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Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} – Le Monde

{Sciences²}
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Nous sommes en 2022. Exactement trente ans après la signature de la Convention Climat de l’Organisation des Nations Unies. Signée en 1992, par la presque totalité des gouvernements et ratifiée ensuite par la plupart des parlements de la Planète.
Par cette Convention, les parties signataires s’engageaient à « préserver le système climatique pour les générations présentes et futures ».
Ce texte affirme d’emblée la cause du changement climatique : « l’activité humaine à augmenté sensiblement les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, que cette augmentation renforce l’effet de serre naturel qu’il en résultera en moyenne un réchauffement supplémentaire de la surface terrestre et de l’atmosphère, ce dont risquent de souffrir les écosystèmes naturels et l’humanité. »
Préserver le système climatique ? Cette formule signifiait, dans cette Convention Climat, ne pas modifier le climat planétaire au point de le rendre « dangereux », c’est le mot et le but de ce texte, pour les générations présentes et futures.
Echec retentissant
Ne pas modifier le climat suppose de maîtriser ce par quoi l’Humanité le bouscule, et qui est parfaitement identifié : les émissions de gaz à effet de serre. Des émissions dues pour l’essentiel à l’exploitation des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, à la déforestation pour l’agriculture, à l’agriculture elle-même et à quelques autres gaz utilisés par l’industrie.
Cette maîtrise signifie plus précisément de contenir ces émissions à un niveau permettant une stabilisation de la concentration en gaz à effet de serre de l’atmosphère, et donc du climat. Et ainsi d’éviter un réchauffement planétaire dont les conséquences sont jugées dangereuses pour les sociétés humaines.
Or, trente années après ces signatures, l’échec est retentissant. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre n’ont fait qu’augmenter, d’environ 45 % depuis 1990, pour atteindre près de 60 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2019.
En conséquence, le réchauffement climatique s’est accéléré. La température moyenne de la basse atmosphère et de la surface des océans pour l’année 2020 était de 1,2°C plus élevée que la moyenne des années 1880 à 1920. Les extrêmes météorologiques et climatiques se sont accentués. Toutes les menaces liées au réchauffement climatique déjà perçues en 1992 sont aujourd’hui plus fortes, pour certaines déjà survenues et des changements sont désormais irréversibles, comme la montée du niveau marin ou la fonte de la cryosphère planétaire.
Comment expliquer cette situation en apparence paradoxale d’une Humanité capable, il y a trente années, d’identifier avec précision une menace, de s’entendre sur les moyens de la contrecarrer et qui, durant trente ans, mène des politiques à l’opposé de cette analyse et de cet engagement. Ce paradoxe peut s’exprimer ainsi «puisque nous savons, pourquoi n’agissons-nous pas». Mais cette formule psychologisante, utilisant un « nous » tout aussi vague que le « on » du langage populaire, qui ne dit pas avec précision qui sait quoi depuis quand et qui doit faire quoi exactement, n’aide pas vraiment à comprendre ce paradoxe, et donc à agir pour y mettre fin.
Voici cinq pistes permettant d’expliquer une telle contradiction.
1- Nous ne connaissions pas les conséquences d’une telle trajectoire.
Les gouvernements, les dirigeants des grandes entreprises, mais aussi nombre de personnes instruites, ne peuvent guère plaider l’ignorance.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le Monde
Le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a été créé en 1988, à la demande des pays du G7 de l’époque : Etats-Unis d’Amérique, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Canada, Italie. Des gouvernements qui envisageaient la prochaine Conférence de l’ONU sur l’environnement, prévue en 1992 à Rio, au Brésil. Des gouvernements soucieux de disposer d’informations fiables. Certains d’entre eux ayant déjà perçu les implications socio-économiques et géopolitiques explosives du dossier climat et énergies. Cette démarche a permis l’inauguration d’une relation nouvelle et remarquable entre une expertise des connaissances scientifiques, dotée d’une forte légitimité et reconnaissance, et une problématique socio-politique planétaire.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le MondeCette relation s’est manifestée par les liens directs entre les rapports de synthèse du GIEC, remis en 1990, 1995, 2001, 2007, 2014 le prochain étant prévu pour mars 2023 et le déroulement des négociations internationales dans le cadre de la Convention Climat de l’ONU. Ces rapports du GIEC ont évolué. Ils sont aujourd’hui bien plus nourris, précis et fiables qu’en 1990. On ne savait pas tout sur le changement climatique en 1990. Ainsi, la partie du rapport consacrée à la physique du climat occupait 24 pages en 1990, contre 3 900 pages pour celui paru en août 2021, réalisé par le groupe-1 du GIEC.
Ce premier rapport apportait de nombreuses informations, cruciales pour l’évaluation des risques, qui seront confirmées par la suite. L’ordre de grandeur des bouleversements climatiques provoqués par nos émissions de gaz à effet de serre, en termes de risques pour les sociétés, était bien perçu.
Incertitudes et prudence
Toutefois, il faut bien souligner l’ampleur des incertitudes pointées par le rapport de 1990. Trente ans plus tard, ses lacunes sont évidentes. Comme l’absence du phénomène d’acidification des océans dans les conséquences à craindre alors qu’elle résulte directement de l’injection de CO2 dans l’atmosphère. L’anticipation du niveau marin futur est sous-estimée car il est envisagé que, dit le rapport, « les étendues de glace de l’Antarctique et du Groenland n’auront que peu d’effet au cours des 100 années à venir ». Une affirmation qui ferait s’étrangler un océanographe et un glaciologue en 2022, qui observent les deux calottes perdre de la glace par centaines de milliards de tonnes par an depuis une dizaine d’années.
Voici ce que disait ce rapport sur les cyclones : « On prévoit que l’intensité théorique maximale des tempêtes tropicales augmentera avec la température, mais les modèles de climat ne donnent pas d’indication cohérente sur le point de savoir si ces tempêtes augmenteront ou diminueront en fréquence ou en intensité avec l’évolution du climat ».
L’augmentation de la température moyenne de la planète ? A l’époque James Hansen (Nasa, Université Columbia de New York) est persuadé que la hausse observée, entre 0,3°C et 0,6°C par rapport au début du 20ème siècle, résulte de l’intensification de l’effet de serre provoqué par nos émissions. Mais il ne convainc pas les experts qui considèrent que, si cela est tout à fait possible, cela reste non prouvé car encore compatible avec des fluctuations naturelles insuffisamment comprises. Ils concluent qu’ « Il se passera probablement au moins dix ans avant que des observations nous permettent d’établir de façon certaine qu’il y a eu un renforcement de l’effet de serre» (1).
Ce ne sont là que quelques exemples d’une présentation très honnête, donc très prudente, des connaissances de l’époque. Devant une telle prudence, un dirigeant politique se sent-il contraint à saborder illico sa puissance pétrolière, gazière ou charbonnière ?
Histoire de l’expertise
Le rapport du groupe-1, publié en août 2021, aborde cette histoire de l’expertise des connaissances sur le changement climatique, en se comparant avec le rapport de 1990 sur quelques points.
En voici le résultat :
Ces quelques exemples limités à la physique du climat éclairent le paradoxe. Les lecteurs du rapport de 1990 – dirigeants politiques, journalistes ou citoyens – pouvaient aisément en faire une lecture partielle et biaisée par leurs envies, leurs idéologies, leurs intérêts économiques et financiers. Et ne tenir compte que des incertitudes pour justifier de ne pas écouter le message général d’alerte qui ressort du texte. Un message dont le support scientifique principal est constitué par les simulations informatiques du climat futur appuyées sur des raisonnements physiques éclairés par la paléoclimatologie.
Une action immédiate
Ce message comprend la nécessité d’une action immédiate. Celle visant à  réduire les émissions des pays déjà industrialises et riches. Cette nécessité se fonde d’abord sur une analyse de l’inertie du système climatique qui exige une action immédiate pour un effet différé dans le temps. Puis sur l’inertie des systèmes industriels et énergétiques dont la transformation radicale suppose une planification de long terme débutant par des décisions majeures immédiates. Mais également sur les besoins sociaux et économiques vitaux des populations des pays pauvres qui, selon l’analyse du rapport, ne peuvent être comblés dans l’immédiat que par une augmentation des consommations d’énergies fossiles et donc de leurs émissions de gaz à effet de serre.
En résumé, le rapport de 1990 justifie d’engager sans attendre des politiques de maîtrise des émissions pour les dirigeants ou les citoyens très confiants dans les analyses des scientifiques… et surtout s’ils ne sont pas persuadés que les énergies fossiles sont l’alpha et l’oméga indépassables de toute politique industrielle et énergétique pour leur pays ou leur vie quotidienne et économique.
Les faiblesses et incertitudes du rapport de 1990 ne sont donc pas une excuse pour l’inaction, ou l’extrême lenteur à entrer en action, qui ont suivi. Mais elles ont contribué à ce que le texte originel de la Convention Climat de 1992 soit insuffisant pour déclencher une action efficace et immédiate.
Ignorance ou mensonge ?
La piste de l’ignorance des conséquences du changement climatique peut donc être écartée, ou du moins jugée d’importance limitée, pour les dirigeants politiques, économiques, financiers. En outre, cette piste s’évanouit rapidement avec le temps, en particulier avec les 2ème et 3ème rapports du GIEC, en 1995 et 2001. Les dirigeants politiques, en particulier des Etats-Unis, de l’Australie et d’autres pays développés, qui, à partir de 1995, nient la nécessité d’une action pour limiter le réchauffement climatique en prétendant que ce dernier n’est pas prouvé, pas provoqué par nos émissions de gaz à effet de serre, pas suffisamment dangereux pour justifier l’action immédiate des pays riches sont des menteurs et non des ignorants. En général, ils refusent de prendre en charge le destin à long terme de l’Humanité, leur choix de société capitaliste et de mettre en cause leur domination sur le monde fondée sur l’usage sans limites des énergies fossiles.
En revanche, il est possible d’affirmer que des milliards d’êtres humains ont longtemps ignoré, voire ignorent encore, les causes du changement climatique, ses conséquences et les moyens de parer cette menace et d’en limiter l’ampleur. Notamment parce que les savoirs scientifiques et techniques à la base de ces connaissances et analyses sont difficiles à partager avec les populations, même dans les pays développés où l’instruction initiale se poursuit jusqu’à la fin de l’adolescence.
Ainsi, même dans un pays comme la France, avec une population instruite et des dirigeants politiques qui, pour la plupart, acceptent les diagnostics du GIEC, la part de la population affirmant que le changement climatique provoqué par nos émissions de gaz à effet de serre n’est qu’une simple « hypothèse sur laquelle tous les scientifiques ne sont pas d’accord » se maintient autour de 34 % en 2020, après un pic à 45 % en 2010. De même, les confusions largement répandues sur les sources d’émissions des gaz à effet de serre et sur les technologies de production bas-carbone, entravent la mise en oeuvre de politiques dotées de l’envergure nécessaire pour diminuer les premières et faire croître vigoureusement les secondes au niveau réclamé par les objectifs climatiques.
2- Des forces politiques, idéologiques, ont semé le doute.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le MondeCette piste est en partie vérifiée. Les mensonges, duperies et calomnies des mal-nommés climato-sceptiques ne sont évidemment pas innocents. Lourde est la responsabilité de ces dupeurs, responsables politiques comme Donald Trump, rares scientifiques comme Claude Allègre ou Vincent Courtillot, journalistes comme David Pujadas, animateurs de télévision comme Pascal Praud.
Mais de nombreux dirigeants politiques ont continué à prendre des décisions climaticides sans pour autant reprendre ces mensonges, voire en proclamant leur soutien au GIEC. Balayons devant notre porte et songeons à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron. Du premier au dernier de ces Présidents de la République, l’empreinte carbone des Français, cette mesure de nos émissions de gaz à effet de serre qui tient compte des importations et des exportations, n’a que très peu évolué.
En outre, précise le rapport de 2022 du Haut Conseil pour le Climat, si les émissions territoriales par habitant de la France ne sont que de 6,5 TeqCO2 en 2019, 19 % en dessous de la moyenne européenne, c’est  «principalement dû à la contribution de l’énergie nucléaire dans le mix électrique». Autrement dit à des décisions prises en 1973 et 1979 par les gouverneemnts de Pompidou et Giscard, puis confirmées en 1981 par celui de Mitterrand.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le MondePourtant, Jacques Chirac n’hésitait pas à discourir de « la maison qui brûle et nous regardons ailleurs ». Emmanuel Macron, lui, paradait au son de « make our Planet great again ». Sans agir avec vigueur pour diminuer les émissions françaises au niveau requis. Comme le précise le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport 2021 : « les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030 ». Un rapport soulignant que « les émissions importées (nettes des exportations) françaises en CO2 sont supérieures à la moyenne européenne, pour une empreinte carbone finale qui se rapproche de la moyenne européenne ».
Parce qu’il n’y avait pas d’alternatives techniques ?
Cette piste ne peut être écartée sans examen. Dès le rapport de 1990 du GIEC, cette difficulté est notée par les experts. Il est difficile de remplacer rapidement toute l’énergie fossile utilisée sur la planète par de l’énergie et de l’électricité bas-carbone, qu’elles utilisent les sources d’énergies renouvelables ou nucléaire.
Tout simplement parce que ces énergies fossiles représentent 80% de toute l’énergie utilisée par l’Humanité. Un pourcentage qui n’a pas vraiment varié de 1973 (je prends cette date en raison de la crise du pétrole de cette année-là) et 2022. Comme le montre ce graphique, la consommation de pétrole, de gaz et de charbon domine de manière écrasante le mix énergétique mondial, les contributions des énergies bas-carbone, électricité hydraulique, autres renouvelables et  nucléaire demeurant très minoritaires.
Mais la seule technique ou les seules ressources naturelles ne peuvent pas expliquer toute cette trajectoire lors des trente dernières années. Les sources d’énergies bas-carbone, notamment l’électricité générée par les moyens de production hydrauliques, éoliens, solaires et nucléaires, auraient pu bénéficier d’un essor beaucoup plus rapide si les dirigeants politiques et économiques, comme les consommateurs, n’avaient pas voulu bénéficier sans limites des prix le plus souvent bas, de la disponibilité physique et de l’efficacité technique des énergies fossiles.
Les modes de productions agricoles auraient pu être moins émetteurs si l’on avait favorisé dans les pays développés la petite exploitation familiale et les circuits courts et non les grandes exploitations et le commerce mondialisé. Si l’on avait agi pour des régimes alimentaires plus sains, moins carnés, moins soumis aux méthodes de l’industrie agro-alimentaire et à ses excès de gras, de sucre et de sel générateurs de profits comme de dégâts sanitaires massifs.
Les investissements dans l’efficacité énergétique ou les transports collectifs auraient pu limiter les consommations d’énergie des bâtiments, des procédés industriels et des véhicules. Des urbanismes visant l’économie d’espace et d’énergie, et non l’étalement urbain favorable à la politique du tout voiture individuelle accentué par les ségrégations sociales, auraient pu diminuer la pression sur l’environnement et les gaspillages énergétiques.
A chaque fois, les choix énergivores et climaticides ont des raisons sociales et idéologiques, masquées derrière des impératifs techniques réels mais dont le rôle est souvent grossi pour éviter les débats socio-politiques que supposent les alternatives possibles.
3- La Convention Climat et les accords internationaux ne sont pas efficaces.
Cette réponse est en partie vraie, mais doit, elle aussi, être nuancée.
L’efficacité de cette Convention et des accords qui ont suivi ne peut être mesurée que par rapports aux objectifs qu’ils se fixent. Ainsi, le texte d’origine, signé en 1992, stipule certes que les Etats signataires s’engagent à éviter un changement climatique «dangereux», mais ce mot demeure purement qualitatif, aucune quantification n’intervient. Si le danger n’est pas quantifié, l’action pour le prévenir ne peut pas l’être.
Par ailleurs, cette Convention rappelle le droit souverain des Etats à exploiter leurs propres ressources et le principe de la souveraineté des Etats dans la coopération internationale contre le changement climatique. Toutefois, il faut aussi noter que le texte précise que les Etats « ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale». Comme les conséquences des émissions locales de gaz à effet de serre sont planétaires, cette phrase constitue un point d’appui possible pour des politiques en contradiction avec le principe de souveraineté.
Cette insuffisance du texte est perçue dès le début et c’est pourquoi il était prévu de le compléter par des Protocoles plus opérationnels, comme le Protocole de Kyoto. Dans cette perspective, le texte comportait une Annexe constituée d’une liste de pays, dit riches et anciennement industrialisés, censés se doter d’objectifs contraignants de réduction de leurs émissions et d’objectifs de soutien financier et technologique aux pays pauvres pour les aider à s’engager dans un développement économique moins émetteur de gaz à effet de serre et à s’adapter aux conséquences du changement climatique.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le Monde
Mais il faudra attendre 2009, avec la 15ème Conférence des Parties, tenue à Copenhague, pour que cette insuffisance soit comblée. Cette conférence est un échec en termes de décisions d’action, en revanche, le texte final comprend, pour la première fois, une quantification du danger et donc de l’action à conduire pour l’éviter.
C’est le fameux 2°C de réchauffement planétaire moyen au-dessus de la température préindustrielle, fixé comme limite à ne pas dépasser. Non que tout danger soit évité à ce niveau de réchauffement, mais les gouvernements signataires fixent à ce niveau le danger à éviter. Et donc l’action à conduire pour limiter les émissions au niveau permettant de ne pas dépasser cette limite.
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le MondeMais il faut bien constater que, depuis 2009, aucune inflexion des émissions mondiales de gaz à effet de serre n’est venue crédibiliser cet objectif quantifié. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles un objectif encore moins crédible, celui de ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement planétaire a été adopté lors de la COP tenue à Paris en 2015.
Le dispositif international actuel s’est donc révélé incapable, à lui seul, de déclencher les multiples actions permettant d’éviter le danger évoqué en 1992, ou de se mettre en capacité d’atteindre l’objectif fixé en 2009. Il serait pourtant inepte d’en conclure qu’il ne faut pas poursuivre ce processus de négociations internationales.
D’abord parce qu’il est à l’origine des actions engagées par des acteurs de différents niveaux étatiques (gouvernements, collectivités locales, institutions supranationales comme l’Union Européenne), d’acteurs économiques et citoyens. Les pays et acteurs qui ont conduits des actions visant explicitement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre le font au nom de cette Convention, même si d’autres motivations y contribuent, comme la diminution de la facture énergétique ou de la dépendance aux importations d’hydrocarbures.
Ce processus international demeure indispensable en raison du caractère planétaire des processus physique et biologiques en cause dans le réchauffement. Et en raison de la nécessaire coordination des efforts de tous, à tous les niveaux d’organisation, pour conduire l’action.
Les populations les plus pauvres et les plus vulnérables ont le plus intérêt à cette dimension de l’action climatique puisqu’elle est fondée sur la responsabilité différenciée des pays – les plus riches étant les plus responsables –, la contribution selon ses moyens – les plus riches devant contribuer le plus –, et un transfert de ressources vers les pays les plus pauvres et les plus vulnérables.
4- Le capitalisme ?
C’est l’un des slogans les plus repris dans les manifestations, juvéniles ou non, pour “sauver le climat”. Changeons le système, pas le climat, proclament les manifestants. Ce n’est pas faux.
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Quels sont les moteurs principaux de l’économie capitaliste ? La recherche du rendement financier maximum dans le temps le plus court possible. L’accumulation des richesses vers les détenteurs de capitaux, notamment des “super-riches” desquels la richesse est censée “ruisseler” vers le bas. La concurrence effrénée entre entreprises pour conquérir des marchés à coups d’innovations, réelles ou factices, et de publicités massives colonisant l’imaginaire des populations afin de booster les consommations. La spécialisation des territoires au nom de leurs avantages comparatifs, à toutes les échelles régionales comme planétaires.
Tout cela est avéré. Ce sont des machines à émettre des gaz à effet de serre sans se soucier des conséquences. C’est très probablement la cause majeure, et la plus difficile à combattre, de la trajectoire actuelle des émissions dans notre monde où ce modèle sociétal et économique domine de manière écrasante la pensée économique et les pratiques politiques des gouvernements, des entreprises et des possesseurs de capitaux industriels et financiers, modèle les imaginaires des populations.
Il faut noter que le groupe-3 du GIEC, celui qui s’occupe des moyens d’atténuer la menace climatique en limitant les émissions de gaz à effet de serre, est en difficulté devant cette question. Chargé de faire la synthèse critique de la littérature scientifique, en économie, sciences sociales et politiques, technologies et ressources naturelles, il ne peut que suivre les courants dominants qui s’y expriment.
Le chapitre 5 de son dernier rapport aborde les questions décisives et difficiles de la justice climatique, de l’équité des politiques visant le contrôle des émissions de gaz à effet de serre. Il expose clairement les gigantesques inégalités d’émissions entre populations et groupes sociaux, directement liées aux inégalités de revenus et patrimoines, modulées par des choix technologiques. Ou le rôle néfaste de la publicité commerciale sur les modèles de consommation, en particulier celles des classes moyennes des pays riches. Un rôle encore sous-estimé alors qu’il s’agit de l’arme de destruction massive de l’autonomie matérielle et de pensée de leur vie des populations, acculées à une course poursuite sans fin de consommations matérielles par la domination de leur imaginaire.
Comme le montre ce graphique, ci dessus, de son résumé pour décideurs, ces émissions sont très inégalement réparties dans le monde. Cette répartition suit très étroitement les inégalités de revenus. Elles approchent les 20 tonnes par habitant et par an pour les habitants de l’Amérique du nord, tandis que ceux de l’Asie du sud et de l’Afrique sont à environ 2 tonnes, soit dix fois moins. Une inégalité encore plus marquée lorsque l’on prend en compte les émissions historiques de ces différents pays.
En outre, ces moyennes par pays, masquent des inégalités encore plus fortes si l’on compare les plus riches des plus pauvres, tant dans chaque pays qu’à l’échelle mondiale. Comme le montre cette étude de Piketty citée dans le rapport du groupe 3 du GIEC, parmi les 10% les plus riches de la population mondiale qui émettent 45% du total, les classes moyennes et supérieures de tous les pays occupent une place prépondérante. Enfin, la comparaison la plus extrême montre que chaque super-riche émet plusieurs centaines de fois plus de gaz à effet de serre qu’un européen moyen, sans même évoquer les plus pauvres du monde.
Une nouvelle étude de Lucas Chancel vient de paraître dans Nature Sustainability, et précise encore ces chiffres avec une approche plus réaliste puisqu’elle repose sur le concept d’empreinte carbone, qui tient compte des imports/exports d’émissions de gaz à effet de serre lié au commerce international. En voici le graphique principal qui présentent les données à par grandes régions du monde :
Climat : 30 ans pour rien ? – {Sciences²} - Le Monde
Un second graphique rassemble ces données à l’échelle mondiale :
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Mais l’analyse stoppe là. Le mot «capitalisme» apparaît certes 19 fois dans le rapport complet du groupe 3, mais uniquement dans des références d’articles ou de livres. Autrement dit, le rapport n’aborde aucun des mécanismes socio-économiques qui produisent les inégalités pourtant exposées. L’expertise du GIEC ne peut donc pas répondre à l’interpellation des manifestants estimant que la mise en cause du système capitaliste fait partie de la solution au problème climatique.
5- Les énergies fossiles contre la pauvreté.
Il faut revenir à la Convention Climat de 1992 pour en trouver une autre composante majeure. Ce texte, soulignait l’introduction, met en priorité absolue la lutte pour éradiquer la pauvreté. Il subordonne donc l’action pour limiter le changement climatique à cet objectif. Plus encore, il précisait que l’usage des énergies fossiles est un des moyens de cette éradication de la pauvreté.
En témoigne le troisième paragraphe de cette Convention « Notant que la majeure partie des gaz à effet de serre émis dans le monde par le passé et à l’heure actuelle ont leur origine dans les pays développés, que les émissions par habitant dans les pays en développement sont encore relativement faibles et que la part des émissions totales imputable aux pays en développement ira en augmentant pour leur permettre de satisfaire leurs besoins sociaux et leurs besoins de développement, »
Les deux derniers attendus de la Convention sont encore plus précis sur ce point et stipulent :
« Affirmant que les mesures prises pour parer aux changements climatiques doivent être étroitement coordonnées avec le développement social et économique afin d’éviter toute incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des besoins prioritaires légitimes des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l’éradication de la pauvreté,
Conscientes que tous les pays, et plus particulièrement les pays en développement, doivent pouvoir accéder aux ressources nécessaires à un développement social et économique durable et que, pour progresser vers cet objectif, les pays en développement devront accroître leur consommation d’énergie en ne perdant pas de vue qu.il est possible de parvenir à un meilleur rendement énergétique et de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre d’une manière générale et notamment en appliquant des technologies nouvelles dans des conditions avantageuses du point de vue économique et du point de vue social, »
Observons ce qui s’est passé depuis 1990 de ce point de vue dans le monde. Raisonnons à partir des personnes disposant de moins de 2 dollars par jour pour vivre (constants pour permettre la comparaison sur longue durée). Il existe différents calculs du nombre de personnes qui (sur)vivent ainsi, en raison des désaccords entre spécialistes sur la valeur des dollars dans les différents pays. Le nombre d’extrêmes pauvres et de très pauvres peut donc varier considérablement selon les auteurs, mais c’est l’évolution qui importe.
Selon Rosen et Hasell, alors que la population mondiale de 1990 s’élève à 5,24 milliards, 38 %, soit 1,9 milliards d’êtres humains, disposent de moins de 2 dollars par jour. Ce sont les « extrêmes pauvres ». Selon le même calcul, en 2017, les extrêmes pauvres ne sont plus que 689 millions. Cette diminution en valeur absolue – 1,3 milliard de très pauvres en moins – est donc encore plus spectaculaire en part de la population mondiale, puisqu’elle passe d’environ 38% à moins de 10% ! Cette rupture historique de la part des extrêmes pauvres dans la population mondiale en 40 ans coïncide avec l’envolée de la consommation des énergies fossiles. Y a-t-il un rapport de cause à effet ?
Vérifions avec un regard sur les pays les plus concernés.
Cette chute s’est opérée en grande partie en Asie, et notamment en Chine où l’extrême pauvreté, encore très répandue en 1980, a presque disparu. Un zoom sur ce pays permet de faire le lien avec le climat et les émissions de gaz à effet de serre. Le graphique ci-dessous montre que les émissions territoriales de CO2 liées à l’énergie fossile y sont passées de 2,4 milliards de tonnes en 1990 à 11,5 milliards de tonnes en 2019. Également de 2 à 8 tonnes par habitant durant cette période. La Chine est devenue l’usine du monde, sa population urbaine a augmenté de plus de 500 millions de personnes, les conditions de vie (logement, eau, instruction, transports, santé…) se sont considérablement améliorées malgré les “dégâts du progrès” (pollution urbaine et industrielle…). Son électrification, réalisée essentiellement avec du charbon, c’est la partie inférieure en jaune sur les histogrammes, est l’un des moyens de cette évolution spectaculaire.
Complétons cet exemple massif avec quelques autres pays où les conditions de vie des populations pauvres se sont nettement améliorées depuis 1990 et où les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles se sont envolées : Vietnam, Turquie, Thaïlande, Bangladesh.
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Les émissions par habitant de ces pays demeurent faibles, voire très faibles, au regard de celles des pays riches. En 2019, de 0,6 tonne pour le Bangladesh à 5 tonnes pour la Turquie, en passant par les 3,1 tonnes du Vietnam. Contre 16 tonnes par habitant des Etats-Unis d’Amérique, un chiffre minoré pour ce dernier puisqu’il ne comporte pas les émissions liées aux importations de biens !
Illustrons ce lien entre sortie de la grande pauvreté et consommation d’énergie fossile par une image. Comment un petit maraîcher sénégalais, cultivant ses légumes dans la banlieue de Dakar, peut-il transporter sa production jusqu’au marché du centre-ville ? Il lui faut une route et un camion. Aujourd’hui, bitume et véhicule à pétrole sont les seules solutions disponibles et abordables pour lui.
Pétrole, gaz et charbon ont donc certes alimenté les super-riches de la planète, les puissances économiques, politiques et militaires dominantes. Mais ces énergies ont également contribué à transformer positivement la vie de milliards d’êtres humains. Renverser la courbe croissante de la consommation d’énergies fossiles pour rendre possibles les objectifs climatiques de l’Accord de Paris suppose de regarder en face cette dimension du défi climatique. Aucun slogan ne pourra la faire disparaître. C’est l’échec garanti pour toute politique climatique qui ne serait pas fondée sur l’objectif de diminuer les inégalités sociales, à l’échelle planétaire, de répondre aux besoins vitaux de cette moitié de l’Humanité qui n’émet que 13% du total mondial.
700 millions sans électricité
La contradiction soulevée dans le texte de la Convention climat de 1992 entre objectifs climatiques et lutte contre la pauvreté a évolué, mais elle est toujours là pour des centaines de millions d’êtres humains, en Afrique, Asie, Amérique latine. Il suffit pour s’en convaincre de songer aux plus de 700 millions d’êtres humains qui n’ont pas d’électricité à leur domicile. Ou d’en comparer la consommation annuelle moyenne par habitant de la France, environ 7 000 kWh avec celle de l’Afrique, inférieure à 600 kWh, et encore plus basse si l’on excepte le Maghreb et l’Afrique du Sud.
La manière dont l’économie mondiale sort de la crise provoquée par la COVID-19 montre qu’elle est toujours dépendante des énergies fossiles. Selon l’équipe scientifique du Carbon Monitor, les sept premiers mois de l’année 2022 affichent des émissions mondiales de CO2 liées aux énergies fossiles supérieures de 2,9% à celle du premier trimestre 2019, avant la crise sanitaire, et de 13,1% par rapport à la période en 2020 lors des restrictions d’activités. Nous avons donc déjà dépassé le simple « rebond » attendu.
Quant à la guerre russe en Ukraine, elle se traduit pour l’Union Européenne en recherches angoissées de nouveaux fournisseurs de gaz et de pétrole. Les prix du pétrole battent des records. La société saoudienne Saudi Aramco annonce des profits historiquement élevés (39,5 milliards de dollars pour le premier trimestre 2022), une hausse de sa production à 13 milliards de barils par jour d’ici 2027 et sa capitalisation boursière… dépasse désormais celle d’Apple. Une réalité qui rend presque puérils les espoirs des rédacteurs du GIEC qui écrivaient en pleine pandémie : « Les avantages d’un soutien coordonné à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique au cours de la prochaine décennie pourraient potentiellement être très élevées dans l’ère post-COVID » (résumé technique du groupe 3).
Agir efficacement pour atténuer l’ampleur du changement climatique futur et donc de ses dégâts suppose de regarder avec lucidité ces différentes raisons pour lesquelles la trajectoire des émissions mondiales de gaz à effet de serre est aussi proche de l’hypothèse « business as usual » posée en 1990. Les attaquer toutes simultanément apparaît alors comme la seule stratégie efficace possible.

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