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Dernier directeur du cabinet du président PS de la région Languedoc-Roussillon, Frédéric Bort devient le plus proche collaborateur du maire RN de Perpignan.
Temps de lecture : 5 min
« Le grand », comme on surnommait Georges Frêche, l’appelait avec affection « mon fils ». Impossible de savoir ce que l’ancien président de Languedoc-Roussillon, décédé en 2010, aurait pensé en voyant son directeur de cabinet bien-aimé diriger, douze ans plus tard, celui d’une figure du Rassemblement national. Mais les derniers fréchistes se disent « tristes », ou « choqués ». Frédéric Bort, 44 ans, vient de prendre ses fonctions de directeur de cabinet de la ville de Perpignan, 120 000 habitants, 4e ville d’Occitanie, et la plus grande ville de France conquise par le RN aux élections municipales de 2020.
Bort, visiblement ravi d’avoir retrouvé son poste de prédilection, assure ne voir que des « similitudes » entre l’ancien maire PS de Montpellier et son nouveau patron : « Ce sont tous les deux des universitaires, ils ont un background intellectuel proche, que je partage aussi. Et ils ont le même souci de la défense du peuple, des catégories sociales les plus populaires. »
Devenir le bras droit d’un ténor de l’extrême droite française n’a pas posé de problème particulier à cet ancien militant socialiste. Le Rubicon avait déjà été franchi, en mai 2021. Pour les élections régionales, Marine Le Pen affiche alors ses ralliés, transfuges venus de la gauche ou de la droite, le plus souvent des personnalités isolées en rupture de ban. En Occitanie, le magistrat Jean-Paul Garraud, tête de liste régionale, et Louis Aliot, persuadent Frédéric Bort de mener la liste du RN dans l’Hérault.
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« La clé de lecture du clivage gauche-droite n’est plus opérationnelle », se justifie le nouveau converti. Qui dit défendre, comme Georges Frêche, « la voix du peuple contre les élites ». « Georges Frêche, fils de résistant et d’une institutrice laïque, s’est battu toute sa vie contre l’extrême droite », cingle sa veuve, Claudine Frêche. « Je savais qu’il en avait assez de tourner en rond. Mais je n’aurais jamais cru qu’il franchirait cette ligne jaune », soupire un des amis de Bort. Un autre, plus compréhensif, l’explique par « son addiction vraie et saine à la politique ».
L’élite, Frédéric Bort en maîtrise le langage et les codes, mais ses origines sont plus modestes. Son père était viticulteur, président de la cave coopérative de son village, près de Lunel, dans l’Hérault, et sa mère femme au foyer. « J’étais boursier, et le premier de ma famille à faire des études supérieures. » C’est pendant ses études de droit et de sciences politiques que sa carrière décolle.
« Il était dans la même section du PS que mon épouse », raconte François Delacroix, autre ancien proche collaborateur de Georges Frêche. Séduit par « les analyses politiques sérieuses, construites et intelligentes » du jeune Bort, Delacroix le présente au président du conseil départemental des Pyrénées-Orientales, le socialiste Christian Bourquin, qui l’embauche, à 24 ans, comme directeur de cabinet. 11 mois plus tard, Frêche l’adopte. « Il le considérait comme quelqu’un à qui était promise une belle carrière politique », se souvient Delacroix.
À l’agglo de Montpellier puis à la région, le jeune dircab s’épanouit dans l’ombre de l’« Imperator ». Dans le documentaire Le Président, consacré par Yves Jeuland à la dernière campagne de Frêche, Bort vole presque la vedette à son boss dans une scène d’anthologie :
« Il faut mentir, sortir des chiffres avec de l’aplomb, dire que vous avez fait le double », lance sans complexe le jeune dircab aux candidats pro-Frêche. « En période électorale, n’importe quoi peut se dire et peut être accrédité de la même manière, alors même que c’est faux. » Frêche est triomphalement réélu. Quelques mois plus tard, « le grand » décède subitement. Son dircab est brutalement remercié.
Il rebondit un temps comme directeur de cabinet du maire PS de Narbonne, Jacques Bascou. Mais son ascension est terminée. Frêche lui avait promis une investiture aux législatives de 2012. Il voit d’autres que lui surfer sur la vague rose qui suit l’élection de François Hollande. En 2017, on le retrouve dans les rangs d’En marche. Mais encore une fois, l’investiture lui échappe. « Il en voulait à la terre entière », raconte un de ses amis. Il se présente en dissident : 2,91 %.
Bort travaille un temps dans le privé, gère le domaine viticole familial. « Pendant ma traversée du désert, on ne m’a pas apporté beaucoup d’eau », dit-il, amer. En 2020, il s’active pour rapprocher le milliardaire Altrad de LREM – sans succès –, dispense ses conseils au candidat La République en marche aux élections municipales de 2020 à Montpellier, Patrick Vignal – qui fera moins de 5 % –, et soutient un temps le maire sortant divers droite de Lunel, candidat à sa réélection, en appelant à ne pas « livrer la ville au Rassemblement national ».
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Un an plus tard, il passe au RN, dont il prend la direction dans l’Hérault. En juin 2022, il affronte son ancien camarade Vignal, dans sa circonscription de Montpellier-Lunel. Le candidat RN pilonne le bilan du sortant, « proche de zéro », ses « chemises à fleurs », et son « record d’absentéisme ». Résultat : Vignal est réélu député, Bort sèchement battu au premier tour. Fini la lumière, le revoici à Perpignan dans son rôle favori, dans l’ombre d’un élu d’envergure, au possible destin régional ou national.
Pour son ami l’avocat Alain Scheuer, Bort et Aliot « sont tous les deux des hommes de centre droit. Ils sont différents, mais complémentaires, comme l’huile et le vinaigre ». « Le RN trouve en lui une compétence incontestable, reconnaît le politologue Emmanuel Négrier. Et comme il est tricard partout, il est parfaitement contrôlable. » « Ma vocation, c’est d’être silencieux, et d’aider le maire à s’exprimer », sourit le dircab. Avant de se lancer dans une brillante analyse, en off, sur le positionnement de son nouveau patron et les rapports de force au sein du RN. Aucun doute : le conseiller est de retour.
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Personne de réfléchi ne va dans la région suivre les ambitions de Carole Delga, aussi écervelée qu’ignorante, que Frêche avait placée comme gadget de devanture.
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