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"Pourquoi a-t-on besoin d'une nouvelle norme RSE post Iso 26000 ?" – Novethic Essentiel

Par  Patrick D’HUMIERES | Publié le 31/01/2023

"Pourquoi a-t-on besoin d'une nouvelle norme RSE post Iso 26000 ?" - Novethic EssentielMême si l’impératif de décarbonation s’impose progressivement à toutes les gouvernances d’entreprise, qui multiplient les engagements et proclament toutes leurs bonnes intentions, la situation de la RSE en France, comme partout en Europe, ne peut se limiter à des stratégies climat tout en continuant comme avant dans les autres champs de responsabilité. La situation actuelle se caractérise par une très grande diversité de démarches dites RSE, entre lesquelles il est devenu très difficile aujourd’hui, pour les investisseurs et régulateurs et encore plus pour l’opinion, de faire le tri quant à la réalité de ces démarches. La publication des ESRS (standards de reporting durable par l’Efrag, NDR) va répondre en partie à cette problématique de cacophonie, en imposant des indicateurs communs caractéristiques des pratiques ESG les plus attendues. Mais leur nombre et leur précision vont demander du temps avant que les fonds et les agences de notation n’en tirent des classements pertinents, chacun pour ses besoins d’analyse.

Cette rationalisation nécessaire de la transparence des entreprises, dont l’Europe a fait un objectif en soi dans le cadre de sa stratégie de finance durable et du Green Deal, n’apportera pas avant longtemps une visibilité satisfaisante de l’état des lieux “durable” de notre économie. Pour deux raisons simples : d’abord, la CSRD (Corporate sustainability reporting directive) n’est pas accompagnée de sanctions et son application générale reste très pragmatique et incomplète, en fonction du degré d’exigence des fonds qui ne touchent que les grandes entreprises cotées. Ensuite, il faudra attendre un bon usage des référentiels sectoriels pour que l’on puisse situer les positions relatives des acteurs sur les enjeux spécifiques de leur champ d’activité. 
Si la CSRD renforce utilement la crédibilité des données RSE en Europe, elle ne pousse pas automatiquement à l’action. Elle ne portera véritablement un effet que si elle s’intègre dans un rating unique qui agrège les données ESG de toutes les composantes majeures, pour apprécier sur une échelle “la réalité durable” de chaque entreprise. On en est loin encore, tant sur le plan méthodologique que sur le plan politique. 
Il faut rappeler que l’Union européenne a choisi de laisser la transformation se faire à la main et à la vitesse des acteurs de la finance. Elle n’a pas choisi de changer le modèle libéral qui laisse à chaque gouvernance de chaque entreprise sa propre gestion de la performance financière et extra-financière. Elle a néanmoins relevé le seuil du droit à opérer, au-delà des lois nationales sur les droits de l’entreprise, en posant des exigences de base concernant la vigilance sur la chaîne de valeur, des règles de circularité, de sécurité pour le consommateur (REACH) et d’attention aux impacts qui peuvent ensuite faire l’objet de jurisprudences régulatrices. 
Le fameux seuil de “prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux” de la loi Pacte s’inscrit dans une appréciation discrétionnaire du conseil d’administration et rien ne conduit encore à le discuter, voire le négocier, avec les parties prenantes, selon les degrés d’engagement volontaristes des dirigeants. On a vu récemment que le niveau de rendement financier moyen n’avait pas bougé en dépit des appels à une répartition plus juste de la valeur, incitée par le Rapport Perier, les appels gouvernementaux sur les rémunérations, l’appel du directeur général de la Caisse des Dépôts à plus financer la mutation, etc. Seule se distingue l’annonce spectaculaire du président du Crédit Mutuel de consacrer 15% de son résultat net à son engagement sociétal et d’appeler les autres à en faire autant !
Cet écart entre la forte demande de transparence “ESG/RSE” de la part des entreprises, à des fins de gestion des risques pour les investisseurs, et la très grande confusion dans les formes d’engagement pratiquées dans le sens du développement durable, encore très peu lisible mais aussi sans conséquence sur les incitations publiques, pose un problème majeur. C’est celui de la crédibilité de la volonté des dirigeants de faire ce qu’il faut, vraiment, vers une transformation durable systémique qui se déploie en cohérence avec les agendas publics, comme l’Accord de Paris et les ODD. Faut-il passer à des obligations, créer des incitations plus positives, c’est-à-dire des contreparties ? C’est un débat qu’on n’évitera pas longtemps, dès lors qu’on ne disposera pas d’une notation ou d’une évaluation sur le degré de durabilité des modèles d’affaires de chaque entreprise.
En attendant, une voie pragmatique reste possible. Ce serait de disposer d’un cadre normatif à jour encourageant à pratiquer “la durabilité responsable” au plus haut niveau des bonnes pratiques, qui soit évaluable au minimum pour traduire le niveau de maturité durable d’une entreprise. Il s’agit de reprendre toutes les obligations de base, tous les référentiels reconnus et tous les cadres d’engagement qui fondent aujourd’hui cette définition assez consensuelle de ce qu’est un modèle d’affaire durable, dans sa pratique de gouvernance mais aussi dans le fonctionnement de son process de production, dans son offre et sa relation au marché et bien entendu dans l’évolution négociée et affichée de la répartition de sa valeur crée, ultime critère d’affichage de la mission que se donne l’entreprise… 
Tel est le projet proposé par la Commission nationale de normalisation, qui produisit le cadre Iso 26000 il y a une décennie. Elle invite tous les acteurs, des employeurs aux syndicats, des consommateurs aux experts, des régulateurs aux investisseurs, à formaliser ensemble cet idéal de responsabilité qui rapprochera les modèles actuels du cadre des ODD, dont nul ne doute désormais qu’il sera exigé de toutes les entreprises d’ici 2030.  Le résultat est atteignable car la vision est de plus en plus commune et les outils connus. L’objectif est de proposer une norme volontaire synthétique qui part du socle acquis de l’Iso 26000 et qui se fixe l’idéal durable d’un modèle global dont les contours sont dans le domaine public, tels que promus par les acteurs avancés et les pionniers de la RSE. 
En attendant le cadre de notation publique, peut être universel, qui naîtra un jour (“l’EBITDA Durable” !), la réussite de la transition a besoin de ce cadre normatif volontaire, évaluable, qui fixe le contenu de cette ambition d’entreprise durable qui fait son chemin dans nos économies régulées, reposant de plus en plus sur le dialogue et le contrat public-privé.■
Patrick D’Humières* 
*Président de la commission nationale de normalisation RS DD, enseignant et acteur historique de la RSE (membre entreprise du Grenelle de l’environnement, co-fondateur du C3D, de EcoLearn), auteur d’ouvrages pédagogiques et d’essais dont “la nature politique de l’entrepreneur” et “L’éveil de la pensée européenne”.
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https://netsolution.fr/gestion-de-la-production/

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