epuis plusieurs mois, les vignerons font face à des hausses des coûts des matières premières inédites. Selon une enquête réalisée par la chambre d’agriculture du Loir et Cher en avril dernier auprès des vignerons du Centre Val de Loire et deux distributeurs du Loir-et-Cher, le prix des bouteilles a ainsi augmenté de 25 à 50 %, celui des cartons de 20 à 31 %, celui des étiquettes de 20 à 34 %, les capsules de 11 à 20 %, les piquets bois de 5 à 15 %, les piquets en galva de 42 à 52 %, les fils de fer de 20 à 93 %… A cela s’ajoute l’augmentation du prix du GNR, du matériel…
Quel est l’impact de toutes ces augmentations sur les coûts de production des vignerons ? La chambre d’agriculture du Loir et Cher a fait les calculs en prenant comme base le référentiel économique du vigneron 2020-2024 pour les vignobles Centre Val de Loire (vignobles de l'Ouest) qu’elle a édité. Les résultats (pour des calculs au 1er mai 2022) qu’elle a présentés ce 15 juin lors d’un webinaire sont impressionnants. Pour la plantation d’une vigne, cela engendre une hausse des coûts de 10 %. Pour la conduite de la vigne, la hausse est également de 10 %. Les coûts de vinification augmentent aussi de 10 %, les coûts de mise en bouteille de 30 %.
Au total, hors frais de commercialisation, cela engendre une augmentation du coût de production du litre de vin de 10 % si le vigneron vend en vrac et de 13 % s’il vend en bouteille. Mais si l’on intègre les frais de commercialisation et la création de valeur qui est essentielle pour assurer la pérennité des entreprises, la hausse est de 16 % en moyenne (en prenant comme base un rendement de 55 hl/ha en moyenne). « Face à cette forte augmentation des charges, il y a deux postures possibles : soit j’impute une hausse de 3 à 5 % de ma grille tarifaire et je prends sur ma marge ; soit j’impute 15 à 20 % de hausse mais dans ce cas comment va réagir le client. Comment voyez-vous les choses ? », a demandé Michel Badier, chargé de mission viticole à la chambre d’agriculture du Loir et Cher aux vignerons qui participaient à ce webinaire.


Denis Carretier, vigneron dans l’Hérault et président de la chambre d’agriculture d’Occitanie a réagi immédiatement « La situation économique actuelle ne permet pas de faire passer des hausses de tarifs aussi conséquentes. Le vin n’est pas un produit de première nécessité. (…) Aujourd’hui le réflexe des consommateurs est d’acheter le moins cher possible car tout augmente ». Une viticultrice confirme : « 16 % d’augmentation c’est trop ! Sur tous les événements organisés par le monde du vin, on voit une grosse baisse de la fréquentation et un panier moyen qui baisse. Il est difficile de faire passer des hausses quand il n’y a pas la fréquentation et le retour client qui va bien ».
Pour un autre viticulteur présent « tout dépend des circuits de commercialisation ». Selon lui en en GD c’est très compliqué de faire passer des hausses mais pour les particuliers qui viennent au domaine « c’est plus simple » sauf pour les clients locaux « qui ne comprennent pas trop ces hausses ». Il explique qu’avant la guerre en Ukraine, il a appliqué une première hausse tarifaire de 4 à 5 % du fait de la petite récolte et qu’il en envisageait une deuxième de 5 % au 1er juillet, « soit une hausse de 10 % au total ». « Peut-être que ça va freiner les volumes mais si l’on n’applique pas de hausse, on va se retrouver dans le rouge aussi. Il faut trouver un équilibre (…) Mais une augmentation des prix de 15 à 20 %, dans la majorité des cas, ce sera impossible à faire passer ».
Un autre viticulteur a évoqué une autre piste de travail « pourquoi ne pas envisager une hausse de 2 à 3 % pour les cuvées d’entrée de gamme et réserver la hausse de 10 à 20 % pour les cuvées haut de gamme ? », tout en reconnaissant que cela ne suffira pas. Toujours est-il qu’il faudra bien expliquer les choses aux clients. Sur ce point la chambre d’agriculture s’est dit prête à travailler sur un argumentaire pour épauler les vignerons.