un combat judiciaire interminable pour faire valoir ses droits. Originaire du Gard, il a choisi de travailler dans une perception rurale de ce département. Mais la première perception dont il est responsable est complètement sinistrée.
Quand Pascal reprend le travail, une douleur au bras le renvoie aux urgences. Le diagnostic est posé : une névralgie qui prend sa source au niveau des cervicales. Le mal a démarré à la perception. C’est là que les pompiers sont venus le chercher pour le transporter à l’hôpital. C’est donc un accident de travail. Pascal en fait la déclaration mais l’administration rejettera sa requête alors qu’il n’a jamais été convoqué une seule fois en 10 ans par la médecine du travail après avoir pris son poste dans le Gard.
Sur son lit de douleur, Pascal Lordi tire le bilan de ses premières années de carrière : « Tu as 38 ans, tu as travaillé comme un fou, et tu vas crever là comme un chien ». Depuis ce jour, Pascal n’aurait connu que « mépris et déni ». Comme si avant qu’il ne se relève, Bercy cherchait à lui asséner le coup fatal !
Et que dire de Sabrina ! Agent des finances publiques depuis 2007, elle est aujourd’hui au RSA. Une dégringolade inexorable pour cette jeune femme qui après des années de combat administratif et judiciaire, ne comprend toujours pas pourquoi elle est un jour devenue une cible au sein de la DGFIP.
Quand elle arrive dans le Haut-Rhin en 2012, Sabrina est auréolée des meilleures notations de ses supérieurs hiérarchiques dans ses anciens postes en Haute-Savoie et en Isère. Nouvelle venue, on lui fait rapidement comprendre que son statut d’agent de catégorie C ne vaut pas grand-chose. Elle devra encaisser des propos vexatoires et humiliants en raison de sa situation de famille : elle n’a pas d’enfant pour justifier ses congés. Il lui sera d’ailleurs demandé d’y renoncer comme on la dissuadera de passer des concours pour évoluer dans sa carrière.
Les dossiers s’accumulent sur son bureau, mais Sabrina est animée d’une grande conscience professionnelle. Elle est tenace et ne veut pas faillir, elle passe même des concours pour progresser, sans se rendre compte des risques pour sa santé.
Mais l’administration des finances publiques semble avoir la fâcheuse habitude de ne pas tenir compte des avis médicaux ! Pour être bien sûrs que Sabrina doit absolument observer un arrêt maladie, ses supérieurs vont lui imposer des contre-visites médicales, cinq expertises en un an. Tous ces contrôles médicaux confirmeront que son état de santé est lié aux conditions de travail qui lui ont été imposées. Mais sa direction n’en a cure.
Enfin pour lui faire comprendre qu’elle n’est pas la bienvenue, elle ne peut plus accéder à son bureau : tous ces documents personnels et confidentiels ont disparu. Sabrina sera mutée contre son gré dans la Drôme où rien ne va s’arranger pour elle : impossibilité de passer le concours interne de contrôleur, rétention de ses indemnités journalières de maladie, refus d’aménagement de son temps partiel pour raison de santé, et comme si ça ne suffisait pas, un contrôle fiscal…alors qu’elle n’est même pas imposable !
Bref, un acharnement qui devrait valoir à Sabrina une réparation par la voie judiciaire ou administrative. Tout est documenté, les preuves sont accablantes contre la DGFIP mais rien ne bouge. Comme si la justice assurait la protection de ce service public au détriment de ses agents.
Chez Orange-France Telecom, à l’époque, on les appelait les « porteurs de signaux faibles ». Les médecins du travail étaient chargés de les identifier et de signaler leur état de santé à la direction de l’entreprise. Le résultat était toujours le même : un acharnement incroyable sur l’employé dont on espérait qu’il déciderait de lui-même de quitter la société. Hélas, on le sait, certains ont choisi de mourir !
Le cas Lordi dans le Gard n’est pas unique. Toutes les régions de France sont touchées. Tout commence en 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sous prétexte de faciliter l’accueil du contribuable auprès d’un guichet unique, une réforme est envisagée : fusionner la DGI, Direction générale des impôts et la DGCP, Direction générale des comptes publics, c’est-à-dire le Trésor public.
Problème, la greffe ne prend pas. L’agent absorbé par la DGI, ne connait pas obligatoirement le métier, il n’a pas le temps de se former pour s’adapter à ses nouvelles tâches et se retrouve perdu dans des structures où personne ne le connaît. 
Cette réforme ressemble furieusement à ce qu’ont connu les agents de France Telecom. En 1981, plus de 30 ans avant la crise des suicides, l’opérateur subit de plein fouet une réforme : séparer la poste des télécommunications. Une enquête menée par des sociologues du CNRS démontrera que cette réforme, tendance « marche ou crève », a provoqué des dégâts considérables parmi le personnel : suicides, dépressions, alcoolisme, violence intra-familiale et tout ceci sera caché ! Ce rapport d’enquête, pourtant très instructif, a été enterré. Aux finances publiques, aucune enquête ne mesure l’impact né de la fusion des services ; ceux qui souffrent le font en silence !
En 2018, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, y va lui aussi de sa réforme. Le N.R.P, Nouveau Réseau de Proximité, délègue aux directions départementales l’organisation de leurs services. Le but : renforcer la présence des services des impôts sur tout le territoire.
Le service communication de Bercy, que nous avons pu joindre au téléphone, est chargé de dire à quel point le ministère de l’Économie et des Finances est fier de cette réforme. Un changement qui serait passé comme une lettre à la poste, sans heurt, avec l’accord de l’ensemble des syndicats. À l’issue de notre entretien, une question reste en suspens : le service communication est-il vraiment informé de ce qui se passe sur le terrain ? On peut émettre un doute.
Car derrière cette ambition vertueuse se cache un autre objectif : faire des économies ! Ce nouveau réseau a provoqué la fermeture de 2000 trésoreries partout en France. Les agents ont subi ces restructurations et ces fusions, ils ont été parfois délocalisés vers des sites plus grands ; les petites structures locales dans lesquelles ils travaillaient n’existent plus. Théoriquement, les trésoreries sont remplacées par des « Maisons France Services » mais les agents n’ont pas toujours les compétences pour répondre aux questions des contribuables.
À côté des suppressions de centres, il y a aussi des fusions. Ainsi, les regroupements dans les services des impôts des particuliers et des entreprises ont provoqué des suppressions d’emplois. Quand Nicolas Sarkozy lance sa réforme en 2008, la DGFIP compte 124 000 agents ; en 2020, ils ne sont plus que 100.000 et l’hémorragie se poursuit, inexorablement. 
« La DGFIP va embaucher ! » promet le service communication qui refuse que l’on fasse le parallèle avec la funeste réforme d’Orange France Telecom voici une quinzaine d’années. On va quand même le faire ! Car, là encore, ce parallèle avec ce qu’il s’est passé chez l’opérateur téléphonique est troublant. En 2004, les dirigeants du groupe de téléphonie lancent le plan Next : objectif non affiché, supprimer 22 000 emplois en trois ans.
On le sait, cette réforme à marche forcée a provoqué des dégâts considérables parmi le personnel : changements de postes improvisés, mutations imposées, déménagements de services entiers qui laissent quelques employés sur le carreau, tout est bon pour briser le salarié. Bilan : plusieurs dizaines de suicides et des milliers de dépressions. Mais ce plan de destruction massive va parfaitement fonctionner : en 3 ans à peine, 30 000 employés quitteront la société Orange-France Telecom.
La condamnation des dirigeants de l’opérateur téléphonique n’a visiblement pas dissuadé d’autres dirigeants affichant les mêmes objectifs d’économie à tous les étages. C’est le cas à la DGFIP !
Monique peut en témoigner. Voici quelques années, cette agente de catégorie B, est contrainte de changer de service. Elle intègre la Direction générale de la comptabilité publique, autrefois appelée « Trésorerie ». Issue de la direction générale des impôts, elle est rapidement victime de ses réflexes en mettant en évidence des contradictions entre les instructions écrites par son supérieur et la pratique quotidienne dans la gestion des dossiers. Cette contrôleuse des finances publiques depuis une trentaine d’années, toujours bien notée par ses supérieurs, devient soudain persona non grata au sein de son service. On va progressivement lui confier des tâches impossibles à assurer. Pour la hiérarchie, il s’agissait de démontrer son incompétence. Opération réussie.
Monique ne comprend pas pourquoi on s’en prend à elle. Mise sous pression, elle va s’effondrer. En un mois, elle perd le quart de son poids. Le médecin du travail intervient auprès de sa direction et indique que certaines tâches sont « incompatibles avec son état de santé ». Dans sa longue carrière, c’est la première fois que Monique observe un arrêt de travail. Compte-tenu de ses états de service, sa direction lui permettra d’intégrer une autre structure.
Malheureusement, en l’espace d’une année à peine, tous les responsables ont changé. Avec un objectif affiché pour cette nouvelle hiérarchie : restructurer en permanence les services pour pouvoir supprimer des postes, si nécessaire. Monique elle, va de plus en plus mal. Les médecins qui l’examinent écrivent que son état de santé est « imputable au service ». Mais ça ne règle rien !
Aujourd’hui, avec le recul et une lucidité étonnante, Monique fait le bilan de ces années douloureuses : « Mon directeur m’a rendu la vie impossible en espérant que je demanderai moi-même à partir. J’ai osé parler de discrimination auprès de ma direction et ça n’a pas du tout été apprécié. Alors que j’étais en arrêt de travail pour burn-out, ma hiérarchie a tenté de me faire radier définitivement des effectifs. Elle n’y est pas parvenue mais elle a réussi à m’isoler en m’interdisant de communiquer avec mes collègues. Des méthodes d’harceleur ». Même si Monique n’est plus en contact avec ses collègues, elle a pu mesurer à quel point les personnels de son département sont en souffrance.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Philippine Déjardins
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