Le Crédit Mutuel Arkéa et la Confédération nationale du Crédit Mutuel, l’organe central du réseau qui regroupe les 18 fédérations régionales du Crédit Mutuel et le Crédit Mutuel Agricole et Rural, font un pas l’un vers l’autre. Arkéa, qui compte plus de 5 millions de sociétaires et 11.000 salariés au sein des fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne et du Sud-Ouest notamment, revendique son indépendance depuis près d’une décennie, en vain. Dans un communiqué commun, les deux acteurs expliquent cette fois s’être entendus « sur le cadre et la méthode pour conduire un processus de négociation ».
« Cette négociation donne lieu, sous l’égide de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, à des travaux d’instruction menés entre les principaux dirigeants exécutifs du Crédit Mutuel, travaux qui aboutiront à l’élaboration de propositions définies entre élus et administrateurs au sein d’une instance dédiée », expliquent-ils. Interrogées, les deux entités n’ont pas souhaité faire davantage de commentaires.
Bien qu’elle reste floue, la notion « d’instance dédiée » semble aller dans le sens d’Arkéa. En octobre 2022, le groupe avait indiqué regretter le mandat donné au Comité de coordination de la Confédération pour trouver une issue. Ce dernier, qui a pour rôle de coordonner les groupes de travail thématiques et de donner un avis consultatif sur les décisions soumises au conseil d’administration, était qualifié d’« instance technique (…) déséquilibrée dans sa composition (un seul représentant du Crédit Mutuel Arkéa sur onze membres) (…) pas composée d’élus pourtant représentants des sociétaires ».
Les relations s’étaient, en effet, déjà réchauffées en 2022 entre les deux frères ennemis. En juillet, le conseil d’administration de la Confédération avait même voté son plein soutien à son président, Nicolas Théry, pour mettre fin au conflit après que des propositions faites lors de l’assemblée générale censées assurer l’autonomie d’Arkéa avaient amené les deux groupes à entrer, officiellement, en négociations. En mai 2021, le départ de Jean-Pierre Denis, qui n’a pas épargné la Confédération pour justifier sa décision de quitter le groupe qu’il a présidé pendant treize ans, et l’arrivée de Julien Carmona, qui préfère parler d’autonomie plutôt que d’indépendance, marquait une nouvelle donne.
Des divergences de fond subsistent pourtant. La Confédération avait proposé l’instauration d’un droit de veto pour toutes les fédérations dans les statuts, pour leur garantir l’autonomie stratégique, et un poste de vice-président délégué qui serait occupé par un représentant des fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne et du Sud-Ouest. Mais Arkéa, qualifiant la démarche « d’unilatérale », avait claqué la porte quelques semaines plus tard, laissant entendre que son maintien au sein du groupe ne se ferait que sur la base de ses propositions, à savoir limiter le rôle de la Confédération à ses prérogatives prudentielles.
Officieusement, les négociations, marquées par des hauts est des bas, n’ont jamais vraiment pris fin entre les deux camps, qui se renvoient tour à tour la responsabilité de l’échec des discussions. Des échanges directs entre les deux patrons ont déjà eu lieu, une chose encore impensable à l’époque de Jean-Pierre Denis. En terres bretonnes pour le départ de la Route du Rhum début novembre à Saint Malo, Nicolas Théry a déclaré au quotidien régional Le Télégramme, très suivi par les collaborateurs d’Arkéa, qu’il existe une « zone d’accord possible ». « L’ambition est de préserver la cohésion du groupe et de renforcer l’autonomie de ses membres, en recherchant ainsi une alternative au projet de désaffiliation porté jusqu’ici par les dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa, dont le mandat pourrait évoluer en fonction des discussions », réaffirment les deux groupes.
Le conflit, qui s’enlise depuis une dizaine d’années, mobilise d’autres acteurs. Dans une lettre adressée à la Première ministre et révélée par Le Télégramme, le président de la Région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, et celui de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, en appellent à la médiation de Bercy. Surtout, le superviseur unique européen (BCE) demande fermement à la Confédération nationale du Crédit Mutuel de régler le conflit depuis 2020. Une bonne résolution pour 2023 ?