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Bernard Lecomte : "Poutine veut geler le conflit parce qu'il a le … – L'Express

Spécialiste des pays de l’Est, Bernard Lecomte raconte les mystères de l’histoire russe récente. Et explique en quoi Vladimir Poutine en est le produit.
Selon Bernard Lecomte, Vladimir Poutine est un "manipulateur hors pair".
Mikhail Metzel / SPUTNIK / AFP
Ancien grand reporter à L’Express, Bernard Lecomte a le sens du récit. La Russie, où il a officié plus de dix ans comme envoyé spécial, lui en fournit la matière. D’une plume vive et plaisante qui trahit l’ex-journaliste, le biographe de Gorbatchev (Gorbatchev, 2014, Perrin) revisite les plus grands mystères du pays des tsars depuis 1917. Son ouvrage, initialement publié en 2017, reparaît aujourd’hui, augmenté d’un chapitre sur la guerre en Ukraine (Les secrets du Kremlin : 1917-2022, Perrin). Entretien.
L’Express : Quel est le plus grand mystère de l’histoire russe ?
Bernard Lecomte : C’est qu’elle est impénétrable ! L’histoire russe est pleine de mystères fascinants et d’incroyables déformations de la vérité. Aujourd’hui, en Russie, on ne trouve dans aucun manuel ni aucun livre la moindre allusion à l’alliance de Staline et Hitler d’août 1939 à juin 1941. Le pacte germano-soviétique a été effacé de l’histoire russe ! Ce n’est pas un hasard si, en décembre, les autorités policières ont liquidé l’association Mémorial, fondée par le dissident soviétique Andreï Sakharov pour documenter les crimes de Staline. Tout cela a été rayé de l’histoire russe.
On surnommait l’URSS “le pays du grand mensonge”. L’expression s’applique-t-elle à la Russie d’aujourd’hui ?
C’est un des constats fascinants que font les connaisseurs de la Russie : l’incroyable retour en arrière provoqué par Poutine et ses amis, qui veulent absolument revenir à une URSS sans le communisme. On assiste au retour du “pays du Grand mensonge”, titre du livre de l’ancien communiste yougoslave Anton Ciliga. Le titre original de son témoignage, paru en 1935, est Dix ans au pays du mensonge déconcertant. Et de fait, on est déconcerté par la puissance, la profondeur et la systématisation de ce “grand mensonge” !
Comment expliquer que le mensonge occupe une telle place dans l’histoire russe ?
La question mériterait un livre à elle seule ! J’ai été plus de dix ans envoyé spécial permanent à Moscou. On a du mal à pénétrer la culture russe, et quand on le fait, on découvre sa différence avec la nôtre. Nous sommes habitués à Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine. Ces auteurs nous fascinent parce qu’ils sont profondément russes. On trouve chez eux un souffle de vérité qui rend leur littérature fascinante, mais ce n’est pas l’esprit de Voltaire, Chateaubriand ou Hugo ! Notre culture, avec l’Antiquité gréco-romaine et la Renaissance jusqu’à cette espèce de mélange du christianisme et des Lumières, aboutit à privilégier la vérité, le droit, la personne humaine, la liberté de l’individu. La Russie, elle, a d’autres valeurs : le collectif, la solidarité, la puissance, la force. On retrouve cette dichotomie dans la guerre en Ukraine. Ce que veulent les Ukrainiens, c’est adhérer à cette culture européenne. La culture russe, de plus en plus autonome, rejette violemment l’histoire de Rome et de Constantinople. Elle s’est proclamée “troisième Rome” et prétend remplacer notre Occident “dégénéré” et “pourri”, pour citer Vladimir Poutine.
Il y a une incompréhension, un fossé multiséculaire, entre l’Europe occidentale et cette espèce d’Orient slave qui, de temps en temps, semble aspiré par cette dernière. Pierre Le Grand, de Gaulle, Jean-Paul II ou Gorbatchev ont cru – et ils n’étaient pas les seuls – qu’on pouvait rabibocher les deux cultures, former un ensemble, une “maison commune” entre l’Europe occidentale et la Russie. A l’inverse, Vladimir Poutine approfondit aujourd’hui, de façon systématique et violente, ce fossé multiséculaire.
Vladimir Poutine est-il l’héritier de Staline ?
Poutine est d’abord son admirateur. Mais en effet, ses pratiques rappellent étrangement celles de Staline : intox, violence, répression, mensonge. Il est son parfait élève.
Vous consacrez un chapitre à l’ascension de Vladimir Poutine, que rien ne prédestinait à diriger la Russie… Cet homme est-il un médiocre ?
C’est un personnage moyen, qui est, comme nous tous, le produit de son enfance et de sa jeunesse. Son enfance, celle d’un petit voyou des rues de Leningrad, va marquer sa personnalité. Il a réussi à s’en sortir grâce à professeur de judo intelligent qui voulait le sauver de la rue et de la délinquance. Il a aspiré à devenir un agent du KGB et, à force de volonté, y est parvenu. Comme tout agent du KGB, Vladimir Poutine est un manipulateur, c’est son métier. Appelé en tant que juriste pour le cabinet du maire de Leningrad, Anatoli Sobtchak, il deviendra, à force de ruses et de manœuvres, le candidat de Boris Eltsine à sa succession. Aujourd’hui encore, il manipule l’Occident, l’Union européenne, l’opinion publique russe. Il est un manipulateur hors pair, qui restera dans l’Histoire à ce titre. Comme le dit un proverbe moscovite, “Il n’existe pas d’ancien agent du KGB” : quand on l’a été un jour, on le reste toute sa vie.
De façon surprenante, vous rapprochez le KGB, école de formation des élites politiques russes, de notre ENA…
Ce n’est pas moi qui fais cette comparaison, tout le monde disait cela à l’époque. Iouri Andropov, à la tête du KGB pendant dix-sept ans (1967-1982), était un homme extrêmement intelligent. Il a transformé des brutes policières en dirigeants bien informés, qui apprenaient d’autres langues, lisaient la presse étrangère… Ils constituaient l’élite de la société russe, et la comparaison avec l’ENA se justifiait. Le KGB a été décapité à la fin de l’URSS, en 1991. Poutine l’a remis sur pied [sous le nom de FSB depuis 1995, NDLR], mais ses dirigeants sont beaucoup moins intelligents et cultivés. Il reste autour de Poutine quelques rescapés du KGB de la grande époque, à l’image de son bras droit, Nicolaï Patrouchev, qui a commencé sa carrière comme major de son Institut polytechnique et naval. Aujourd’hui, rien ne se fait sans le FSB, pierre maîtresse du pouvoir, mais ce service est très différent du KGB des années 1980.
Connaissant l’histoire russe, l’invasion de l’Ukraine par la Russie est-elle vraiment une surprise ?
Toutes les grandes étapes de l’histoire de la Russie, tsariste puis soviétique, ressemblent à des accidents ; mais elles renvoient toujours aux mêmes références politiques et culturelles : le chef a toujours raison, l’armée lui obéit, le peuple subit. Nous avons d’un côté une armée ukrainienne, aidée par l’Occident, qui essaie de récupérer son territoire. Et de l’autre, une armée russe qui a montré ses faiblesses, aux ordres d’un pouvoir isolé, violent et qui s’assoit sur le droit international.
Mais ce pouvoir sait qu’il a le temps, c’est un aspect majeur des événements actuels. Poutine et son entourage veulent geler le conflit. A toutes les époques, les Russes ont cherché à le faire. Rappelez-vous les pays Baltes : les Russes avaient gelé leur occupation en 1944-1945 et en avaient fait des républiques soviétiques. On peut aussi citer l’Ossétie et l’Abkhazie, en 2008, et la Crimée, en 2014. Jouer la montre, c’est une constante de l’histoire russe. La Russie n’a pas de limites, ni dans l’espace ni dans la durée. Poutine a annexé quatre oblasts et a décidé qu’ils seraient russes : ils le seront avec le temps. Ce qui peut modifier cette histoire, c’est un accident : un assassinat de Poutine, une défaite absolue de l’armée suivie d’un effondrement de la société. Nous n’en sommes pas à l’abri. Mais pour la majorité des Russes, un jour, dans 30 ou dans 50 ans, l’Ukraine reviendra dans le giron russe.
Du point de vue de la communication, l’Ukraine de Volodymyr Zelensky n’a-t-elle pas pris le dessus sur la Russie de Poutine ?
Personne ne peut nier que Zelensky, ancien acteur et producteur de télévision, a crevé l’écran. Il est l’un des plus formidables communicants de l’histoire moderne, au point que tout le monde le compare à Churchill. Je mettrais tout de même un bémol. En Russie, la propagande en a fait une espèce de clown mafieux. J’ai la faiblesse de penser que Zelensky est un chef de guerre génial, parce qu’il obéit à nos critères militaires, de communication… Mais la majorité des Russes partagent-ils cet avis ? Rien n’est moins sûr !
Vous présentez l’invasion de l’Ukraine comme la « guerre de trop » : pour qui ? Pour Poutine ?
C’est d’abord, bien sûr, la guerre de trop pour l’Ukraine. Ce conflit accélère aussi la désorganisation de ce qu’était le monde du siècle dernier. C’est enfin la guerre de trop pour la Russie. J’aime ce pays, sa culture, j’ai pris du plaisir à visiter le Caucase ou la Crimée, des lieux avec lesquels j’ai un rapport affectif. Je suis catastrophé par le gigantesque retour en arrière que Poutine impose à sa société. Un certain nombre de ses décisions sont barbares, inhumaines, elles consistent à faire souffrir des millions de gens. Les Russes avaient le droit au progrès, à la civilisation, à la liberté, et ils vont en être durablement privés.
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