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"Climat de terreur" au Musée des Beaux-Arts: Michel Draguet, stop … – Le Vif

Candidat à un quatrième mandat à la tête des Musées des Beaux-Arts, Michel Draguet sera-t-il reconduit ? La décision devait être prise sous peu, mais son management suscite un ras-le-bol interne. Enquête sur le malaise qui ronge l’institution.
Ces derniers mois, le climat aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB), délétère depuis plusieurs années, s’est encore détérioré. Le 5 décembre dernier, 31 des 176 membres du personnel ont adressé un courrier au secrétaire d’Etat à la Politique scientifique, Thomas Dermine (PS), en charge des dix établissements scientifiques fédéraux (ESF). Une copie a été envoyée à Arnaud Vajda, le président de Belspo, l’organisme gouvernemental responsable de la coordination de ces institutions. Les signataires ont des mots très durs. Ils mettent en cause le directeur, Michel Draguet, en fin de troisième mandat et candidat à sa propre succession. Ils critiquent aussi l’attitude de deux membres du conseil de direction des MRBAB.
« Pendant dix jours, nous avons attendu en vain une réponse de Thomas Dermine et d’Arnaud Vajda, nos autorités de tutelle, à nos doléances », déplore un collaborateur du musée. Le collectif qui rassemble les employés mécontents a donc décidé d’envoyer un texte à la presse, similaire au précédent courrier, mais ciblant uniquement Michel Draguet. Publiée le 16 décembre, cette lettre ouverte fait état de la « mauvaise gestion » du directeur, de conditions de travail « épouvantables », de « menaces, intimidations et harcèlements réguliers ». Draguet ferait régner un « climat de terreur » et serait coutumier de « remarques irrespectueuses et désobligeantes ». Les signataires déplorent qu’une partie de la collection permanente reste cachée depuis des années dans les réserves et dénoncent un manque de « vision claire » de la direction. Des programmes et des objectifs irréalistes seraient imposés au personnel de l’institution.
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Ce climat lié aux conditions de travail et aux délais intenables affecterait gravement une partie des travailleurs. Le nombre de cas d’épuisements et de départs a augmenté. Au cours des deux dernières années, cinq employés auraient démissionné, cinq autres auraient été licenciés et six seraient tombés en burnout, indique le collectif. « Le mal-être au musée ne date pas d’hier, mais il s’est aggravé, confirme un agent. Les personnes en souffrance ne sont plus des cas isolés. Il était urgent de tirer la sonnette d’alarme pour retrouver un peu de sérénité. » Les syndicats ont obtenu la mise en place d’une enquête psychosociale. Les employés des Services au public, le département d’où proviennent la plupart des plaintes, seront conviés à des entretiens individuels.
Ces travailleurs, qui s’occupent de la billetterie, des réservations, des boutiques, des publications, de la communication, du mécénat et du sponsoring, sont-ils disposés à témoigner ? « Certains d’entre eux, surtout ceux qui sont employés dans un service qui compte seulement une, deux ou trois personnes, peuvent craindre que leur nom finisse par apparaître et que cela leur nuise », convient l’une de nos sources. « Notre lettre ouverte a fait sortir du bois des personnes d’autres départements du musée, signale un membre du collectif. Plusieurs d’entre elles, employées à la conservation des collections, étaient fatalistes, mais se disent à présent résolues à évoquer elles aussi les dysfonctionnements internes, les manœuvres d’intimidation, le manque de concertation criant, ou encore la mise sous pression excessive des équipes. »
Les résultats de l’enquête psychosociale ne sont pas attendus avant juin. Or, une période cruciale est prévue d’ici là : l’évaluation du candidat Michel Draguet est en cours et l’annonce officielle d’un éventuel quatrième mandat du directeur pourrait tomber d’ici quelques semaines. Les éléments apportés ces jours-ci au dossier Draguet vont-ils peser dans la balance ? Un mandat de plein exercice permet, en cas d’évaluation « excellente », une reconduction automatique, sans ouverture de poste vers l’extérieur. La procédure est donc différente de celle appliquée dans sept autres ESF, dotés actuellement d’une direction intérimaire.
Le troisième mandat de six ans de Draguet s’achève le 30 avril. Le pouvoir de tutelle mettra-t-il en suspens son évaluation, le temps que les conclusions de l’enquête psychosociale soient connues ? « Mise en suspens ou pas, il est impératif que cette évaluation se fasse en toute transparence et qu’elle tienne compte de l’aspect bien-être au travail, répond un membre du collectif. Les autorités politiques doivent prendre leurs responsabilités et ne peuvent plus affirmer qu’elles ne savent pas ce qui se passe derrière les murs du complexe du Mont des Arts. »
En octobre 2019, une enquête bien-être avait déjà été menée au sein des services billetterie, ticketing et boutiques, qui souffraient notamment d’un manque d’effectifs. « Les résultats n’ont jamais été communiqués au personnel », déplore un employé. En 2014, Michel Draguet, homme d’idées ambitieux, était déjà décrié pour sa gestion, sa « mégalomanie » et son « comportement d’autocrate ». Selon des sources internes consultées à l’époque, il s’entourait de collaborateurs aux ordres et n’hésitait pas à mettre sur la touche d’autres cadres qui lui résistaient.
Il s’était notamment mis à dos plusieurs conservateurs du musée d’Art et d’Histoire du Cinquantenaire, dont il a été pendant trois ans et demi le directeur faisant fonction, job qui s’ajoutait à son mandat aux MRBAB. « Un dictateur, moi ? Philippe Robert-Jones, à la tête des Musées des Beaux-Arts de 1961 à 1985, n’aurait pas toléré le dixième de ce que je supporte ici ! », s’était exclamé Draguet lors de l’interview qu’il nous avait accordée. « Sous Eliane De Wilde, conservatrice en chef des Beaux-Arts de 1989 à 2003, c’était une vraie dictature ! », ajoutait-il (lire La résistible ascension de Michel Draguet, 13 mars 2014).
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Des employés du Musée des Beaux-Arts nous décryptent le management top-down actuel de Michel Draguet. Le directeur général a sous ses ordres trois directrices de départements : Isabelle Vanhoonacker, directrice opérationnelle des services aux publics, Inga Rossi Schrimpff, directrice opérationnelle collections-recherche, et Colette Janssen, directrice du service d’appui (administration, finances, gardiennage). La deuxième est en congé de maladie longue durée. La première et la troisième ne se supporteraient pas, un conflit ouvert que Draguet entretiendrait à distance. « Il divise pour mieux régner et se positionne volontiers en sauveur après avoir monté les gens les uns contre les autres », témoigne un membre du personnel.
Ces tensions au sommet rejaillissent sur les équipes. « En pleine réunion, les compétences d’un collaborateur sont dézinguées en présence de ses collègues, raconte un travailleur. Une employée en état de choc après avoir été injuriée par une collègue n’a reçu aucune écoute de sa hiérarchie. Draguet fait aussi de l’intimidation externe : nous l’avons entendu dire à un artiste qu’il n’hésiterait pas à casser sa carrière s’il ne changeait pas d’attitude. » Un conservateur du musée exprime également son ras-le-bol : « Notre directeur s’autodésigne commissaire de la plupart des expositions, prend des décisions sans concertation, fait de la rétention d’information, ne respecte pas les plannings et impose des délais de préparation indécents. »
Parallèlement à la lettre ouverte du personnel du musée, des étudiants de l’ULB en master en Histoire de l’art se mobilisent, à travers leur union syndicale, pour dénoncer le comportement et les propos « inappropriés » de Michel Draguet, dont ils suivent les cours. Ils ont lancé un appel à témoignages. Plusieurs plaintes d’étudiants déposées par le passé seraient restées sans suite. Le patron du Musée des Beaux-Arts profiterait de sa tribune universitaire pour faire des digressions borderline. Ses remarques sexistes et racistes d’un autre temps auraient choqué. Nos sources au musée rapportent qu’il y tient, « en toute impunité », des propos déplacés similaires.
« Nous n’avons jamais connu une telle crise en 17 ans, a admis, le 16 décembre, le conseil de direction du musée, qui reconnaît avoir « sous-estimé la souffrance et l’anxiété » du personnel. Michel Draguet assure, dans une interview au Soir, qu’il n’a « pas vu l’explosion venir ». Selon lui, l’« inquiétude » de ses troupes est due à l’augmentation de la charge de travail alourdie par les restrictions d’effectifs et à la perspective d’un chantier de rénovation-redéploiement.
Ces grands travaux réalisés par la Régie des bâtiments vont, il est vrai, bouleverser le fonctionnement des Musées royaux des Beaux-Arts. Le Musée Fin de Siècle va fermer ses portes et se transformer en réserve provisoire, où seront stockées en 2024-2025 l’ensemble des œuvres de l’institution. Certaines collections vont être exposées dans l’Espace Vanderborght, à deux pas des Galeries royales. Un Musée des Beaux-Arts renouvelé devrait être inauguré en 2030, pour les célébrations du bicentenaire de la Belgique. Toutefois, pour l’heure, c’est le renouvellement éventuel de son très controversé patron actuel qui suscite le débat.
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« Climat de terreur » au Musée des Beaux-Arts: Michel Draguet, stop ou encore ?

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