Le World Socialist Web Site a reçu des lettres d’enseignants de tout le Canada exprimant leur solidarité avec la grève des travailleurs de soutien à l’éducation en Ontario. Vendredi, plus de 60.000 concierges, assistants d’éducation, éducateurs de la petite enfance et membres du personnel administratif ont débrayé pour protester contre une loi draconienne anti-grève imposée par le gouvernement Ford ultraconservateur de l’Ontario et pour exiger des augmentations de salaire à la hauteur de l’inflation.
Les lettres ont été écrites avant que le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) ne sabote la grève lundi sans avoir obtenu aucune des revendications salariales et sociales des travailleurs, après que le premier ministre Doug Ford ait promis d’annuler l’interdiction de la grève et de reprendre le processus de négociation collective. Après avoir obtenu le «droit» des bureaucrates syndicaux de négocier la trahison des revendications avec Ford, le SCFP a réussi à ordonner le retour au travail de tout le personnel de soutien mardi sans même un vote des membres.
Les lettres soulignent le fait que les travailleurs de l’éducation bénéficient d’un soutien massif parmi les enseignants et la classe ouvrière en général, ce qui est précisément la raison pour laquelle le SCFP a annulé la grève. La bureaucratie syndicale était terrifiée à l’idée que la grève aurait pu déclencher une grève générale qui aurait échappé au contrôle de l’appareil syndical et fait tomber le gouvernement Ford.
Nous encourageons tous les travailleurs de l’éducation à contacter le Comité de base des travailleurs de l’éducation de l’Ontario à l’adresse ontedrfc@gmail.com afin de renforcer l’opposition au sabordage de la grève par le SCFP et de se préparer à voter contre l’accord de capitulation que les représentants du SCFP vont concocter avec Ford à la table de négociation.
***
Chers collègues travailleurs de l’éducation,
En tant qu’enseignant, travailleur de l’éducation et membre du Comité de base des travailleurs de l’éducation de l’Ontario, je condamne absolument la stratégie de faillite politique des syndicats d’enseignants qui consiste à forcer leurs membres à jouer le rôle de briseurs de grève contre leurs collègues du SCFP qui luttent contre les attaques du gouvernement Ford contre l’éducation publique et les travailleurs de l’éducation publique. Le prétexte bidon selon lequel les enseignants ont une «obligation contractuelle» de se présenter au travail est une sale trahison de tous les travailleurs et de leurs familles, qui dépendent de l’éducation publique. Le fait que les enseignants travaillent également sans contrat depuis le 1er septembre et que le contrat du personnel de soutien à l’éducation du SCFP créera un précédent pour la négociation type dans l’ensemble de l’industrie révèle l’hypocrisie de la bureaucratie qui tente d’étouffer toute opposition politique et sociale indépendante à la contre-révolution sociale menée par l’élite capitaliste dirigeante du monde entier, dont le gouvernement Ford n’est qu’une manifestation.
Les enseignants doivent rejeter cette trahison de leurs intérêts de classe et lancer des grèves de solidarité pour galvaniser la lutte de leurs collègues et transformer cette courageuse action de grève en fer de lance d’un mouvement de masse de la classe ouvrière pour renverser les décennies d’attaques contre l’éducation publique, les soins de santé et la position sociale de la classe ouvrière dans son ensemble, en Ontario, au Canada et dans le monde. Afin de développer une stratégie gagnante pour guider cette lutte, j’appelle mes collègues travailleurs de l’éducation à développer leurs propres comités de base dans chaque école et lieu de travail pour prendre en main la conduite de la lutte et empêcher les syndicats de mener ce premier front dans la guerre de classe vers la défaite aux mains du gouvernement Ford et de l’appareil répressif de l’État. Les travailleurs doivent au contraire se tourner vers leurs frères et sœurs de classe dans tous les secteurs, des travailleurs des transports en commun de Go qui s’apprêtent à faire grève lundi aux infirmières surchargées par des systèmes de santé sous-financés qui ploient sous le poids de la pandémie, en passant par les travailleurs de l’acier, du rail et de l’automobile qui peinent dans des conditions dangereuses et qui ont également vu leurs salaires engloutis par une inflation galopante.
Ce mouvement de masse doit s’organiser indépendamment de tous les grands partis capitalistes et des bureaucraties syndicales dans la perspective de mobiliser l’ensemble de la classe ouvrière autour des revendications socialistes et de l’appel à la grève générale pour faire tomber le gouvernement Ford et se lier aux travailleurs à l’échelle internationale pour transformer la société afin de répondre aux besoins des travailleurs et non aux profits d’une oligarchie capitaliste parasitaire.
En solidarité,
Jake
***
Ken, un enseignant de la région de York,
Je suis un enseignant du secondaire qui travaille dans un bâtiment qui compte plus de mille étudiants et membres du personnel. Mon école ne peut pas fonctionner sans nos aides-enseignants et notre personnel d’entretien. Mon lieu de travail est une institution importante qui sert notre communauté. En observant le déroulement de la grève des travailleurs de l’éducation en Ontario, je suis rempli d’incrédulité et de dégoût. Nous parlons beaucoup de justice sociale, de soutien mutuel et d’ancrage de notre travail dans l’entraide. Ces principes fondamentaux sont gravés sur tous les murs de mon immeuble. J’ai honte de dire qu’en ce moment, ces mots et ces principes sonnent creux dans mon syndicat.
Alors que mes frères et sœurs du SCFP sont diffamés et que leur grève est criminalisée par le gouvernement de droite de Doug Ford, la FEESO refuse de se joindre à la lutte et de nous permettre de débrayer en solidarité. Pire encore, nous sommes sur le point de nous mettre à dos nos confrères et consœurs en commençant l’enseignement synchrone en ligne dès mardi. Nous ne sommes pas actuellement sous contrat pour enseigner à distance. Nous n’avons aucune obligation de saper la grève du SCFP en organisant des cours en ligne. Comment allons-nous regarder nos frères et sœurs dans les yeux après avoir trahi leur lutte? C’est une erreur à bien des égards.
Doug Ford et son ministre de l’Éducation Stephen Lecce ont piétiné la convention collective en criminalisant la grève du SCFP et en invoquant la clause dérogatoire. Il ne devrait plus y avoir de négociations avec Queen’s Park. Le gouvernement a jeté les gants et menace d’imposer des amendes allant jusqu’à 4000 $ par jour à des travailleurs qui gagnent 39.000 $ par an. Cette situation est devenue une crise politique et une situation critique pour les familles de l’Ontario. La gravité de la situation doit être comprise par tous. Les travailleurs de l’éducation ne peuvent pas perdre ce combat.
Le SCFP est le premier. Viennent ensuite la FEEO (Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario), la FEESO (Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario) et l’OECTA (Ontario English Catholic Teachers Association). Lorsque le gouvernement aura fini d’imposer de sévères contrats de réduction des salaires aux travailleurs de l’éducation, il passera aux soins de santé, puis aux travailleurs du secteur privé. Aucune grève ne sera autorisée. Les salaires seront réduits pour tous les travailleurs, et tout le monde prendra encore plus de retard à mesure que la hausse des prix du carburant, des aliments et du coût de la vie rendra la vie plus difficile à la classe ouvrière de l’Ontario.
Les conservateurs, et tous les partis politiques d’ailleurs, n’ont absolument aucun respect pour la négociation collective ou le bien-être de quiconque dans le domaine de l’éducation, malgré leur rhétorique de faire passer les étudiants en premier. C’est ce même gouvernement qui continue à nous forcer à travailler chaque jour dans des écoles infestées de COVID. Combien de nos collègues et d’étudiants sont continuellement malades sans que l’on puisse en voir la fin? Les syndicats sont complices de cette politique d’infection massive depuis le premier jour.
Allons-nous vraiment attendre notre tour pour plier le genou devant un gouvernement qui n’a pratiquement aucun soutien populaire et qui représente un danger immédiat pour tous les travailleurs? Moins de 18 % de tous les électeurs admissibles ont choisi les conservateurs lors des dernières élections. Toutes leurs fanfaronnades et leurs menaces proviennent d’une position de faiblesse. Nous devrions tous être dans la rue et refuser de retourner au travail jusqu’à ce que ce gouvernement réactionnaire soit brisé et renversé, point final!
Les enseignants sont solidaires du SCFP par principe. J’ose dire que la majorité veut se joindre à la lutte! Les médias sociaux sont enflammés par les travailleurs de la base qui exigent que leurs syndicats fassent plus. Pourtant, il semble que la bureaucratie syndicale tente délibérément de freiner le désir de ses membres de se joindre à la lutte en insistant sur le fait que cela serait illégal et que nos carrières pourraient être en danger si nous le faisions.
Je n’accepte pas du tout cette logique. Dans ces circonstances extraordinaires où le droit d’un travailleur de retenir son travail est criminalisé, les travailleurs n’ont d’autre choix que de se battre bec et ongles. À un moment donné de l’histoire, il était illégal de considérer une femme comme une personne. Le mariage entre personnes de même sexe était illégal. Une personne de couleur enfreignait la loi en buvant à la mauvaise fontaine. Lorsque les lois sont injustes, elles doivent être enfreintes. L’histoire est riche en exemples de ceux qui se sont placés du côté du droit et de ceux qui ont cherché à maintenir le statu quo. Les travailleurs de l’éducation qui luttent pour leurs droits et libertés fondamentaux sont du bon côté de l’histoire. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et assister en toute conscience à la criminalisation brutale des travailleurs du SCFP par le gouvernement de droite de Doug Ford. Nous devons agir.
Pour tous les travailleurs de l’éducation en Ontario, le moment est venu de s’unir à nos frères et sœurs du SCFP. Nous devons nous libérer du système de négociation collective qui nous est défavorable, écarter les bureaucrates syndicaux qui refusent de se joindre à la grève et serrer les rangs avec tous les travailleurs de l’éducation en Ontario. Nous sommes les seuls à avoir le pouvoir de changer notre situation et de mettre fin aux attaques sans précédent qui criminalisent le droit de grève des travailleurs. En formant nos propres comités de travailleurs de l’éducation, de nouvelles organisations de lutte qui refusent d’être divisées par la commission scolaire et le titre du poste, nous honorerons le sens de la solidarité ouvrière. Ce n’est que de cette manière que les principes fondamentaux de justice, d’entraide et de soutien mutuel inscrits sur les murs de chaque école deviendront réalité pour les travailleurs de l’éducation.
***
Solidarité de la Colombie britannique !
Les travailleurs du monde entier regardent nos sœurs et frères de classe en Ontario mener leur lutte contre les pouvoirs de la réaction capitaliste. Les bureaucrates syndicaux préparent le terrain pour une capitulation lâche. Leur seule préoccupation est la préservation de la convention collective. À cette fin, ils sacrifieront tous les intérêts de la classe ouvrière, y compris des lieux de travail sûrs et des salaires qui correspondent au moins au coût de l’inflation.
Malgré le fait que le gouvernement Ford ait signalé son intention d’abandonner unilatéralement le processus de négociation collective, le comportement des bureaucrates révèle leurs véritables craintes: un abandon de la convention collective par la classe ouvrière. C’est ce qui explique leur refus d’appeler à des grèves de solidarité.
Nous ne pouvons pas perdre un instant à faire appel aux autorités capitalistes, quelles qu’elles soient, y compris le NPD et les partis libéraux. Ils font de l’esbroufe et du théâtre en période de conflit de classe aigu, mais se rangent toujours du côté de la préservation du système économique lucratif et des capitalistes. Notre appel doit être dirigé vers les autres travailleurs. Les travailleurs constituent une classe, avec des intérêts communs. Nous sommes parfaitement capables de faire entendre et d’exprimer nos intérêts, mais il nous manque le véhicule politique. Ce véhicule, à l’avenir, doit être la création de comités de la base dans tout le pays. Ces comités, formés dans les bureaux et les ateliers, sont de nouveaux organes du pouvoir ouvrier, des organisations de travailleurs par des travailleurs. Ils remplaceront la bureaucratie syndicale décrépite et chancelante, les institutions liées à l’État-nation capitaliste, et donneront une expression à nos espoirs de paix et de prospérité et traceront le chemin de la victoire.
Malcolm
***
Will, un enseignant de Colombie-Britannique:
Invoquer la clause dérogatoire contre nos frères et sœurs du SCFP en Ontario est une attaque contre tous les travailleurs. En tant qu’enseignant de la Colombie-Britannique, je soutiens leur lutte pour obtenir ce dont ils ont besoin et j’appuierais une grève générale.
(Article paru en anglais le 9 novembre 2022)
https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions