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Comment concilier trouble bipolaire et vie de couple ? – Santé Magazine

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Entretenir une relation de couple avec une personne atteinte de trouble bipolaire est particulièrement éprouvant. Si la maladie n’est pas correctement prise en charge, elle entraîne bien souvent la rupture. Explications du Dr Isabelle Secret-Bobolakis, psychiatre.
Sommaire
Les relations amoureuses sont rarement simples. Lorsque l’un des partenaires souffre d’un trouble psychiatrique, elles nécessitent d’autant plus de communication et de compromis pour durer dans le temps. Contrairement aux apparences, amour et bipolarité ne sont pas si incompatibles, à condition de respecter certains impératifs. Comment mener une vie de couple saine ? Le Dr Isabelle, psychiatre et secrétaire générale de la Fédération française de psychiatrie, nous éclaire. 
Le trouble bipolaire, autrefois appelé psychose maniaco-dépressive, est un trouble de l’humeur caractérisé par des phases de manie et de dépression, entrecoupées de phases de rémission (durant lesquelles l’humeur se stabilise et redevient “normale”). “Il faut le distinguer du trouble borderline : dans ce cas, les fluctuations de l’humeur sont nombreuses et se produisent au cours de la même journée. Tandis que dans la forme classique de trouble bipolaire, les phases de profonde dépression et d’excitation intense (manie) durent plusieurs semaines”, précise la psychiatre. Et d’indiquer :  
“Pendant les phases de dépression ou de manie, la vie émotionnelle et affective des patients est perturbée : soit elle est éteinte, soit elle est totalement exacerbée. De quoi compromettre sérieusement la qualité de vie des patients, qui sont plus susceptibles de développer des troubles anxieux, des addictions et des conduites suicidaires.”
La phase dépressive est marquée par une grande difficulté à ressentir du plaisir : l’anhédonie. “Le sentiment amoureux, le plaisir et la vie émotionnelle sont très fortement impactés. Les patient(e)s n’ont plus goût le goût de la vie et leur estime d’eux-même peut-être diminuée”, indique le Dr Isabelle Secret-Bobolakis. Ils ou elles peuvent présenter plusieurs de ces symptômes : 

  • une humeur dépressive ;
  • une perte d’intérêt ou de plaisir ;
  • une perte ou une augmentation de l’appétit ;
  • des insomnies ou, au contraire, une hypersomnie ;  
  • un ralentissement psychomoteur ;
  • une fatigue très importante (asthénie) ;
  • une perte d’estime d’eux-mêmes : 
  • un sentiment de culpabilité important ;
  • une indécision  majeure ;
  • des idées noires, des pulsions ou des idées suicidaires.

Le risque suicidaire est majeur pendant cette phase ! Si une personne bipolaire est déprimée et exprime des pensées suicidaires, il s’agit d’une urgence psychiatrique absolue : elle doit être protégée et hospitalisée, insiste la psychiatre. 
La phase maniaque est principalement caractérisée par une hyperactivité, une euphorie démesurées et des idées de grandeur. “Lors de ces phases, l’impulsivité et la désinhibition prennent le pas, ce qui favorise toutes sortes de passages à l’acte : notamment sur le plan sexuel, mais aussi sur le plan financier, au travers d’achats inconsidérés, par exemple”, prévient la professionnelle. L’entourage du (ou de la) malade peut aussi être confronté à une forme d’agressivité. Les patient(e)s peuvent présenter plusieurs symptômes : 

  • une grande euphorie ;
  • une forte estime d’eux-mêmes et parfois des idées mégalomanes ;
  • un besoin réduit en sommeil ;
  • une grande volonté de parler (logorrhées) ;
  • des idées confuses ou encore une pensée qui s’emballe ;
  • des troubles de l’attention et de la concentration ;
  • une hyperactivité (qui peut se traduire par un surinvestissement social, professionnelle, scolaire, financier, sportif ou encore sexuel) ; 
  • des conduites à risque : achats compulsifs, excès de vitesse, rapports sexuels non protégés ou multiples, actes violents, délictueux voire criminels, jeux d’argent, etc ; 
  • des symptômes psychotiques : idées délirantes, hallucinations et déstructuration de la pensée.

Cette instabilité émotionnelle a inévitablement des conséquences sur les relations affectives, en particulier les relations de couple. D’autant que la maladie connaît un retard de diagnostic et tarde donc à être prise en charge. Une fois diagnostiqué, le trouble bipolaire peut être contrôlé grâce aux médicaments thymorégulateurs, aux diverses psychothérapies et à la psycho-éducation. 
Lorsqu’elles ne sont pas en phase maniaque ou dépressive, les personnes qui souffrent de trouble bipolaire sont tout à fait capables d’identifier leurs sentiments, de ressentir et de donner de l’amour. Les difficultés surviennent lors des phases aigües, dites de décompensation (phases maniaques et dépressives). 
Les personnes qui souffrent de trouble bipolaire tombent amoureuses, comme tout le monde. Elles ne forment pas spécialement des couples dysfonctionnels, mais la maladie peut finir par créer des difficultés, souligne le Dr Secret-Bobolakis. 
Lorsqu’ils prennent leur traitement et respectent leur suivi, les patient(e)s sont tout à fait capables de préserver une relation stable. Comme dans chaque couple, cela demande de la communication, de la compréhension et quelques sacrifices.
Ne nous voilons pas la face, le trouble bipolaire fragilise les relations de couple, mais aussi, plus largement, les relations socio-professionnelles. “Les changements d’humeur ne sont faciles à vivre ni pour le ou la patient(e), ni pour son ou sa conjoint(e). Malheureusement, de nombreuses unions se soldent par des séparations ou des divorces“, relève l’experte. 
Tout n’est pas toujours noir : les personnes bipolaires ont souvent des personnalités généreuses, créatives et sensibles. Mais parfois, cela ne suffit plus à compenser la charge mentale quotidienne. Le ou la partenaire vit souvent dans l’hypervigilance : il ou elle guette sans arrêt les signes annonciateurs (prodromes) d’un accès maniaque ou dépressif. À cette anticipation anxiogène, s’ajoutent la frustration, la crainte et la tristesse de ne pas pouvoir soulager les symptômes de la maladie. Sans compter la lourdeur des tâches de la vie quotidienne, qui lui incombent, dès que le ou la patiente entre en phase dépressive (asthénie, anhédonie). 
Autre difficulté, et non des moindres : en phase maniaque, il se peut que la personne bipolaire ait des coups de cœur récurrents, commette des infidélités, mette en danger les finances du ménage, développe des réactions violentes, etc. Dans certains cas, très rares, une mise sous curatelle (voire sous tutelle) est nécessaire, car le ou la patiente entre en phase de déni de sa maladie et refuse de prendre son traitement. Le conjoint est alors perçu comme un frein, un obstacle, qui empêche de dépenser de l’argent, critique, ne soutient pas assez… 
“Tout dépend de la qualité des soins dont bénéficie le patient (suivi au long cours, régulier, si possible, par la même équipe), répond la psychiatre. Si le patient est correctement pris en charge et que lui et son entourage sont habitués à reconnaître les prodromes de la décompensation, alors, une vie de couple et de famille est tout à fait envisageable dans le temps. Il faut garder en tête que le trouble bipolaire se stabilise, mais qu’il s’agit d’une maladie chronique.
Les personnes souffrant de trouble bipolaire doivent adopter un mode de vie très strict pour contrôler au mieux leur maladie : 

  • dormir suffisamment ;
  • limiter les facteurs de stress ;
  • éviter l’alcool, les drogues et le tabac ; 
  • pratiquer une activité sportive régulière ;
  • adopter une alimentation saine et équilibrée ;
  • ne pas prendre de médicaments (notamment des antidépresseurs) sans avis médical ; 
  • etc. 

Les personnes bipolaires qui souhaitent s’engager dans une relation amoureuse doivent prendre conscience qu’elles souffrent d’un trouble psychologique qui nécessite un suivi thérapeutique régulier. Pour mener une relation saine, le plus important est d’apprendre à communiquer avec son ou sa partenaire à propos de ses expériences précédentes, de ses ressentis et de ses craintes. Ainsi, il ou elle sera moins désarçonné lors d’un épisode d’humeur. 
Si vous êtes en couple avec une personne bipolaire, n’hésitez pas à rencontrer ses soignants, afin de poser toutes les questions nécessaires à votre bonne compréhension du trouble. “Dans la majorité des cas, les patient(e)s bipolaires ont un bon niveau d’insertion socio-professionnelle. Ce sont souvent des gens créatifs, originaux et charmants”, prévient le Dr Secret-Bobolakis. 
On peut être séduit au premier abord, mais il faut bien prendre conscience des enjeux pour supporter tous les changements d’humeur !
Entretenir une relation affective avec une personne bipolaire nécessite de bien connaître son histoire, de chercher à s’instruire pour mieux comprendre sa maladie, d’être flexible, à l’écoute, patient(e), etc. Il faut aussi pouvoir faire face aux périodes de déni : “souvent, en phase de rémission, le ou la patiente bipolaire pense qu’il n’a plus besoin de soins. La communication devient difficile, le dialogue laisse souvent place aux cris et aux reproches. Les proches doivent alors pouvoir compter sur le soutien d’équipes de confiance, pour prendre en charge le patient”, insiste la spécialiste.
Non, les bipolaires ne sont pas dangereux pour leur entourage. Les maladies psychiatriques ne sont pas dangereuses en elles-mêmes. En revanche, les bipolaires peuvent se mettre en danger eux-mêmes : le risque de suicide en phase dépressive, ou de décision inconsidérée en phase maniaque présente un réel danger. C’est d’autant plus vrai lorsque la personne est en proie à des addictions (alcool, drogue, jeux, etc) qui peuvent exacerber les passages à l’acte agressifs.
Toutes les maladies “psys” ont des répercussions sur l’entourage proche (parents, enfants, conjoint, etc). Le ou la partenaire de vie devient rapidement “aidant” : il assure le soutien moral, la présence affective, le suivi des traitements… Une place qui n’est pas toujours facile, car nous n’avons pas tous les mêmes aptitudes psychologiques ou médicales. Il est donc important de se sentir entouré, écouté et soutenu.
Comme dans toute relation, l’important est de s’écouter, de se comprendre et d’être présent pour l’autre. Quelques conseils pour entretenir une relation sereine avec votre partenaire : 

  • Communiquer des deux côtés ; 
  • Accorder un temps de réflexion et d’adaptation à l’autre ; 
  • Miser sur la stabilité (géographique, temporelle, etc) ; 
  • Exprimer ses sentiments : réassurer son amour permet de consolider le couple en dépit des épreuves ; 
  • Prendre conscience des émotions de l’autre et les accepter, sans s’en formaliser. 

Lorsque la maladie prend trop de place dans la relation, il est important d’en discuter avec les équipes soignantes, éventuellement de suivre une thérapie de couple. Chacun doit prendre conscience de son rôle et de ses limites. Conclusion ? Il est possible d’avoir une relation avec une personne souffrant de trouble bipolaire, mais il faut de la patience et de la stabilité. 
Un film à voir pour aller plus loin : Les Intranquilles, réalisé par Joachim Lafosse avec Leïla Bekhti et Damien Bonnard (2021).
Les troubles bipolaires, Fondation FondaMental
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22/07/2022

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