Le projet de loi de finances 2023 voit revenir le débat sur les superdividendes et les superprofits à l'occasion de son examen en première lecture au Sénat.
Par Isabelle Ficek, Isabelle Couet
Le gouvernement n'a absolument pas envie de voir revenir à l'Assemblée en deuxième lecture du projet de loi de finances (PLF) 2023 les débats autour des superprofits et des superdividendes . Mais la porte de sortie qui était envisagée dans la majorité – une mesure de partage de la valeur-, s'avère trop complexe pour faire l'objet d'un amendement budgétaire, comme l'a indiqué la Première ministre, Elisabeth Borne, dans un entretien aux « Echos » .
« Ce serait contre-productif, même si je comprends l'impatience de la majorité », a expliqué la cheffe du gouvernement, rappelant qu'il y a une négociation en cours des partenaires sociaux sur le partage de la valeur.
DOSSIER – « Partage de la valeur » au sein des entreprises : les clefs du débat
Avant le retour du PLF à l'Assemblée, ce sont les sénateurs, socialistes et centristes, qui se chargent de remettre les sujets des superprofits et des superdividendes sur la table.
Côté Modem, le président du groupe à l'Assemblée, Jean-Paul Mattei , a trouvé un relais à la Chambre Haute avec le sénateur (Modem) Jean-Marie Vanlerenberghe, membre du groupe Union centriste, qui a déposé un amendement sur les superdividendes, retravaillé avec Jean-Paul Mattei. « C'est un symbole. La politique, ce sont des signes. Il s'agit de montrer à nos concitoyens que les entreprises qui ont bénéficié de la situation sont solidaires aussi ».
Si l'amendement, voté à l'Assemblée mais écarté par le gouvernement lors du recours au 49-3, a été modifié, il s'agit toujours de proposer une taxation supplémentaire, si les dividendes 2022 et 2023 distribués par « les sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 1,2 milliard d'euros » sont 20 % supérieurs à la moyenne des dividendes versés de 2017 à 2021. Il serait alors prévu de faire passer la flat tax de 30 à 35 %.
« Il s'agit surtout d'inciter les entreprises à ne pas distribuer de dividendes trop importants mais au contraire à investir, notamment dans la transition écologique », explique Jean-Marie Vanlerenberghe. Une vision que partagent les socialistes. «Les superdividendes sont des profits qui ne sont pas réinvestis dans l'entreprise», pointe Rémi Féraud, sénateur PS de Paris. «Le gouvernement et Les Républicains sont dans la surenchère sur le moins d'impôt, mais c'est un slogan inadapté à la période que nous traversons, qui exige au contraire une plus grande redistribution de la part des entreprises qui génèrent d'énormes profits».
Mais alors que le sénateur centriste du Pas-de-Calais juge que leur « amendement ne gêne pas du tout la négociation en cours sur le dividende salarié », l'élu PS estime de toute façon que la priorité doit être donnée à la hausse des salaires.
Les deux groupes vont aussi défendre l'instauration d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits, étendue à l'ensemble des secteurs et ciblant les plus grandes entreprises.
Les amendements sur les superdividendes et superprofits pourraient être examinés, selon l'avancée de l'examen du PLF au Sénat, lundi ou mardi. Les centristes sont plus que prudents sur la possibilité de réunir une majorité sur ces amendements. Mais ils voient aussi ces débats, au-delà de symboles pour l'opinion, comme une pression qui continue de s'exercer sur le gouvernement et les partenaires sociaux pour aboutir, in fine, l'an prochain, à des mesures supplémentaires sur le partage de la valeur.
Du côté du patronat, on suit ces débats avec une pointe d'agacement. « Cette diabolisation des dividendes en France est étonnante », lâche l'un de ses représentants. Et de citer certaines mesures du gouvernement comme l'interdiction de versement de dividendes pour les entreprises qui ont obtenu un prêt garanti pendant la crise Covid, ou, plus surprenant encore pour lui, les exonérations de contributions patronales accordées pour les PME et ETI qui distribuent des actions gratuites aux salariés à la condition qu'elles n'aient jamais versé de dividendes. « Le jour où il n'y aura plus de dividende, il n'y aura plus de capital ! » Un débat loin d'être clos.
🗣 Le gouvernement propose le dividende salarié➡️ "Ce système obligatoire ne paraît pas bon", réagit Geoffroy Roux de Bézieux. "Vous avez dans le Code du travail quelque chose qui s'appelle le dividende du travail. Donc ça existe"
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Isabelle Couet et Isabelle Ficek
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