Ajouter RFI à votre écran d'accueil
© 2023 Copyright RFI – Tous droits réservés. RFI n'est pas responsable des contenus provenant de sites Internet externes. Fréquentation certifiée par l'ACPM/OJD.
Publié le :
Depuis le début de l’invasion russe, le gouvernement et les citoyens Taïwanais se mobilisent pour soutenir l’Ukraine. Avec en toile de fond, la crainte de connaître un sort similaire.
De notre correspondant à Taipeh,
Des bâtiments officiels décorés aux couleurs du drapeau ukrainien, un fonds de solidarité pour soutenir les réfugiés, et des manifestations de soutien hebdomadaires : à quelques 8 000 kilomètres de Kiev, les Ukrainiens peuvent compter depuis le début de l’invasion russe sur un soutien en apparence inattendu. « Les Taïwanais sont adorables avec moi, raconte avec émotion Daria Zheng, ressortissante ukrainienne installée à Taïwan depuis six ans. Dans le taxi ou au restaurant, les commerçants refusent que je paye dès qu’ils apprennent que je suis Ukrainienne ! Ils sont vraiment à fond derrière nous ».
Cette solidarité lointaine n’est pas un hasard. Archipel démocratique et souverain situé à 200km des côtes chinoises, Taïwan est sous la menace permanente de son puissant voisin. La Chine, qui s’arroge des droits historiques sur l’archipel, a depuis deux ans joint le geste à la parole en envoyant régulièrement ses avions militaires patrouiller dans la zone identification aérienne taïwanaise.
13 PLA aircraft (Y-8 EW, J-16*5 and J-10*7) entered #Taiwan’s southwest ADIZ on March 14, 2022. Please check our official website for more information: https://t.co/Eko8YrqfWS pic.twitter.com/OREpvh1WjP
« Les Taïwanais voient leurs craintes les plus profondes se concrétiser en Ukraine, analyse Zsuzsa Anna Ferenczy, chercheuse post-doctorante basée à Taipei et ancienne conseillère au Parlement européen. Je crois que cet élan de solidarité est aussi un moyen pour eux d’exprimer cette peur, en se mobilisant face à une situation qu’ils cherchent également à éviter ».
Pour canaliser cette volonté d’aider, le gouvernement taïwanais a mis sur pied un fonds de donation, lequel a récolté à ce jour près de 14 millions d’euros. « Il y a aussi des milliers de dons en nature, c’est très touchant », ajoute Daria, qui a aidé à empaqueter les colis dans les sous-sols du ministère, et dont la mère et le jeune frère sont réfugiés en Pologne.
I'm immensely proud of how the #Taiwanese people have supported #Ukraine, having so far donated over NT$600 million along with many critical supplies. We #StandWithUkraine in solidarity as its people fight to protect their freedom & way of life. pic.twitter.com/N3EPXag2kr
« En tant que Taïwanais, je ressens de l’empathie face à ce qu’il se passe en Ukraine. Nous sommes aussi un petit pays face à une grande puissance menaçante, explique l’homme d’affaires taïwanais Koo Kwang-ming. Ce militant indépendantiste de 95 ans a versé près d’un million d’euros à la cagnotte du ministère, ce qui en fait le plus grand donateur taïwanais : « Les petits pays ont des ressources limitées, ils ont besoin du soutien de la communauté internationale ».
Car les Taïwanais espèrent aussi que cette solidarité internationale contribue à terme à contenir les ambitions territoriales chinoises. Le gouvernement s’est empressé de suivre le train des sanctions économiques contre la Russie et condamne sans relâche l’agression russe. « Si un consensus international se forme pour aider les petits pays face aux invasions des puissances autoritaires, alors cela nous sera aussi bénéfique », assure Koo Kwang-Ming.
On Holocaust Remembrance Day in Taiwan, we remembered the victims of this tragedy & reminded ourselves how important it is to confront authoritarianism, wherever it may be. #Taiwan stands with #Ukraine & our friends worldwide in the name of freedom & democracy. pic.twitter.com/OAnCBkPInF
Les fonds collectés par le gouvernement serviront d’ailleurs aux pays européens frontaliers de l’Ukraine, déjà partenaires de Taipei. « Pendant la pandémie, la Pologne, la Slovaquie ou encore la République Tchèque se sont nettement rapprochés de Taïwan, note la chercheuse Zsuzsa Anna Ferenczy. Le fait de soutenir aujourd’hui ces pays permet à Taïwan de maintenir ce momentum, et de démontrer sa capacité à s’unir aux démocraties face à l’autoritarisme ». Sans surprise, Pékin a immédiatement fustigé cet alignement des planètes, critiquant une tentative par Taipei de « profiter » de la crise pour avancer ses pions. « Cette solidarité internationale et ce niveau d’action inattendus sont évidemment une mauvaise nouvelle pour la Chine, analyse de son côté Zsuzsa Anna Ferenczy. Cela va forcément influencer les calculs de Pékin pour remettre en cause le statu quo dans le détroit de Taïwan ».
L’invasion russe reste un électrochoc pour Taipei. La présidente taïwanaise a certes refusé les comparaisons hâtives, mettant en exergue l’« importance géostratégique » de Taiwan – l’archipel est par exemple le premier producteur mondial de puces électroniques. Mais au sein de la population, l’absence d’intervention militaire étrangère en Ukraine fait réfléchir.
« Si la Chine nous envahit, on doit s’attendre au même type de réactions internationales qu’avec l’Ukraine, note le militant Koo Kwang-ming. Cela doit nous faire comprendre que nous devons être en mesure de nous défendre seuls, et que la mobilisation de l’ensemble de la population est nécessaire pour résister à l’agression d’une grande puissance ».
Consciente de ces craintes, la présidente taïwanaise a, dans la foulée de l’invasion russe, endossé son costume de cheffe des armées, annonçant par exemple le doublement du temps d’entraînement des réservistes. « L’exemple de la résistance ukrainienne va fournir un argument de poids à tous ceux qui encouragent l’armée taïwanaise à engager des réformes structurelles. Notamment pour renforcer le rôle de la réserve militaire dans la défense de l’île », observe Hugo Tierny, doctorant basé à Taipei et spécialiste des relations entre la Chine et Taiwan. Autant de réformes qui, en plus des sanctions internationales, contribueront à augmenter le coût d’une invasion pour Pékin. « Les Taïwanais sont très impressionnés par notre esprit de défense, note la jeune ukrainienne Daria Zheng. Mais je ressens cette même solidarité chez eux. Comme nous, ils connaissent le prix de la liberté et savent à quel point c’est précieux de pouvoir décider seuls de leur destin ».
► À lire aussi : Guerre en Ukraine : comment se positionne la Chine, alliée de la Russie ?
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI
Année du lapin: les Chinois rêvent d’ouverture et de douceur
Taïwan: des simulations montrent l’ampleur de la catastrophe en cas d’invasion chinoise
Covid-19: bas les masques dans les espaces intérieurs en Corée du Sud
Nouvel An lunaire en Chine: les voyageurs heureux de repartir en famille malgré l’épidémie
Pakistan: une nouvelle assemblée régionale dissoute par Imran Khan
Nouvelle-Zélande: la Première ministre Jacinda Ardern annonce sa démission, faute d'«énergie»
Catastrophe de Fukushima: la justice confirme l'acquittement d'anciens dirigeants de Tepco
Australie: le racisme envers les aborigènes au cœur du procès sur le meurtre d'un adolescent
Australie: les hélicoptères européens «Taipan» seront remplacés par du matériel américain
Corée du Sud: perquisition des locaux d'un syndicat pour liens présumés avec la Corée du Nord
Philippines: la Nobel de la paix Maria Ressa acquittée d'évasion fiscale
Afghanistan: certaines ONG reprennent partiellement leurs activités en employant des femmes
Population chinoise en baisse: «Un échec de la politique démographique de Pékin»
Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.