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Cet article paru dans la revue Techni Cités présente l’approche du Cerema pour une gestion des infrastructures prenant en compte les impacts présents et à venir du changement climatique.
En plus des contraintes liées aux évolutions démographiques, à l’urbanisation et au vieillissement de ces infrastructures, nous sommes de plus en plus confrontés à des défis complexes liés à des risques naturels dont la fréquence et l’intensité augmentent dans un contexte de changement climatique. Il est aujourd’hui nécessaire de définir de nouvelles approches de gestion de nos patrimoines d’infrastructures.
Parmi les multiples composants d’un territoire, les réseaux de transport jouent un rôle-clé dans le lien entre les espaces, l’activité économique, en somme: la circulation des idées, des biens, des personnes et des services. Soumises à de nombreux aléas d’origine naturelle ou anthropique, les infrastructures de transport, pour la plupart construites au siècle dernier, doivent composer avec le changement climatique qui accentue leurs vulnérabilités.
Cela implique pour les gestionnaires de s’assurer que leurs réseaux sont en capacité:
Le changement climatique se manifeste principalement de deux manières : une évolution tendancielle (hausses de température, évolutions des cumuls de précipitations…) ; et des événements extrêmes, dont la fréquence et l’intensité augmentent depuis quelques années.
La Commission européenne estime que le coût des dommages liés aux aléas climatiques sur les infrastructures de transport sera multiplié par trois au cours de la décennie, et par six d’ici à 2050.
Ces événements sont à considérer dès aujourd’hui, non seulement au travers de la gestion de crise mais aussi au travers des techniques de construction et d’entretien. Si les réseaux de transport sont paralysés, c’est la vie sociale et économique du territoire qui est impactée.
Malgré une image répandue de robustesse, les infrastructures de transport se dégradent. L’évolution inéluctable du climat va modifier les paramètres climatiques qui ont servi ou servent aujourd’hui à leur dimensionnement, ce qui accentue leurs vulnérabilités à court ou moyen terme : chaussées fissurées par des cycles de gel/dégel plus fréquents, routes et ouvrages d’art détruits par les crues plus intenses, réseaux coupés plus fréquemment suite à des chutes d’arbres…
Au fil des années, le Cerema a développé une méthode appelée “gestion intégrée des patrimoines d’infrastructures” qui consiste à adopter une approche systémique à l’échelle des réseaux entiers.
Le Cerema est également impliqué dans les travaux de l’Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse, qui a pour objectif de concevoir et tester des solutions de réparation et d’entretien pour les routes impactées par la sécheresse.
L’Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse
Les fiches du cerema pour les gestionnaires
Penser dès aujourd’hui des réseaux résilients
Le contexte socio-économique et environnemental nécessite d’élargir l’échelle des réflexions.
Les contraintes budgétaires et le vieillissement des infrastructures existantes obligent à des choix d’actions, et les décideurs peuvent être amenés à faire le choix de renforcer, remplacer, maintenir ou abandonner à terme certaines parties de leurs réseaux.
Les manières traditionnelles de gérer les patrimoines, que ce soit en reportant les réparations jusqu’à une détérioration majeure ou sans prendre en compte l’infrastructure dans son environnement socio-économique, ne sont aujourd’hui plus viables. Se contenter de réparer des infrastructures en mauvais état ne peut plus fonctionner : c’est une manière coûteuse et inefficace de gérer un réseau en le laissant se déprécier, entraînant à la fois une perte de valeur et une dégradation des conditions de circulation. En définitive, ce type de solution finira toujours par coûter plus cher au gestionnaire et aux usagers.
Pour gérer au mieux son patrimoine et garantir sa durabilité, le gestionnaire doit pouvoir identifier quelles évolutions peuvent affecter son réseau – actifs et services – et à quelles échéances. Il doit ensuite pouvoir identifier des futurs possibles pour ajuster au mieux ses politiques notamment aux échelles de temps des niveaux stratégiques (ex. : mandats électoraux) ou opérationnels (ex. : planifications budgétaires).
La mise en place d’une démarche de gestion intégrée du patrimoine commence par la définition des objectifs, qu’ils soient techniques et patrimoniaux, environnementaux, sociaux et territoriaux ou budgétaires. Il faut également définir les périmètres géographiques, techniques et temporels à prendre en compte.
Cela ne se limite généralement pas à l’inventaire localisé des actifs et des composants. Leurs caractéristiques physiques et techniques, leurs usages, les bénéfices induits pour les usagers et le territoire, ou encore leurs impacts sur l’environnement peuvent être des éléments clés. Cette approche intègre également les indicateurs de performance basés sur les niveaux de service souhaités ou l’efficacité de l’organisation en place.
Cette étape permet de définir le positionnement du décideur et du gestionnaire et d’orienter les études au regard des objectifs fixés.
Pour intégrer le changement climatique à cette démarche, il est nécessaire de réaliser une analyse de l’exposition du réseau et de ses fonctionnalités aux conditions climatiques actuelles et futures.
Cette étape est complétée par une analyse des facteurs d’aggravation liés à des contextes particuliers (géographiques, usages…), et des vulnérabilités physiques et fonctionnelles du réseau. Le croisement de ces analyses définit le niveau de risque face à un aléa. Le niveau de détail est systématiquement adapté au gestionnaire, à la typologie du réseau et aux objectifs visés. Grâce à cette connaissance, il est ensuite possible de projeter le patrimoine et sa performance selon des scénarios prospectifs adaptés (horizons climatiques, évolutions socio-économiques…) tenant compte des caractéristiques propres du réseau.
Cette démarche est une opportunité pour analyser son réseau et mettre en place une stratégie d’adaptation et plus globalement de gestion intégrée de son patrimoine sur le court ou le long terme.
Rapportée au cycle de vie de l’infrastructure, la mise en place de ces adaptations s’avère bien souvent intéressante d’un point de vue économique. En 2019, le Cerema a ainsi accompagné un gestionnaire autoroutier qui souhaitait intégrer les enjeux du changement climatique dans son fonctionnement.
Une analyse de vulnérabilité aux aléas actuels et à leur évolution a permis la mise en place de mesures spécifiques relatives :
Cette méthodologie peut s’appliquer à de nombreux types d’infrastructures et de gestionnaires. Face aux enjeux de maintien de son activité portuaire et de la préservation de ses infrastructures, un grand port maritime (GPM) français a souhaité intégrer l’adaptation au changement climatique à sa stratégie de gestion.
Les travaux menés après une définition précise des objectifs et des périmètres (emprises foncières, infrastructures, réseaux, bâtiments, entreprises hébergées…) ont permis de définir une stratégie d’adaptation et une priorisation des actions à mener.
Cette stratégie repose sur:
Une autre étude a montré la pertinence de cette méthode lorsqu’elle est appliquée à l’évaluation de la résilience du réseau dense d’une grande métropole française comprenant plusieurs types de transports : routier, en commun (guidé ou non), ferroviaire.
Dans ce contexte multimodal qui crée de nombreuses interdépendances, il est essentiel d’opérer une hiérarchisation spécifique des différents enjeux à la fois physiques et fonctionnels et d’avoir une approche globale.
Après avoir établi sa stratégie, le gestionnaire peut mettre en place des plans d’action et de gestion. Cela passe par la sélection et la priorisation de solutions d’adaptation techniques, organisationnelles, d’exploitation et de gestion des actifs.
Ces solutions peuvent faire l’objet d’une évaluation de leur pertinence et de leur efficacité selon des critères budgétaires, de facilité de mise en oeuvre, d’impacts sur les niveaux de service et sur l’environnement, de consommations des ressources, de lutte contre le changement climatique, de nuisances pour les riverains et usagers… La hiérarchisation est réalisée en fonction des objectifs visés, des impacts (sociaux, environnementaux, économiques), et des contraintes existantes (moyens financiers, humains…). Un plan d’adaptation reprenant les différentes solutions retenues, et définissant un calendrier de réalisation et de suivi, peut alors être mis en place. L’identification des acteurs à mobiliser doit être intégrée dès cette étape afin d’adopter un plan de gestion optimal : une véritable stratégie d’action.
Le Cerema accompagne ainsi un département de montagne dans l’adaptation des objectifs de sa politique d’entretien des routes. Les évolutions proposées concernent les processus de programmation ; les solutions techniques envisagées pour les travaux de maintenance et de réhabilitation ; ainsi que les compétences techniques et opérationnelles à maintenir ou à renforcer.
Plusieurs actions spécifiques sont proposées pour prendre en compte les spécificités d’un réseau routier de montagne et notamment l’accès aux stations de sport d’hiver. Cette démarche serait incomplète sans des actions de communication à destination des bénéficiaires, des décideurs et des usagers. Cela permet une meilleure appropriation de la stratégie et des actions par l’ensemble des parties prenantes.
La plupart des décideurs et des gestionnaires sont déjà engagés dans cette démarche sans l’avoir formalisé complètement. Le Cerema peut les accompagner et les aider à répondre à la multiplicité des enjeux auxquels ils sont confrontés.
Rendre les territoires plus résilients est un défi de long terme. Pour les décideurs, c’est aussi une opportunité d’améliorer les conditions d’attractivité et de qualité de vie de leur territoire en répondant aux enjeux, aux opportunités et aux contraintes actuelles et futures, de la manière la plus efficace, efficiente et responsable possible.
Par Fabien Palhol, Directeur de la Recherche et de l’Innovation, Pierre Gayte, Responsable d’études Résilience et Gestion intégrée de patrimoines d’infrastructures, et Marie Colin, Référente technique Résilience des infrastructures et Adaptation au changement climatique, Cerema ITM
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