https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions
Antoine, ingénieur d’exploitation dans une entreprise de l’énergie. Malgré ses compétences et ses résultats, ce n’est pas Antoine que son chef a choisi pour le poste qu’il briguait depuis plusieurs mois. Ce que le technicien a du mal à comprendre.
Pour ses collègues, Antoine est d’abord un très bon technicien. Ingénieur d’exploitation dans une entreprise de l’énergie, il a une connaissance fine du process de production qu’il supervise. S’il aime son travail, il éprouve une certaine insatisfaction sans très bien savoir ce qui cloche. Bien sûr, il y a cette promotion que son chef de service lui a refusée il y a quelques semaines. Il en aurait presque pleuré. Cela faisait des mois qu’il s’était investi pour montrer qu’il était à la hauteur, participant à de multiples réunions, alors que nombre d’entre elles constituent à ses yeux une perte de temps.
Il se sent d’ailleurs souvent à côté de la plaque, comme lorsque son collègue Julien lui a glissé en sortant du briefing entre les différents services : “Dis donc, c’était chaud aujourd’hui !” Lui n’avait perçu aucune tension. Si Antoine n’a rien dit à son chef concernant la promotion, il n’en a pas moins l’impression que sa déception le ronge. Il s’est même énervé après Julien qui lui avait juste emprunté un crayon !
>> A lire aussi – Comment identifier et cultiver ses compétences humaines au boulot
Avec son équipe, les choses se passent heureusement sans accrocs mais sans grand enthousiasme non plus. Il accorde beaucoup d’importance à prendre le temps d’expliquer ses objectifs à chaque collaborateur mais il n’est pas toujours entendu. Hier encore, alors qu’il passait voir Audrey afin de lui donner la marche à suivre pour préparer un changement de logiciel, elle n’a pas semblé réceptive, ne faisant que ramener la discussion à ses difficultés avec un autre collègue. Ce n’était pourtant pas le sujet ! De toute façon, Antoine évite autant que possible d’intervenir dans ce genre de conflit. Alors il a répété à Audrey ce qu’elle avait à faire.
D’ailleurs, quand il y réfléchit, cette stratégie de changement de logiciel, il a le sentiment de la porter seul. Elle a pourtant été décidée à l’occasion d’un brainstorming avec toute l’équipe, au cours duquel il avait clairement exposé les contraintes techniques conduisant selon lui à procéder de cette façon. Les autres n’avaient pas proposé grand-chose. Il se sent le seul intéressé par la question alors qu’elle devrait concerner tout le monde. Interrogé par sa femme ou ses amis sur la manière dont les choses se passent au boulot, il résume souvent la situation d’un laconique “Je suis stressé”. Mais depuis qu’on a choisi un autre que lui pour le poste qu’il convoitait, il n’a même plus envie de sortir. Hier encore, il a manqué son entraînement de rugby.
* Le prénom a été modifié.
“Antoine doit admettre que les émotions ont toute leur place au travail et dans son rôle de manager. Que ses compétences techniques ne suffisent pas.” Nos experts sont unanimes : les difficultés rencontrées par Antoine relèvent pour beaucoup de ce que les chercheurs appellent l’intelligence émotionnelle. Ce concept né au milieu des années 1990, popularisé par le psychologue Daniel Goleman, désigne la capacité à réguler ses émotions et celles des autres, à les distinguer et à utiliser ces informations pour guider sa pensée et ses actions. “C’est le fait de capter les informations émotionnelles et d’analyser leurs déclencheurs, puis de penser l’émotion – son intensité, ses risques et ses vertus – pour ensuite la transformer”, résume Lisa Bellinghausen, docteure en psychologie.
>> A lire aussi – Les émotions, nouvel atout du manager
Pour un cartésien comme Antoine, la difficulté est déjà d’admettre que les émotions ont un rôle à jouer au travail. “Le leadership par exemple ne se décrète pas. Le fait de réussir à embarquer son équipe, cela repose sur de l’émotion”, illustre Lucie Lauras, coach et responsable du Centre de l’intelligence émotionnelle. Si l’ingénieur a l’impression que la stratégie liée au changement de logiciel qu’il a décidée ne suscite pas d’adhésion, c’est peut-être parce qu’il n’a pas su détecter la peur que cette évolution suscite dans son équipe. “On peut prendre de très bonnes décisions opérationnelles, mais les collaborateurs ne les valident pas parce qu’on n’a pas pris en compte leur impact émotionnel”, explique la spécialiste. L’intelligence émotionnelle se manifestant notamment à travers des compétences clés comme l’écoute ou l’empathie…
La capacité à identifier, à comprendre et à exprimer ses propres émotions est à la base de l’intelligence émotionnelle. Lorsqu’il résume son ressenti d’un simple “Je suis stressé”, Antoine peine sans doute à trouver les mots adéquats. Le refus de sa promotion a beau l’avoir ému, il ne parvient pas à sonder ce qu’il ressent face à cette décision qu’il trouve injuste : tristesse? Déception? Colère? C’est en identifiant avec précision son émotion qu’Antoine pourra se positionner, souligne Christelle Le Gallo, coach spécialisée dans les émotions : “Comprendre une émotion permet de ne pas se faire marcher sur les pieds et de défendre son territoire”, rappelle-t-elle. Le tout est de la comprendre et de trouver le juste dosage dans son expression.
>> A lire aussi – Un chef peut-il partager ses émotions avec ses équipes ?
Antoine ne gère pas ses émotions au mieux puisqu’il commence par les taire. “La colère est dysfonctionnelle quand elle est de grande ampleur et qu’elle est une réaction à un petit élément déclencheur”, précise Sophie Morin, psychologue du travail et auteure de “Mieux vivre au travail. S’affirmer et réguler ses émotions” (Odile Jacob). Illustration lorsque Antoine s’énerve parce que son collègue lui pique un stylo… “Il a accumulé de la frustration sans rien dire et craque donc pour un motif en apparence ridicule et face au mauvais interlocuteur.”
Faire preuve d’intelligence émotionnelle serait ici pour Antoine d’abord de reconnaître sa colère et de comprendre son origine. Peut-être un besoin de reconnaissance insatisfait ? Puis de s’en servir. “Cela peut consister à aller voir son chef pour expliquer qu’il pense mériter cette promotion, en maîtrisant sa colère pour que son discours demeure audible. Son chef lui donnera raison ou non, mais au moins Antoine se sera positionné”, conseille Christelle Le Gallo.
>> Notre service – Trouvez la formation professionnelle qui dopera ou réorientera votre carrière grâce à notre moteur de recherche spécialisé (Commercial, Management, Gestion de projet, Langues, Santé …) et entrez en contact avec un conseiller pour vous guider dans votre choix.
L’ingénieur peine aussi à reconnaître et à tenir compte de l’état émotionnel des autres. En témoigne le fait qu’il ait été imperméable à la mauvaise ambiance du briefing. Idem lorsqu’il s’entête à répéter ses consignes à Audrey au lieu d’entendre ce qu’elle dit. “L’écoute, c’est essayer de comprendre le message qui nous arrive et se lancer dans une forme d’investigation pour aider son interlocuteur à exprimer ses besoins”, explique Selim Saadi, CEO de Nape Culture & Agility, spécialiste du développement des soft skills. Dans l’idéal, cette compétence va de pair avec l’assertivité, à savoir le fait d’exprimer son besoin, de faire part de son point de vue, dans le respect et la bienveillance, sans écraser les autres.
Là encore Antoine n’est pas très bon : au lieu d’écouter, il essaie de convaincre à tout prix avec des arguments purement rationnels. “Si les idées n’ont pas fusé lors du brainstorming avec son équipe, c’est sans doute parce qu’il a présenté les contraintes techniques comme incontournables, ne laissant aucune place à l’expression d’autres demandes”, reprend le coach. Dans ce moment d’échanges comme dans sa discussion avec Audrey, il aurait gagné à plus d’empathie. “L’IE consiste à faire passer de manière consciente et maîtrisée les besoins des autres avant les siens, et de les comprendre, détaille Selim Saadi. Rien à voir avec la sympathie, cette forme de compréhension intellectuelle ou de connexion émotionnelle, avec laquelle elle est souvent confondue.”
>> A lire aussi – Recrutement : les compétences humaines sont-elles devenues plus importantes que les savoir-faire ?
En dialoguant vraiment avec Audrey, en passant à une attitude d’écoute active, Antoine aurait pu voir son inquiétude ou encore sa jalousie vis-à-vis de son collègue. Il aurait pu ainsi la réconforter et la valoriser sans même avoir à lui donner de conseil. Mieux, peut-être aurait-il même compris ce dont sa collaboratrice avait réellement besoin. D’une oreille attentive ? De reconnaissance ? Et peut-être pas d’un énième argumentaire technique…
L’IE se démontre mais ne s’affiche pas, rétorquent les experts. Comment faire ?
A l’instar du QE Pro développé par les Drs Christophe Haag et Lisa Bellinghausen ou de l’EQi 2.0, utilisé par le Centre de l’intelligence émotionnelle, il existe des tests pour mesurer son quotient émotionnel. Certains candidats n’hésitent pas à afficher leur score sur leur CV. Ce n’est pas la manière la plus subtile et la plus convaincante de vendre son intelligence émotionnelle. “On ne peut pas affirmer en être doté, elle doit être incarnée”, résume Caroline Guichet, responsable sourcing et expérience candidat chez Emergences RH. Pour la spécialiste, l’intelligence émotionnelle se manifeste surtout dans la capacité d’un candidat à faire vivre une bonne “expérience recruteur” à son interlocuteur, à installer avec lui une véritable relation. “Des échanges par mail ou par téléphone à l’entretien en one to one, chaque étape d’un recrutement donne beaucoup d’indices sur la manière dont une personne interagit avec l’autre.”
>> Ce que la crise va changer (ou pas) dans votre job : c’est la Une du dernier numéro de Management. Accédez en quelques secondes à ce dossier en vous abonnant, à partir de 2,50 euros par mois, sur la boutique en ligne Prismashop
Lors d’un entretien, l’intelligence émotionnelle se démontre par le fait de répondre aux questions posées avec le degré de détails attendu par son interlocuteur et en s’adaptant à son rythme. Elle s’exprime aussi dans le fait de l’interroger sincèrement et directement sur l’entreprise ou le poste, plutôt que de poser des questions convenues. Il est également possible d’illustrer cette soft skill à l’aide d’exemples en racontant des anecdotes et situations dans lesquelles on en a fait preuve. Enfin, un bon QE permet normalement de gérer l’expression de son stress : trop fort, il peut paralyser, pas assez, le candidat semblera arrogant.
© Prisma Media – Groupe Vivendi 2022 Tous droits réservés
https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions