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Avec son film de licence, « Talk to me », primé dans des festivals de films internationaux, Ribal Chedid décortique le rapport tumultueux entre un père et son fils, et présente un drame familial en huis clos, résonnant au-delà de nos frontières.
OLJ / Par Chantal EDDÉ, le 12 janvier 2023 à 00h00
Au Film School Fest à Munich en novembre dernier. Photo Stanley Reagh
Achevé il y a tout juste un an, le film de diplôme de Ribal Chedid, titulaire d’une licence en arts du spectacle, option audiovisuel de l’Institut d’études scéniques, audiovisuelles et cinématographiques de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Iesav), a remporté le prix du Meilleur Film de fiction au 7e Festival international des écoles de cinéma à Tétouan au Maroc, et le prix de la Meilleure Performance au 21e Festival international du film et de la vidéo étudiants de l’Académie du film de Pékin (ISFVF). Être doublement primé a « donné une sorte de crédibilité à mon travail et cela a été très gratifiant pour moi », confie ce cinéaste et monteur de 23 ans. « J’ai reçu des messages du monde entier, de toutes les générations, sur ma plateforme Instagram qui m’ont énormément touché », poursuit-il. Une reconnaissance qu’il perçoit comme synonyme de la réussite du film, d’autant que Talk to me a également fait le tour de plusieurs festivals de films au Liban et à l’international en 2022.
Il a ainsi représenté le Liban à la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage en Tunisie dans la section « Carthage Ciné-Promesse », et a été sélectionné parmi 40 autres films de 21 pays différents dans la 41e édition du Film School Fest Munich, tout en étant projeté dans des festivals à Montréal, Vancouver, Izmir, Rabat et Beyrouth. Partant d’une réalité libanaise, le film a ainsi trouvé des échos au-delà de nos frontières. « Ce film met en évidence l’intérêt que je porte envers les formes simples et proches de la réalité au cinéma, ainsi qu’envers les drames familiaux », relève Ribal Chedid.Dans Talk to me (Abwab en arabe ou Portes), Farid, un père qui travaille à l’étranger, s’introduit, le dernier jour de son séjour à Beyrouth, dans la chambre de son fils étudiant Rawad, persuadé que ce dernier y cache un secret. Farid s’y enferme à clé, résistant aux demandes de son garçon de lui ouvrir, violant son intimité, jusqu’au moment où la réalité lui éclate en pleine figure. Un père qui doit gagner sa vie dans un autre pays pour subvenir aux besoins de sa famille est pour ainsi dire monnaie courante dans nos communautés. Le mérite du film repose toutefois sur le fait d’avoir mis en lumière un rapport père-fils universel, un aspect occulté dans leur rapport, et d’avoir exploré la tension et la complexité qui le régissent, les non-dits et l’absence de communication entre eux. Une description âpre, dont le rythme monte crescendo au fil du film, d’une relation qui n’en semble pas une, minée par des préjugés, de la rancune, du repli sur soi, tout en étant en fin de compte motivée par la douleur infligée par l’amour, ou plutôt son manque.
Aller aux racines pour mieux comprendre
La spécificité du rapport père-fils dans le film tient également au fait que son auteur a voulu que son personnage principal soit le père, Farid, et non pas Rawad à qui il aurait pu facilement s’identifier vu leur appartenance à la même génération. « Ce qui m’importait dans ce film, c’est de découvrir et de comprendre le vécu de Farid vis-à-vis de son absence et de sa relation avec Rawad. En tant qu’adolescents, nous avons tendance à facilement tomber dans la victimisation par rapport à certains traumas que nos parents nous infligent, sans comprendre que ces personnes-là sont aussi des êtres humains complexes qui ont un certain vécu et font des erreurs », affirme-t-il. Écrire et réaliser Talk to me a par conséquent constitué une opportunité pour lui de comprendre son père à travers le personnage de Farid. Ce qui « ajoute une bidimensionnalité au film en ayant deux points de vue consistants de deux générations différentes », estime le jeune cinéaste.C’est sans doute la nature même de ce rapport père-fils qui a valu au film cette reconnaissance internationale, d’autant plus qu’il a été justement scénarisé, monté et réalisé par Ribal Chedid, et impeccablement interprété par l’acteur libanais Fadi Abi Samra. « J’ai tenu à conserver une impression de réalité très brute dans le film, pour pouvoir mettre en avant les racines de leur relation amour/haine. J’ai voulu brouiller les lignes de l’écran, et inviter le spectateur dans la chambre de Rawad avec Farid », indique Ribal Chedid. Pour exprimer au mieux ses intentions, il a eu recours dans sa réalisation et son montage à des plans-séquences, des plans longs en termes de durée sans coupure au montage, ou à de l’éclairage naturel non contrasté, des dialogues inspirés de véritables échanges, ainsi qu’un rythme dans le montage qui a créé « un dynamisme intérieur au film, essentiel dans un huis clos. Aussi, le choix de garder la caméra dans la chambre avec Farid et de n’entendre que la voix de Rawad en hors-champ, souligne le fait que Farid “ne voit pas son fils”, comme les spectateurs, et me permet de me focaliser davantage sur le ressenti de Farid vis-à-vis de son absence », ajoute Ribal Chedid. Poursuivant aujourd’hui un master en études cinématographiques à l’Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne, tout en travaillant comme monteur vidéo en freelance, le Libanais souhaite lancer sa carrière professionnelle en tant que cinéaste, et prépare déjà son 2nd court-métrage. « Mon travail aura toujours un rapport avec mon vécu et mes origines libanaises, même s’il est produit en France », avoue-t-il. En attendant, le parcours de Talk to me est loin d’être terminé. Son auteur continuera la tournée de festivals, en Europe, en 2023, aspirant à de potentielles collaborations.
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