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La gratitude est l’un des fondements de la psychologie positive. Ses effets sur le bien-être mental et physique ont été étudiés par la science. Pratiquer la gratitude vise à se recentrer sur les aspects satisfaisants du quotidien, souvent balayés par les éléments négatifs qui nous marquent d’emblée.
« La gratitude est une émotion positive et agréable dans le sens où elle fait du bien dans le corps puisqu’elle procure des hormones de plaisir et de bien-être absolu. Elle est considérée comme l’émotion la plus puissante de toutes les émotions positives », explique Cécile Neuville, psychologue spécialisée en psychologie positive.
La gratitude est une prise de conscience de la chance que l’on a dans les différents aspects de son quotidien. « Elle consiste à se connecter à tout ce pour quoi on se sent dans la reconnaissance », précise la psychologue. Elle serait divisée en deux séquences, selon Robert Emmons, docteur en psychologie et pionnier dans les recherches sur la gratitude : le constat du bien dans notre vie puis la reconnaissance que la source se trouve, au moins en partie, en dehors de nous-même. Ainsi, la gratitude est plus qu’une émotion, elle suppose la volonté de reconnaître qu’un individu a intentionnellement procuré du bien-être à autrui.
La gratitude se différencie de la politesse. Il s’agit plutôt de la capacité à reconnaître une émotion liée à la surprise, la joie, l’émerveillement et un sentiment de connexion aux autres. Elle est donc différente du « merci » exprimé automatiquement, par pure politesse. Alors que l’on a tous un « biais de négativité » plus ou moins prononcé qui oriente notre attention vers les aspects négatifs du quotidien, la gratitude permet de rééquilibrer nos perceptions. « Quand on travaille sa gratitude, on développe de plus en plus ses facultés d’optimisme et de positivité », ajoute Cécile Neuville.
Selon la psychologue Cécile Neuville, la gratitude possède des bénéfices à trois niveaux : émotionnel, intellectuel et physique. Les bienfaits de cet état d’esprit sur le bien-être mental et physique ont été mis en évidence pour la première fois dans une étude en 2003, lorsque Robert Emmons et Michael Mc Cullough ont proposé à trois groupes d’étudiants de tenir pendant deux semaines, soit un « journal de gratitude », soit un « journal de tracas », soit un journal de leur choix. Ils ont alors observé des améliorations pour les étudiants du premier groupe, tant dans leur santé physique et psychique, que dans leurs relations.
Les chercheurs ont d’abord constaté une amélioration de l’humeur, de la satisfaction par rapport à la vie et de l’optimisme. « Les études ont démontré que quand on pratique régulièrement la gratitude, on a un taux de stress beaucoup plus faible puisque le fait de procurer des hormones du bien-être diminue les hormones du stress. Ça permet de régulier son état émotionnel : on se sent plus serein, calme, apaisé », confirme Cécile Neuville. Le sommeil semble s’améliorer grâce à cette pratique qui stoppe les ruminations. Un autre indicateur est l’orientation de l’attention, qui détecte davantage les moments gratifiants du quotidien. « La gratitude nous permet de nous connecter à l’instant présent », assure la psychologue. « On est plus concentré, plus efficace, on a une meilleure mémoire. On est plus optimale dans sa façon de penser, d’organiser, de prendre des décisions. On a plus d’attention », poursuit-elle.
En outre, les personnes qui expérimentent cet exercice seraient plus à même de gérer le stress au quotidien. Au cours de l’expérience, elles ont également signalé moins de troubles physiques, tels que des migraines ou des maux de ventre. « Le corps est plus détendu et les tensions physiques sont diminuées », précise Cécile Neuville. Une semblable étude a été lancée ensuite en proposant de pratiquer un journal de gratitude pendant dix semaines : les effets bénéfiques ont été observés durant les six mois qui ont suivi.
Enfin, la gratitude possède également des effets bénéfiques sur le plan relationnel. Elle génère de la bienveillance envers autrui et favorise les comportements prosociaux. « Les personnes ayant une forte propension pour la gratitude ont la capacité d’être plus empathiques et de prendre davantage le point de vue des autres en compte », écrit Cécile Neuville dans son ouvrage Apprendre à lâcher prise (Poche, 2013). Ce sentiment va bien au delà de la quête du bien-être individuel, en contribuant au bien-être social.
Reste que la gratitude est une émotion complexe qui ne peut être ressentie que si l’on est attentif à l’autre et à ce qui nous entoure. Elle nécessite une forme d’humilité et d’acceptation de l’« interdépendance » avec autrui. La pratique de la gratitude relève donc d’un « entraînement mental », qui demande de la régularité, comme le souligne Cécile Neuville. « C’est comme le sport. Ce n’est pas une séance de gratitude qui va changer notre vie ! Ça va me faire du bien, mais ça ne suffit pas », schématise-t-elle. La psychologue recommande de commencer par s’y mettre quelques minutes par jour, de préférence le matin ou le soir.
Pour ce faire, la psychologie positive a développé plusieurs outils :
Le plus connu, et le plus simple, est le journal de gratitude. Cet exercice consiste à noter chaque soir jusqu’à cinq choses, petites ou grandes, pour lesquelles nous éprouvons de la gratitude. « Au début, il peut être difficile de trouver des situations pour lesquelles nous sommes réellement reconnaissants », admet Cécile Neuville. « Plus on va pratiquer, plus on va trouver des expériences positives », insiste-t-elle. Progressivement, l’attention va s’orienter naturellement vers les moments gratifiants du quotidien. « On n’a plus besoin de pratiquer la gratitude, on arrive à vivre dans la gratitude au quotidien ».
La méditation de gratitude est une méditation qui vise à cultiver la gratitude, et être reconnaissant pour ce que le monde et la vie nous offrent au quotidien. Cécile Neuville préconise de pratiquer la méditation guidée pour débuter. Il existe de nombreuses séances de méditation guidée de gratitude sur Internet ou sur les applications de méditation. Petit à petit, il sera possible de méditer seul.e, en pensant à tous les petits moments de joie et de plaisir que l’on vit. « On conseille de pratiquer cette méditation le matin au réveil et le soir au coucher : le matin car cela permet de libérer des hormones de bien-être pour la journée et le soir pour apaiser l’esprit avant de dormir », indique la psychologue.
Cécile Neuville détaille aussi les exercices qui pourraient être réalisées en famille pour cultiver et favoriser la croissance de la gratitude chez les enfants. Au moment du coucher, la psychologue recommande de se remémorer les moments de sa journée pour lesquels on est reconnaissant. « On remercie le copain qui a été gentil, la maîtresse qui a fait un compliment… On peut pratiquer la gratitude avec ses enfants en utilisant des mots simples », développe Cécile Neuville.
Pour aller plus loin, les spécialistes en psychologie positive recommandent également l’écriture d’une lettre de gratitude. Un courrier pour expliquer à son ou sa destinataire ce qu’il ou elle « nous a apporté, consciemment ou non, ce qu’il ou elle représente pour nous » et lui exprimer notre profonde gratitude. Bien sûr, il est aussi possible d’envoyer la lettre, ou de la lire de vive voix lors d’une « visite de gratitude », le « niveau ultime », selon Cécile Neuville. L’exercice de la lettre met ainsi en lumière l’intérêt social de la gratitude. « Ça fait du bien à la personne qui écrit et à l’autre personne et ça renforce les relations », estime la spécialiste.
Qu’importe l’exercice choisi, la pratique de la psychologie positive ne se résume pas à « se voiler la face et se convaincre que tout va bien », prévient Cécile Neuville. Néanmoins, cela permet de changer de vision. La gratitude peut être un facteur de résilience. « On surmonte plus facilement les difficultés de la vie et on développe la capacité d’adaptation aux situations complexes », explique la psychologue.
En effet, les émotions positives qui sont liées au sentiment de reconnaissance améliorent notre adaptation aux situations difficiles. « Être dans la gratitude permet de réguler la tristesse et les émotions moins agréables des moments difficiles, ce qui n’enlève pas la tristesse qu’il est important de vivre mais la réduit en intensité et en durée », affirme la psychologue.
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