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Comment manager l'hypersensibilité ? – Focus RH

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Un atout pour l'entreprise… ou un enfer potentiel pour les premiers concernés ! Sophie Clergue, fondatrice d’Amescience (executive coaching et e-coaching) explique les tenants et aboutissants de l'hypersensibilité au travail.
Étant moi-même dans l’hyperempathie, j’entends parfaitement le scepticisme autour de la notion d’hypersensibilité. Je ne suis d’ailleurs pas fan de ce terme, qui évoque l’idée d’un “trop”, de quelque chose de “hors norme”. Or, on estime que les hypersensibles représentent entre 20% et 30% de la population. Ce n’est donc ni une maladie ni un trouble de la personnalité, mais un ensemble de caractéristiques qui touchent près de 17 millions de Français, à des degrés divers. Est-ce que c’est une mode ? Oui. Pour le meilleur et pour le pire. Aujourd’hui, on en parle et c’est un soulagement pour les hypersensibles qui étaient en souffrance. Mais cela agace tous ceux qui ne sont pas concernés.
C’est une capacité accrue à capter des informations de différentes natures, émotionnelles, sensorielles, parfois intellectuelles (associé à un QI élevé, c’est le cas des hauts potentiels intellectuels ou HPI, qui représentent 2% de la population). Les hypersensibles savent à la fois percevoir les détails et avoir une vision globale et rapide des choses. Ils sont perfectionnistes, ressentent les émotions des autres, peuvent se plier en quatre pour aider leur entourage ou se faire accepter, au risque de s’oublier. Cette aptitude amplifiée se greffe sur l’éducation et le caractère des individus, c’est pourquoi elle est polymorphe. L’hypersensibilité n’est pas un problème en soi. Mais elle peut le devenir dans un environnement hyposensible, par exemple dans une famille où l’on ne sait pas accueillir les émotions.
On a tendance à penser depuis longtemps qu’hypersensibilité et performance sont incompatibles. Mais on peut être très efficace en étant hypersensible et hyperempathique. Il faut considérer cette population un peu comme des sprinters : s’ils ont les moyens et les ressources pour mener à bien les projets qui leur sont confiés, ils sont capables de surperformer. Dans le cas contraire, ils sont saturés d’informations et peuvent développer un sentiment d’impuissance. Ce sont un peu des idéalistes. Qui ont aussi besoin, comme tout sprinter, de temps de repos. Tandis que l’entreprise, elle, fonctionne plutôt en mode marathon… quand elle n’enchaîne pas les sprints !
Ils vivent et réagissent de manière plus intense. S’ils sont capables d’afficher des performances supérieures à la moyenne, ils peuvent aussi être davantage sujets aux risques psychosociaux, ce que j’appelle les “BADS” : le Burn et le bore-out, l’Anxiété (fréquente lorsqu’on leur met la pression ou qu’on leur envoie de l’agressivité, par exemple), la Dépression… et cela peut aller jusqu’au Suicide. Pour moi, le principal écueil tient à une sérieuse lacune de compétences de l’entreprise sur le créneau des émotions. Les managers, qui ont parfois du mal à gérer leurs propres émotions, ne savent pas gérer celles de leurs collaborateurs. Et parce qu’on pense qu’elles relèvent de l’intangible – ce qui fait peur –, on a tout simplement évacué le sujet. Seuls comptent les faits et les vérités scientifiques. Pourtant, les émotions sont bel et bien tangibles : elles participent de notre humanité, même si on est capable de les maîtriser. Le problème est que les organisations confondent souvent salariés et ressources : elles pilotent les équipes par la carotte et le bâton, ce qui ne convient pas du tout aux hypersensibles. Les salariés ne sont pas des ressources, mais des femmes et des hommes dans leur intégralité.
La “spécificité”, au sens large, est de plus en plus prise en compte aujourd’hui, et les grandes entreprises sont concernées par l’optimisation du management. Je pense cependant que les employeurs n’ont pas encore pris conscience des leviers de performance, mais aussi des risques liés au management des hypersensibles. Durant les confinements, j’ai proposé des conférences d’information gratuites sur le sujet, suivies par quelque 16 000 participants. En 2021, j’ai fondé le Club des Hypersensibles et monté, début janvier, un “sous-club” dédié aux hypersensibles au travail, qui sera lancé officiellement le 14 juin et qui compte déjà 65 membres. Je suis convaincue que, bien accompagnés, les hypersensibles peuvent apprendre à déployer leur puissance intérieure et leur leadership pour décider de la vie qu’ils vont mener, tout en ayant un meilleur impact sur les autres.
Propos recueillis par Hélène Truffaut
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