S’il y a bien une réforme qui ne passera pas par le 49.3, c’est bien celle de l’assurance chômage. Risque zéro pour le gouvernement. Le projet de loi qui l’autorise à modifier les règles de l’assurance chômage est bien parti pour être définitivement adopté grâce aux voix des parlementaires de Renaissance et des Républicains. Discrédités par le discours politique, ces chômeurs ne peuvent pas compter sur les actifs « occupés » pour les soutenir. De sondage en sondage, le « peuple de gauche », même lui, serait majoritairement convaincu que si les chômeurs se donnaient un peu de peine, ils trouveraient du boulot.
Voilà donc un texte qui promet d’être populaire. Autant en profiter pour racler les fonds de tiroir. Après la réforme de 2019 qui a déjà durci les règles de l’assurance chômage, avec ce projet de loi qui veut moduler par décret l’accès à une indemnisation en fonction de la conjoncture – comment, c’est encore une autre histoire – , on pensait qu’il ne restait pas grand-chose à gratter.
Erreur ! Les députés ont adopté un amendement sur les abandons de postes. Les salariés qui claquent la porte sans répondre aux mises en demeure de leur employeur et qui finissent par être licenciés pour faute n’auront plus droit à l’assurance chômage. Leur désertion sera considérée comme une démission sans possibilité d’être indemnisés. Peu importe qu’ils n’aient parfois pas d’autre solution lorsque les relations de travail se dégradent. La rupture conventionnelle requiert l’accord de l’employeur qui doit accepter de verser des indemnités de départ. Quant à la prise d’acte – le salarié part de lui-même sans toucher le chômage – , elle suppose une procédure judiciaire pour requalifier le départ en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Avec un barème Macron qui plafonne les indemnités prud’homales et peut être dissuasif.
Face au dogmatisme, les chômeurs ne peuvent rien. Ils sont voués à boire le calice jusqu’à la lie
Et ce n’est pas fini. Pour sa future réforme des retraites, le gouvernement a aussi plein d’idées pour augmenter le taux d’emploi des seniors. Comme raboter la durée maximale d’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans, qui est de trois ans aujourd’hui. Selon une information du quotidien Les Echos, cette piste serait abandonnée. Mais rien ne dit pour l’heure qu’elle ne réapparaîtra pas ou qu’elle ne sera pas remplacée par une dégressivité des allocations qui n’existe aujourd’hui que pour les cadres. Ce système a pourtant déjà été éprouvé en France pour l’ensemble des demandeurs d’emploi et supprimé pour cause d’inefficacité. Quelle que soit l’option qui sera choisie, les employeurs vont-ils s’émouvoir de ce durcissement des règles et garder les plus âgés en emploi, voire ne plus jeter leur CV à la poubelle ? On peut toujours y croire.
Contrôles renforcés
Pour chaque problème du marché du travail, les chômeurs sont priés d’apporter leur écot. Le plan de réduction des tensions de recrutement du gouvernement prévoit ainsi le renforcement du contrôle de la recherche d’emploi. 500 000 contrôles seront effectués en 2023, dont 60 % à 70 % sur les métiers en tension.
Il est toujours surprenant que les mesures qui visent à fluidifier le marché du travail commencent par sanctionner ceux qui n’ont pas de prise sur les embauches. Il est encore plus ahurissant de légiférer « sur des on-dit », pour reprendre la formule du leader de la CFDT, sans aucune évaluation, ni de la précédente réforme, ni de celle à venir. Personne n’est par exemple en mesure de quantifier l’ampleur des abandons de postes. Mais pourquoi se gêner ? Légiférer par amendement est bien pratique : aucune étude d’impact n’est nécessaire.
Il existe pourtant quantité de chiffres et d’études qui pointent ce qu’est la réalité d’une recherche d’emploi, ce que touche (ou pas) un chômeur, ou encore qui dégonflent les idées reçues sur la fraude ou les emplois non pourvus… Mais ils glissent sur le gouvernement comme sur une toile cirée. Le rapport sur le non-recours à l’assurance chômage qu’il a lui-même remis, avec deux ans de retard, au Parlement pointe qu’entre 25 % et 42 % des salariés éligibles ne demandent pas les prestations auxquelles ils ont droit. Des profiteurs du système ? Face au dogmatisme, les chômeurs ne peuvent rien. Ils sont voués à boire le calice jusqu’à la lie.
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