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“Je n’suis qu’un soulman écoute ça baby, j’suis pas un superman loin de là”. Certains d’entre vous se doutent déjà de qui nous allons parler. Pour ceux qui n’auraient pas encore une idée, il s’agit, bien-sûr, de l’artiste Ben – anciennement Ben l’Oncle Soul. À l’occasion de son concert le 9 février à Londres, le musicien revient sur son amour (contagieux) pour la musique.
Benjamin Duterde, de son nom de scène Ben (également connu sous son ancien nom de scène Ben l’Oncle Soul), révèle il y a dix ans son premier album Soul Wash. Une soul attitude de chanteur sortie des Beaux-Arts de Tours. Depuis, sa voix suave a transporté des centaines de salles de concerts en France et à travers le monde. Mais ne parlez plus d’Oncle Soul. Aujourd’hui, c’est Ben. Tout court. Et non plus le personnage qu’il s’était créé à ses débuts. Simple, évident… et sans les échos nostalgiques d’un oncle, aussi soul soit-il !
Une publication partagée par BEN. (@benlonclesoul)
Pour 2023, Ben donne rendez-vous aux Londoniens le 9 février à KOKO – une discothèque dans un ancien théâtre de Camden Town (en bas de Camden High Street près de la station de métro Mornington Crescent). À cette occasion, Ben revient avec lepetitjournal.com sur son parcours à l’international.
Pourquoi Ben, et plus Ben L’Oncle Soul ?
Lors du confinement, nous étions dans une situation un peu tragique. Et je n’avais pas envie de faire d’entertainment ou d’amuser la galerie. J’ai préféré faire ressortir des émotions, des sentiments et des couleurs en lien direct avec ce que je vivais. Naturellement, je n’ai pas voulu qu’on pense à un soulman, au nœud papillon, aux bretelles, au côté spectacle. J’étais dans une phase d’introspection. La simplification de ce patronyme vient donc de là.
Soulman restera soulman, mais la mutation d’un artiste est importante
Mon premier album et ses succès continueront d’avoir leur vie indépendamment de ce que je deviens. Aujourd’hui, je suis plutôt dans une démarche d’accepter cette mutation, plutôt que d’essayer de maintenir une position qui ne serait plus la mienne.
Vous avez dévoilé un nouvel album aux influences R&B et reggae (Red Mango). Ce changement n’était-ce pas aussi une manière de se détacher d’une étiquette Soul ?
L’idée de ce précédent album est venue en tournée avec les Monophonics – un groupe de San Francisco avec qui j’ai fait mon 2e album. Nous nous sommes rendus compte, lors des soirs de tournée, dans le bus et à l’hôtel, que nous écoutions tout le temps du reggae. On s’est donc dit “tiens le prochain album sera un tribute au reggae”. C’était plus une plaisanterie, un clin d’œil que nous voulions faire.
Nous nous sommes prêtés au jeu et j’ai fait des reprises de Soul. Red Mango était plus une parenthèse musicale. Une vraie récréation. Un moment de plaisir.
Quelles sont vos inspirations?
Ce qui me porte et me fait avoir un espèce de fil rouge reste le Rythm&Blues et la Soul des années 60-70. Je suis attaché à Otis Redding, Aretha Franklin, James Brand…etc
J’écoute aussi beaucoup de R&B plus moderne. Je pense à Her, Daniel César, Pip Milett aussi que j’adore. Il y en a beaucoup. Même Jorja Smith m’influence à sa manière. Elle apporte de la fraîcheur, une manière de produire les morceaux que je trouve intéressante, et ce, avec une présence sur la voix. C’est assez intéressant. Mais je ne crois pas, très honnêtement, incorporer ces influences dans ma musique.
Pourquoi ces genres musicaux, plus que d’autres ?
Quand je mets ce genre de musique, j’ai toujours l’impression qu’un groupe est en train de jouer dans mon salon. C’est une musique qui accompagne nos vies. Je la mets à la maison, les enfants dansent, ma femme fait à manger. Nous vivons avec ces musiques.
La musique afro-américaine est vraiment celle que j’écoute chez moi. Mais je suis aussi assez fan de R&B. Ce sont des morceaux qui apportent la joie de vivre, de la chaleur humaine, et qui mettent une très bonne ambiance.
Avez-vous grandi avec de la musique afro-américaine ?
Oui ! Mes grand-parents travaillaient dans un lycée français à Tours. Un jour, ma mère – qui était scolarisée dans cet établissement – a eu un correspondant américain dans sa classe. Je ne sais plus d’où il venait exactement. Je crois qu’il s’appelait James. Qu’importe. L’important est qu’il soit venu avec des disques.
Il a alors fait découvrir à ma mère des compiles. Cela s’appelait Formidable. Il y avait Ray Charles, Stevie Wonder, Aretha Franklin, toutes les stars du moment.
Elle est tombée amoureuse de ce genre musical. Elle n’avait jamais entendu un truc pareil ! Mais lorsqu’il lui a fait écouter Otis Redding, alors là… Ma mère est devenue complètement fan. Elle a acheté tous ses disques, et moi, j’ai grandi en les écoutant.
Pourquoi avoir fait le choix artistique de chanter en anglais et en français ?
Le français reste ma langue maternelle, mais pour la musique, je préfère l’anglais. J’ai toujours entendu des morceaux chantés en anglais, et j’ai donc naturellement fait pareil. Au départ, je n’étais pas assez anglophone pour écrire et chanter, ou je faisais comme si je maitrisais. C’était du chewing-gum à l’époque (rires). Mais en ce moment j’ai vraiment l’envie de m’exprimer en anglais.
J’ai déjà chanté aussi en italien, en espagnol, mais ça n’était pas du tout ma culture. Je n’étais pas à l’aise.
Une publication partagée par BEN. (@benlonclesoul)
Y a t-il une différence entre le public français et le public étranger ?
Oui tout à fait. Sans stigmatiser, parodier ou faire de caricature, il y a quand même des publics différents. Rien qu’en France, entre le nord et le sud, il y a des choses qui sont différentes. Mais à proprement dit, le public français n’est pas le même qu’au Royaume-Uni, qu’en Allemagne ou qu’au Japon.
J’ai eu la chance de voyager et de faire des concerts dans de nombreux pays. Les Japonais, par exemple, forment un public assez incroyable. Il y a un respect ultime. Il faut presque driver, à la fin des morceaux, entre les morceaux, ce qu’il doit se passer. Ils ne vont pas applaudir par respect si tu n’as pas envie qu’on t’applaudisse. Il faut donner un peu les règles du jeu avant le concert. C’est très surprenant.
J’adore aussi jouer en Allemagne, bien que ce soit grand. Aux Pays-Bas aussi. L’ambiance est plus uniforme et le public est très friand de cette musique. Il y a une vraie compréhension. Certains artistes ne passent nulle part ailleurs en Europe qu’aux Pays-Bas. Cela montre vraiment que ce pays comprend la culture afro-américaine. Pour dire, certains musiciens ne passent pas à Paris et ne font qu’un concert à Rotterdam ! C’est dingue. Le public sait aussi mettre l’ambiance. Une bulle très populaire, chaleureuse et vraiment très conviviale.
Et le public londonien ?
J’adore également le public à Londres. Je n’ai que des bons souvenirs là-bas. Mais les premières fois où j’y ai joué, j’avais une petite appréhension. C’est vraiment une ville de musique. Une ville dans laquelle l’histoire de la musique a été marquée bien des fois. Et quand on a un peu d’ambition dans ce domaine, on peut se dire que le concert que nous allons donner est important. Il peut y avoir des personnes dans la salle qui vous remarquent. Ça crée parfois des enjeux qui nous dépassent… et qui font que je suis stressé et que j’ai du mal à manger au bar avant (rires).
Mais maintenant nous commençons à avoir de belles relations. J’y joue quasiment tous les ans et ça commence à devenir un des stops que j’ai l’habitude de faire. Nous sommes de plus en plus à l’aise. Le dernier concert que j’ai fait là-bas était incroyable. Nous avons vraiment adoré l’ambiance.
Il y a aussi une connexion naturelle qui se crée. Le public comprend naturellement les paroles – ce qui n’est pas nécessairement le cas des Français. En France, la consommation de cette musique est plus de l’ordre du divertissement. Le fond des choses n’est pas nécessaire à une bonne soirée. Dans les pays anglophones, il y a quelque chose de plus conscient.
Il y a toujours un parfum qui traîne, on sait toujours ce qu’est la soul
Considérez-vous votre musique comme un lien entre différentes cultures (entre la soul, la pop, le reggae, le français, l’anglais…etc) ?
Du fait d’être métisse, j’ai naturellement une sorte de double culture. Cela me paraît important de véhiculer une ouverture d’esprit, de partager différentes richesses culturelles, partager l’histoire de personnes aussi.
Je pense qu’il faut garder, non seulement une écoute, mais aussi des yeux ouverts sur nos différences. Finalement, je trouve que nous nous rassemblons beaucoup plus pour nos différences que pour nos ressemblances. Nous parlons toujours de clans etc… mais, personnellement, je ne me suis jamais senti aussi libre qu’en compagnie de personnes qui ne me ressemblent absolument pas. Et je ne me suis jamais senti aussi écouté qu’avec des personnes qui ne connaissent pas du tout ma culture. Ils sont curieux et n’ont pas d’a priori. J’espère véhiculer cela.
Il est pour moi très facile de composer ma musique librement. Tout simplement parce qu’elle ne correspond pas aux codes d’aujourd’hui. Et en même temps c’est une musique qui traverse plutôt bien – grâce au cinéma notamment – les années. Il y a toujours un parfum qui traîne, on sait toujours ce qu’est la soul. Je continue d’essayer de faire un lien. J’ai l’envie de parler des choses qui me traversent aujourd’hui. Nous sommes en 2023, je suis de la génération 84 et je suis ouvert sur plein de choses. J’essaye de rester connecter avec le temps.
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