Belgique
Les progrès en matière de recherche ADN permettent aujourd’hui de retrouver une même famille “biologique” à partir d’une trace ADN recueillie sur le lieu d’un crime. Une perspective jugée intéressante par les partisans d’une modification du cadre légal afin d’autoriser ces investigations plus approfondies pour identifier l’auteur d’un crime.
La méthode consiste à retrouver d’éventuels “proches” liés par une parenté biologique pour arriver par cette voie détournée jusqu’à l’auteur. Avec la perspective de résoudre par ces nouvelles méthodes d’enquête des “cold case”, ces affaires non élucidées.
Sans entrer dans les détails du processus de recherche ADN, que faut-il retenir à ce stade ? D’abord qu’en Belgique pour l’instant, la recherche pour des raisons légales se limite à tenter de trouver par comparaison une correspondance parfaite entre un profil ADN de référence trouvé sur une scène de crime avec celles de suspects et de témoins disponibles dans le cadre de l’enquête pour autant qu’ils acceptent un prélèvement d’ADN.
Si cette première recherche ne donne rien, il est possible dans un second temps de comparer le profil ADN d’une scène de crime avec ceux d’individus condamnés pour certaines catégories d’infractions et dont les profils ADN sont enregistrés dans une banque de données exclusivement judiciaire. Un processus assez similaire à celui du fichier des empreintes digitales.
La recherche ADN permet aujourd’hui d’élargir les bases de comparaison. Notamment ce qu’on qualifie de “recherche de parenté”, ce qui n’est pas autorisé jusqu’ici en Belgique. La volonté du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne est de changer la loi pour le permettre. Un projet sera sur la table du gouvernement en décembre.
Des proches “biologiques” mais se connaissent-ils ?
Si ce projet est adopté, pour Bertrand Renard, chercheur en sciences sociales et criminologue, les investigations pourront aller plus loin : “Lorsqu’on découvre à partir d’une trace ADN des profils “très proches”, cela indique qu’on a généralement affaire à des personnes d’une même famille au sens génétique, donc des personnes apparentées biologiquement. Pour des crimes très graves, on pourrait dès lors se dire, faute d’avoir sous la main un suspect qu’on a identifié, exploitons les profils de personnes proches afin de permettre d’ouvrir des pistes d’enquête dont on ne dispose pas jusqu’à présent”.
Si cette recherche de parentalité a déjà porté ses fruits, notamment aux Pays-Bas, elle soulève des questions sur le plan de l’enquête et sur le plan éthique, sans compter le coût des frais d’analyses de ces nombreux profils ADN.
Investiguer vers des personnes qui n’ont rien à se reprocher
Sur le plan éthique lorsqu’on dirige les investigations vers des personnes a priori totalement étrangères au crime commis et qui ne sont dès lors ni suspect, ni témoin, cela pose pour Bertrand Renard deux questions fondamentales, d’abord celle du cadre légal : ” Cette nouvelle pratique correspond-elle à l’esprit voulu par le législateur ? Et la réponse est probablement non ! L’esprit était clairement de dire, il y a une protection de la vie privée de la personne concernée, celle à qui on demande de faire un prélèvement. Or, ici on étend la possibilité d’investigation autour de l’entourage des personnes concernées et donc on offre à la justice une possibilité d’enquête quand même un petit peu différente”. Et de pointer le risque de voir des investigations démarrer sur une base “biologique” pour aboutir très souvent à des personnes ciblées qui ne se connaissent pas dans la vie réelle.
L’autre question fondamentale concerne la gestion des banques de données. Va-t-on se limiter à faire des comparaisons avec l’unique banque de données judiciaire, celle des personnes déjà condamnées, ou va-t-on permettre d’aller puiser des informations dans l’immensité des banques ADN qui circulent sur le marché de l’offre privée ?
Tout cela va exploser complètement
Pour Bertrand Renard, le système de l’ADN récréatif est désormais bien connu. Ce sont des sociétés privées qui collectent sur base volontaire et payante de l’ADN de personnes et en échange ces sociétés vous indiquent d’éventuelles origines familiales issues de différentes régions du pays ou du monde : “Des sociétés qui gagnent de l’argent en vous faisant payer ce service mais ce qu’elles ne disent jamais c’est que toutes ces données sont emmagasinées et vendues par la suite à prix d’or notamment à des sociétés médicales”.
Va-t-on permettre bientôt de recourir à l’utilisation marginale de ces banques privées pour étendre des recherches judiciaires ? Des cas existent déjà à l’étranger et la pression deviendra forte au fil du temps : “Ce que ne réalise pas encore le législateur chez nous aujourd’hui, c’est le fait de la multiplication des banques de données récréatives et d’autres qui n’ont rien à voir avec le judiciaire”, constate Bertrand Renard “et à l’avenir, tout cela va exploser complètement dans la mesure où l’on va pouvoir relier notamment grâce à la recherche familiale l’ensemble de ces données ADN disponibles sur le marché. Si le législateur l’autorise”.
Et ce professionnel de l’enquête de plaider pour l’instauration d’un véritable débat public sur les balises à poser par le législateur en matière d’utilisation de banques de données dans un cadre judiciaire, de manière à distinguer clairement ce qui sera permis.
Ce mercredi, #Investigation s’intéresse aux nouvelles techniques d’identification de l’ADN utilisées par la police….
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