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Bernard Lecomte, historien: «Gorbatchev, c'est l'anti-Poutine à tous égards» – Libération

Mikhaïl Gorbatchev juste avant d’annoncer sa démission, le 25 décembre 1991 au Kremlin. (Liu Heung Shing/AP)
Il y a huit mois, on célébrait le 30e anniversaire de la chute de l’URSS, un séisme géopolitique qui, grâce au dernier leader soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, se déroula pacifiquement. Depuis six mois, le sang coule en Ukraine, attaquée par la Russie de Vladimir Poutine. L’historien Bernard Lecomte tend au pouvoir d’aujourd’hui le miroir de celui d’hier.
Mikhaïl Gorbatchev est décédé à un âge vénérable, à 91 ans, mais cette disparition résonne-t-elle d’une manière particulière aujourd’hui ?
Cette mort résonne curieusement aux oreilles de ceux qui suivent le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Gorbatchev c’est l’anti-Poutine, à tous égards. Gorbatchev croyait au communisme, Poutine n’y a jamais cru. Gorbatchev a essayé de démocratiser, de libéraliser un pays totalitaire. Il n’y est pas parvenu. Mais Poutine, lui, reprend le chemin d’une Russie totalitaire. Gorbatchev a été l’homme de l’effondrement de l’URSS, qu’il n’a évidemment pas voulu. Poutine ne cesse de regretter l’URSS. Les deux hommes sont en opposition intégrale. Mais le plus important, c’est que Gorbatchev, l’ancien communiste, avait compris que l’avenir de la Russie soviétique était du côté de l’Europe et des sociétés ouvertes. Poutine est convaincu que l’avenir de la Russie c’est de se couper de l’Europe et de redevenir un régime fermé comme l’URSS d’antan.
Ce que Poutine est en train de faire en Ukraine, c’est exactement ce que Gorbatchev a réussi à éviter il y a trente ans, au moment de la chute de l’URSS, quand le sang n’a pas coulé.
Ce que l’humanité doit à Gorbatchev et qui justifie d’ailleurs qu’il a eu le prix Nobel de la paix, c’est que dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, quand il apprend que le mur de Berlin a été ouvert, il dit à son collaborateur : «Téléphonez à notre ambassadeur pour lui dire que nous n’interviendrons pas.» C’est très exactement la démarche inverse de celle de Poutine qui, lui, alors que rien ne l’y obligeait, envoie ses chars intervenir en Ukraine.
Pourquoi les Russes ont-ils gardé un mauvais souvenir de Gorbatchev, malgré le vent de liberté qu’il a fait souffler sur le pays ?
Mettons-nous à la place des Russes qui, en 1985, voient arriver un dirigeant normal, et non pas un de ces dinosaures cacochymes qu’étaient Andropov ou Brejnev. Un dirigeant normal avec une First Lady normale. Qui leur parle un langage normal. Il leur dit : «On va desserrer le régime par la glasnost, par la perestroïka. Par l’ouverture au monde moderne.» Sur le plan culturel, les premières années de Gorbatchev ont été un véritable régal pour les Russes. Mais mettons-nous à la place de ces mêmes Russes, lorsque la politique de libéralisation, de démocratisation, aboutit à affaiblir le Parti communiste de l’URSS. Et dès lors que, dans cette société totalitaire, le parti unique est affaibli, tout part à vau-l’eau. D’une part, l’économie, qui est totalement ingérable autrement que dans ses cadres staliniens. Et surtout, le Parti communiste et le KGB n’ont plus de pouvoir sur les républiques soviétiques : l’Arménie, la Géorgie, la Lituanie, Lettonie, l’Ukraine prennent toutes leurs distances. Le Russe ordinaire, qui a cru en Gorbatchev, se rend compte que l’avenir va être terrible. C’est là-dessus évidemment que Poutine va construire son histoire. L’effondrement du système entraîne celui de l’économie et donc l’effondrement de la vie quotidienne. Et les Russes sont d’accord avec Poutine : ça a été une catastrophe.
Le régime de Poutine, surtout ces dernières années de durcissement, a-t-il participé volontairement, à saper l’héritage de Gorbatchev, salir sa mémoire, dans les discours, dans les représentations ?
Ce même 9 novembre 1989 déjà évoqué, Poutine est un agent du KGB en poste à Dresde, en Allemagne de l’Est. Il voit le mur s’effondrer. Et c’est tout son univers à lui, son idéal, sa patrie, ses rêves, qui s’écroule. Et Poutine, depuis, voudra prendre sa revanche sur cette soirée, qui a été pour lui un drame personnel épouvantable. Quand il prononce sa phrase devenue célèbre, «l’effondrement de l’URSS a été la plus grande catastrophe du XXᵉ siècle», évidemment c’est Gorbatchev qu’il a dans le viseur, un homme qu’il méprise, qui a été séduit par l’Occident «pourri» et «dégénéré».
Gorbatchev n’a-t-il pas été dépassé par ce qu’il avait provoqué ? Il n’a jamais voulu accepter que le système soviétique fût inconciliable avec la liberté et la démocratie…
Gorbatchev, tous ses proches vous le diront, était réellement, profondément convaincu qu’on pouvait réformer le communisme. Il a dit jusqu’au bout qu’il resterait fidèle au communisme de son père et de son grand-père, ce sont ses mots. Il était également convaincu qu’on pouvait concilier liberté et communisme. Mais c’était le cas de millions de personnes à l’époque, pour lesquelles c’est une très désagréable surprise que le communisme totalitaire ne soit pas réformable. Mais il y a quelque chose qui était encore plus surprenant. Personne, ni à l’Ouest ni à l’Est, n’avait prévu l’élément déclencheur de la fin du communisme. Personne n’avait imaginé que la Russie, elle aussi, allait s’émanciper de l’URSS. C’est la clé, que ni Gorbatchev, ni qui que ce soit d’autre ne pouvait prévoir : Eltsine se fait élire au suffrage universel direct à la tête d’un pays de 150 millions d’habitants avec un passé, une langue, une culture, un territoire, et l’arme atomique, au passage. En face, il y a Mikhaïl Gorbatchev, président de l’URSS, désigné par un politburo d’un parti complètement obsolète. Le choc entre la Russie renaissante et la coquille vide qu’était devenu l’URSS allait forcément donner raison à Boris Eltsine par rapport à Mikhaïl Gorbatchev.
En envahissant l’Ukraine, Poutine n’a-t-il pas mis un coup fatal à l’idée d’empire, ce même empire qu’il aspire tant à reconstruire ? N’est-ce pas lui finalement le véritable «fossoyeur de l’URSS» ?
Complètement, parce que Poutine est en train d’essayer de reconstituer une fausse URSS. La Russie de Poutine est réorientée sur le retour de l’URSS. Sauf que Poutine n’a jamais cru au communisme. Il s’en fiche complètement. Mais il veut retrouver cette société dirigée par le KGB, devenu le FSB, c’est-à-dire par quelques hommes et un tsar, de façon totalement autoritaire voire totalitaire. Dans son esprit, il faut remonter le temps, l’histoire. Il y a quelque chose de consternant dans ce que fait Poutine à l’égard de sa propre population. Et la mort de Gorbatchev, à l’époque duquel on pouvait créer un journal d’opposition, monter une pièce de théâtre dissidente, organiser un commerce totalement libre, vient le rappeler.
© Libé 2022
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https://netsolution.fr/piece-de-monnaie-commemorative-lettone-de-2-euros

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