ASSISES La deuxième journée du procès de l'affaire Sophie Le Tan a été réservée à l'examen de personnalité de son meurtrier présumé, Jean-Marc Reiser. Un individu trouble
A la cour d’assises du Bas-Rhin à Strasbourg,
Dans son box, l’homme pourrait passer pour un retraité comme un autre. Crâne dégarni aux cheveux grisonnants, lunettes qu’il remet à l’occasion, corpulence devenue moyenne avec sa détention depuis près de quatre ans… Jean-Marc Reiser ne porte pas, comme l’immense majorité des accusés qui l’ont précédé sur ce banc, le crime inscrit sur le front.
Mais qui est réellement l’auteur présumé du meurtre de Sophie Le Tan en septembre 2018 ? La question s’est longuement posée devant la cour d’assises du Bas-Rhin, à Strasbourg, ce mardi. Plusieurs personnes l’ayant connu ont témoigné, dont quatre ex-compagnes. Sans oublier le long rapport de l’enquêtrice de personnalité.
Il en ressort, d’abord, une enfance toute sauf linéaire. Le natif d’Ingwiller, 62 ans aujourd’hui, grandit dans une famille où « des marques d’attention ne sont pas apportées », note l’experte. Son père, ancien marin reconverti garde forestier dans le secteur de Niederbronn-les-Bains, revient souvent à la maison « ivre mort ». « Et il portait la main sur ma mère. J’intervenais parfois », a retracé Jean-Marc Reiser, qui se réfugie alors souvent chez son grand-père paternel. Jusqu’à être placé, à ses 15 ans, en maison de correction à Bischheim. Les conflits étaient devenus trop fréquents et graves avec son géniteur. « Une fois, il l’avait menacé avec une hache. Une autre, il lui avait lancé un électrophone [un tourne-disque] à la tête avant de s’enfuir dans la forêt », a relaté l’enquêtrice en évoquant un enfant « solitaire » puis un « adolescent timide ».
A sa majorité, le jeune homme valide son BEP banque, intègre La Poste et devient facteur dans la capitale alsacienne. Une situation suffisante pour se lancer dans une nouvelle vie ? Oui et non. Interrogées, quelques-unes de ses anciennes collègues de travail évoquent « un homme bougre au regard vicieux » « Il avait un comportement pervers et manipulateur avec une haute estime de lui-même », résume l’experte. « Cette enquête de personnalité est orientée et à charge », lui répond l’intéressé, avant de se lancer dans de longues explications. Comme des monologues, souvent précis et étayés, et qui lui permettent de prendre l’ascendant sur ses interlocuteurs.
C’est là un autre trait de caractère de l’accusé, présenté par plusieurs témoins comme « très intelligent » et « cultivé ». Curieux de nombreux domaines – « il connaissait tous les dieux grecs et égyptiens » et a un master d’archéologie – mais donc aussi « manipulateur ». Et capable, « de partir en vrille quand quelque chose ne lui plaisait pas », a rappelé une ex-concubine avec qui il a eu son unique fille. Ils sont restés « en couple pendant dix ans mais sans jamais habiter ensemble ». Une décennie pendant laquelle elle a raconté avoir été victime de violences. Pas sexuelles. « Quand il m’a par exemple attrapée dans la cuisine. Je suis tombée sur la gazinière allumée, ça m’a fait très mal, et il a continué à me frapper. »
Quelques minutes plus tôt, l’une des premières relations de l’accusée avait aussi rappelé une scène glaçante. Etudiante, Isabelle M. venait alors de poser un lapin à son copain de l’été 1986. « Il m’a retrouvé dans ma chambre, m’a mis dans sa voiture, a roulé très vite jusqu’à une forêt. Il m’a projeté au sol, donné des coups de pied. J’avais peur qu’il m’étrangle et le soir, on est retourné chez lui. Je voulais m’échapper mais il a changé les verrous de l’appartement. » Elle a finalement réussi à se défaire « de ses griffes » quelques semaines plus tard. « Je me suis terrée chez mes parents et ai déménagé à Brest. » Où Jean-Marc Reiser l’a quand même retrouvée et « harcelée pendant un an » a encore raconté la quinquagénaire, toujours marquée par l’épisode. « J’ai eu peur pendant dix ans dans la rue. Je le sentais derrière moi, même s’il n’y était pas. […] J’ai eu de la chance, il ne m’a pas tuée. »
Toutes ont également décrit un compagnon difficile à cerner. Habitué des promenades dans les bois sac au dos et sans amitiés stables connues. « Je ne le connaissais pas », a résumé Joëlle F., qui l’a pourtant fréquenté de 1987 à 1997. Jusqu’à ce que Jean-Marc Reiser soit incarcéré puis condamné pour deux viols. « Vous ne pouvez pas le quitter, il faut que ça vienne de lui. »
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