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Pas ça Kylian, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait. Quand ton entraîneur, Christophe Galtier, a ironisé sur le déplacement en « char à voile » du Paris Saint-Germain plutôt qu’en jet privé, tu t’es gondolé comme une baleine. Tu as 23 ans et tu ne peux pas être sérieux tout le temps. Qui n’a jamais ri quand il ne fallait pas ? Le rire devait être d’autant plus difficile à contenir que vous aviez sans doute évoqué le sujet entre vous avec ton coach, hors caméras, sur le mode : « Combien tu paries qu’ils vont nous tanner avec ça ? » C’est d’ailleurs ce que Christophe Galtier reconnaît à demi-mot en commençant sa réponse par : « Je me doutais qu’on allait avoir cette question-là. »
La séquence dans son intégralité est encore pire.#PSG#Galtier#mbappé#jetprivepic.twitter.com/wYqjYD9j3G
— Antoine Llorca (@antoinellorca) September 5, 2022
La séquence dans son intégralité est encore pire.#PSG#Galtier#mbappé#jetprivepic.twitter.com/wYqjYD9j3G
Tout cela, l’éclat de rire et la blague de l’entraîneur, serait oublié s’il y avait eu une suite, un propos après la pirouette. Au lieu de ça, le coach du club qatari ne trouve rien de mieux à ajouter à sa saillie qu’un trivial « voilà » d’élève ne sachant pas quand terminer son exposé. Et toi, Kylian, que réponds-tu quand notre confrère te relance pour savoir ce que « Monsieur Mbappé » pense des jets privés ? « Oh, je pense rien. » Puis tu te lèves et tu te barres, comme dirait l’autre. Il ne manque plus que tu célèbres un éventuel but contre la Juventus en faisant l’avion pour que le tableau soit complet. « Le football il a changé », dis-tu ? Pour toi, la routourne a vite tourné. Où est passé le footballeur si conscient de lui-même et de son influence auprès de millions de personnes, capable de refuser que son image soit associée à des marques au nom de critères éthiques ?
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Maintenant, c’est trop tard : tu as endossé ce rôle d’exemple, affirmé ta conscience politique, tirant de ce fait un indéniable bénéfice d’image auprès du grand public. Ne rien penser n’est plus une option, c’est trop facile. Pas plus que de t’abriter derrière ta simple fonction de sportif : si tu peux réfléchir en homme d’affaires avisé et en fin stratège médiatique, tu peux aussi réfléchir en citoyen. De ce point de vue, tes ricanements sont une faute, une illustration de la sécession climatique des élites, l’équivalent écologique d’un « qu’il mange de la brioche ». Gironde, Ardèche, Isère, Bretagne : le pays a brûlé tout l’été à cause de la crise écologique, et tu te marres. Les Français sont priés de baisser le chauffage et de pisser sous la douche, et tu es plié en deux.
On pourra toujours hurler à la démagogie, disserter sur la récupération des joueurs – quand Neymar n’est pas en boîte –, souligner que le PSG est en négociation avec la SNCF, que les horaires des trains de nuit sont incompatibles avec les matchs, que l’arrivée des stars dans une gare créerait un sérieux problème d’ordre public et de sécurité pour les joueurs. On aura sûrement raison : tout cela ne se règle pas en claquant des doigts. Certes, Neymar et Messi gare d’Austerlitz, c’est l’émeute assurée en l’état actuel des choses. Il n’en reste pas moins que le monde du foot sait très bien régler les défis logistiques quand ils se présentent à lui. À plus forte raison le monde du foot perfusé aux pétrodollars qataris. S’il est possible d’organiser une Coupe du monde en novembre dans des stades climatisés, déplacer quarante personnes d’un point A à un point B 19 journées par saison sans participer au saccage de l’environnement ne doit pas être si difficile.
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Une réponse donnant la vague impression que cette préoccupation n’était pas totalement hors de vue aurait suffi. Bien sûr, ce n’est pas à l’entraîneur du PSG et à son attaquant vedette de donner une solution concrète au problème. Il s’agissait seulement de montrer que cette élite-là, qui n’a pas encore coupé tous les ponts avec « le peuple » grâce au lien émotionnel qui unit tous les passionnés de foot, avait bien perçu que l’écologie n’était plus la marotte des pères-la-morale ou des ayatollahs verts, mais une question de décence commune. En somme, on ne demandait pas grand-chose au PSG : faire de l’affichage écolo, mettre sa force de frappe en matière de communication au service de la bonne cause.
Et là, patatras ! Quelle déception. En fait, tu ne vaux pas mieux que Bernard Arnault, Kylian. La différence entre lui et toi, c’est que tu es une idole, à tort ou à raison. Personne, hormis chez les Jeunes avec Macron et les Loups de Wall Street en herbe, ne voit Bernard Arnault comme un modèle. La cause est entendue, le milliardaire agit comme s’il ne devait rien à la société sur le dos de laquelle il se gave. Personne n’a son nom floqué dans le dos, personne n’attend des heures pour obtenir son autographe, personne ne se ronge les sangs en attendant de savoir s’il partira à Madrid ou pas. En un mot, personne ne l’aime et personne n’en attend rien en dehors de son argent. Ce n’est pas ton cas, Kylian.
Par Louis Nadau
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