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Après le relâchement de la politique « zéro Covid », Omicron accélère sa course, en Chine. Face à la brutale augmentation des infections dans la capitale et sa région, la pharmacopée traditionnelle est dévalisée, comme les remèdes de grands-mères.
Article réalisé avec Louise May
« Qu’est-ce que vous voulez ? », demande une infirmière aux joues rosies par le froid.
Les yeux cernés au-dessus du masque, la moue un rien blasée, cette dernière connaît déjà probablement la réponse. « Lianhua Qingwen ! », lancent, comme un seul homme, les clients qui patientent en file indienne devant le guichet de cette petite pharmacie, située à deux rues de l’hôpital de Chaoyang, à Pékin.
À chaque fois, le même cri du cœur. À chaque fois ou presque, les mains des pharmaciennes et de pharmaciens qui s’ouvrent vers le ciel : « Désolé, il n’y en a plus ! »
« La fin du zéro Covid en Chine est une aubaine pour la médecine traditionnelle », relève France 24. L’envolée de la demande, et surtout des prix, vaut en réalité pour la plupart des médicaments antipyrétiques et antidouleur.
À Shanghai, l’Ibuprofène s’échange jusqu’à 40 euros les 150 grammes, rapportent des internautes. Ce qui vaut pour les cachets occidentaux, vaut également pour les décoctions de la médecine chinoise.
Promu par l’État, le Lianhua Qingwen (LHQW), traitement de médecine chinoise traditionnelle (MCT) contre la grippe, est l’une des stars incontournables de l’ère épidémique. Distribué dans les « hôpitaux » de quarantaine pour asymptomatiques et à légers symptômes, ce composé à base de rhubarbe, de noyau d’abricot, de chèvrefeuille et d’éphédra s’arrache dans les pharmacies et les boutiques en ligne.
À Shijiazhuang, la capitale de la province du Hebei autour de Pékin, un grossiste raconte qu’il s’est vendu jusqu’à 400 000 boîtes par jour récemment. Le prix du médicament a grimpé de 240%, indique Sina News, alors qu’il existe d’autres formules ayant pour objectif d’éliminer la chaleur (inflammation), les toxines et d’améliorer la ventilation pulmonaire.
Pendant le confinement de Shanghai au printemps dernier, une vingtaine de traitements entraient dans la liste des cliniques de la fièvre et le taux d’utilisation des remèdes MTC était de 98%, sachant que la grande majorité des personnes positives avaient peu de symptômes.
Translation: Illegal drugs? 150mg of ibuprofen goes for 45 USD now in Shanghai. At these prices, who needs to deal meth? pic.twitter.com/gDPM2JHq4M
Après trois ans de politique « zéro Covid » visant à colmater la moindre des brèches pouvant laisser échapper le virus, les vannes sont désormais grandes ouvertes. « Chacun est responsable de sa santé », dit le nouveau slogan ressassé par les médias officiels.
Les autorités espèrent contenir la vague à 10% des habitants infectés, mais certaines estimations parlent déjà de plus de 13% en l’espace de moins d’une semaine. Un changement à 180° alors que jusqu’au XXᵉ Congrès du PCC en octobre, les autorités sanitaires chinoises promettaient de ne jamais « s’allonger » devant l’épidémie, autrement dit « vivre avec le virus » comme l’ont fait dès l’automne 2021 les autres pays « zéro Covid », tels que la Corée du Sud, Taïwan ou l’Australie.
Une fois le président chinois reconduit dans son mandat, après les manifestations contre cette stratégie sanitaire ultra-stricte, l’appel du monde des affaires à un changement de cap, le pouvoir communiste a donc finalement décidé d’abandonner son « quoi qu’il en coûte » de l’économie.
Impossible de rejouer le scénario du blocus de Shanghai à Pékin. Résultat : la première vague Covid a vidé les rues de la capitale, rappelant des scènes de l’hiver 2020. Sidération devant le nombre des personnes infectées dans son entourage, mais surtout beaucoup de malades et donc l’impossibilité pour les entreprises de fonctionner normalement. Retour au télétravail, fermeture des commerces : ici ce sont les serveurs d’un café qui ont de la fièvre, là le cuisinier d’un restaurant qui s’est fait porter pâle, plus loin la marchande de légume trouve qu’Omicron est plus fort que la grippe, enfin l’armée de livreurs a été en partie dispersée par la pneumonie virale.
The blue or the red pill.
Chinese Hospitals combine TCM with Western Medicine. In this case 连花清瘟颗粒 – which is said that is magic against Covid symptoms – and Paracetamol.
Choose yours or both. pic.twitter.com/efmxUgYwUC
Le tsunami Omicron, ce sont aussi ces montagnes de colis abandonnés, ces poubelles non ramassées dans certaines rues de la capitale chinoise. Ce sont surtout des habitants désemparés dans une ville, provisoirement plus fermée encore que sous les confinements « zéro Covid ». Même les personnels soignants sont touchés, alors que les patients affluent. Quelque 22 000 personnes sont hospitalisées tous les jours, affirmait mardi la télévision centrale de Chine, avec des hôpitaux qui tournent au ralenti et la multiplication des consultations en ligne.
« Le niveau de contaminations est tellement élevé qu’on nous recommande de boucher les conduits d’éviers, de fermer la lunette des toilettes pour éviter la transmission du virus via les canalisations, explique une professeure de chinois. Et notre comité de résidence nous a demandé de ne plus les appeler, sauf urgence. Il y a une pénurie de médicaments. Chacun doit se débrouiller, on boit beaucoup d’eau chaude. »
Ceux qui ont anticipé la vague, ou qui avaient de bonnes connexions, ont stocké les traitements traditionnels à base de plantes, dont les fameuses boîtes bleues et blanches du Lianhua Qingwen. L’action des laboratoires Yiling Pharmaceutical qui les fabriquent s’est envolée : plus 45% en un mois, selon le South China Morning Post. Un boom des ventes pour des traitements recommandés par l’état, qui suscite la polémique.
For all my love of traditional Chinese culture, the government’s TCM push baffles me. I can’t figure out if they really think this stuff can treat Covid, or if it’s just cynical profiteering/nationalist politics. Would actually prefer the latter… https://t.co/j1tkI753ri
L’assouplissement des contrôles et de la prévention de l’épidémie ravive en effet le débat sur la promotion par le gouvernement de la médecine traditionnelle chinoise. « Les traitements MTC n’empêchent pas de contracter le Covid-19 », déclarait cet été Zhong Nanshan, dans des propos rapportés par le South China Morning Post. Le pneumologue découvreur du SARS-CoV-1 et « tsar chinois » de la lutte contre le SARS-CoV-2 a lui-même été soupçonné d’avoir promu des remèdes Covid-19 inclus dans le traitement officiel de Pékin, et cela sans divulguer ses liens avec les fabricants, affirme le Financial Times. Un pas de côté pour le héros de la lutte anti-Covid et des regrets de la part d’une partie des promoteurs de ces traitements.
La seule étude sur la façon dont le Lianhua Qingwen parvient à réduire les symptômes du Covid est controversée. La revue médicale Phytomedicine a dû présenter des excuses après avoir découvert que l’un des co-auteurs était le gendre du fondateur de la société pharmaceutique fabriquant LHQW, souligne le Wall Street Journal dans son enquête. Le célèbre biologiste Rao Yi, qui a contracté la maladie la semaine dernière, a écrit à un journaliste sur WeChat lui déconseillant les remèdes à base de plantes comme le Lianhua Qingwen promu par l’État pour vaincre le Covid. « Je n’arrive pas à savoir s’ils pensent vraiment que ce truc peut traiter le Covid, ou s’il ne s’agit que de nationalisme », s’interroge l’historien Taizu Zhang sur Twitter.
Since the abandonment of the zero covid policy, the Chinese have strangely started hoarding goods again.
In a tweet, a Chinese wonders why canned peaches have been sold out for days.#China pic.twitter.com/rLv7p6pjoE
Plus généralement, face à la flambée des contaminations et au risque que, pour la première fois, la Chine se retrouve avec une poussée des décès liés aux formes graves de la pneumonie pulmonaire, les experts invitent à se méfier de la « médecine magique » et des remèdes de grands-mères. La dernière razzia dans les rayons des épiceries à Pékin concerne les pêches au sirop. Surnommé le « roi des fruits en conserve » par les publicitaires, le produit est là encore en rupture de stock et exposé comme un trophée sur les réseaux sociaux.
« Je viens du Dongbei (nord-est de la Chine) et ceux qui savent, comprendront pourquoi j’ai ces conserves », dit un jeune internaute.
La recette vient des plaines froides du nord du pays où rien ne pousse l’hiver. Plusieurs générations ont gouté à ces fruits « froids et doux » qui rendent le sourire, quand on a un rhume ou qu’on est fiévreux, disent les traditions locales. La pêche en mandarin sonne comme le mot « évasion », conduisant à l’idée que manger ces fruits vous aidera à échapper à la maladie, note le South China Morning Post. Les rumeurs sur les soi-disant bienfaits contre le Covid de fruits en bocaux ont déclenché une frénésie d’achats dans tout le pays. Et les scientifiques ont dû de nouveau sortir les rames : mangez des pêches, car elles sont pleines de vitamines C, mais attention à ne pas les confondre avec des médicaments. Un conseil filé avec humour par une partie des internautes qui dans les commentaires confirment que les pêches jaunes en conserve n’ont aucun effet médicinal, mais qu’en revanche elles ont bien des « pouvoirs magiques ».
RFI : Pourquoi la médecine traditionnelle fait partie des traitements utilisés contre le Covid ?
Lin Zhixiu : Dans la médecine traditionnelle chinoise, le Covid fait partie des maladies épidémiques. Les principaux symptômes de ce genre de maladie sont la fièvre, la peur du froid, le mal de gorge, la toux et même certains maux de tête et courbatures. Pour le Covid, ce sont les agents pathogènes de la chaleur et du vent qui envahissent le système pulmonaire. Nous utilisons donc un traitement pour expulser l’agent pathogène du vent, tout en éliminant la chaleur et en soulageant les agents toxiques pour soulager la gorge. Nous utiliserons pour cela un traitement avec de la poudre de Yin-Qiao ou de la poudre de chèvrefeuille et de forsythia comme prescription de base.
Quels sont les effets des traitements à base de médecine traditionnelle ?
Dans la pharmacologie moderne à base de plantes, l’efficacité de la MTC est liée à son effet anti-inflammatoire. Cela peut alléger les symptômes cliniques du virus et ensuite empêcher la maladie de s’aggraver. Plus l’intervention en médecine chinoise est précoce, plus la fièvre sera courte et plus les patients redeviendront vite négatifs. À Hong Kong, nous avons principalement distribué le Lianhua Qingwen qui comprend de la rhubarbe chinoise qui nettoie votre estomac et vous envoie plus souvent aux toilettes. Il y a aussi les granules de Jinhua Qinggan et enfin, la poudre d’Agastache qui permet de réguler le Qi.
Peut-on combiner la MTC et les médicaments occidentaux contre le Covid ?
Si les symptômes sont légers, les patients restent à la maison et peuvent prendre simplement de la médecine traditionnelle chinoise. Si les cas sont sévères, les hôpitaux utilisent des traitements occidentaux. Généralement, nous recommandons aux malades d’espacer les prises de traitements MTC et occidentaux de deux heures.
Avec quel type de variants la médecine traditionnelle fonctionne le mieux ?
Nous n’avons pas malheureusement de données suffisantes pour effectuer une comparaison. On peut utiliser la MCT pour la souche originale du Covid à Wuhan, le variant Delta et Omicron. Sachant que le variant Omicron est moins pathogène et que la plupart des patients ont des symptômes légers, la MTC est toutefois plus efficace avec Omicron. Les prescriptions ont d’abord été utilisées contre la grippe. Le Lianhua Qingwen a été mis au point en 2004 et le Jinhua Qinggan en 2016, donc avant le Covid.
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