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Le XXe congrès du Parti communiste chinois s’est ouvert le 16 octobre à Pékin. Grand-messe médiatique qui met en scène 2 300 délégués, sans aucun suspense, car les postes-clé sont répartis à l’avance et verrouillés par Xi Jinping, qui cumule les fonctions de président de la République, de chef des armées et de secrétaire général du Parti.
Y a-t-il encore au sein de la classe politique chinoise des personnalités capables de contredire celui qui concentre tous les pouvoirs depuis dix ans ? Et peuvent-elles se faire entendre pendant ce Congrès ? Entretien avec Alex Payette, PDG de la société de conseil Cercius et spécialiste du régime politique chinois.
RFI : Il se murmure que Xi Jinping pourrait s’arroger le titre de « président à vie » au terme de ce XXe congrès, ce qui l’autoriserait, en théorie à se maintenir au pouvoir jusqu’à la fin de ses jours. Est-ce que vous y croyez ?
Alex Payette : S’il prend vraiment la peine de changer de titre, il faut que cela en vaille la peine dans la durée. Le problème, c’est que non seulement les forces d’opposition à Xi Jinping vont se lasser, mais aussi les gens qui le suivent, parce que si votre leader vous annonce soudainement qu’il va rester en poste jusqu’à la fin de ses jours, cela implique que vos perspectives d’emploi vont s’arrêter ici. Dans ce cas, qu’est-ce qui pourrait les motiver à continuer ? À être loyaux, à suivre la ligne du « zéro Covid-19 », si leurs perspectives de carrière deviennent inexistantes du jour au lendemain ?
Vous parlez de frustration et d’opposition à la ligne de Xi Jinping. Cela signifie qu’aujourd’hui, il existe des responsables politiques chinois capables de pousser leurs pions pour dire au président qu’il est trop conservateur, qu’il se trompe, qu’il va dans la mauvaise direction ?
Votre question va trop loin dans la mesure où ce sont beaucoup plus des concessions politiques. Par exemple, dans un scénario où quelqu’un décide de partir des instances suprêmes du Parti, Xi Jinping devra en contrepartie coopter la personne que le partant va suggérer pour tel poste. Xi Jinping sera beaucoup plus enclin à accepter ce genre de négociations pour se débarrasser de certaines personnes. Faire entrer des personnalités subalternes en contrepartie du départ d’un cadre qui n’est pas sur sa ligne, pour lui ça ne posera pas de problème.
Mais si, comme vous le dites, il a envie de se débarrasser de certaines personnes, c’est que ces gens-là lui posent un problème. De quelle manière s’exerce l’opposition au sein du parti ?
Des choses comme ce que l’on voit dans les Parlements de certains pays d’Europe de l’Est, où l’on se lève et où l’on y va à grands coups de poing, ça non, vous ne le verrez pas. L’opposition s’exerce de manière beaucoup plus subtile : par exemple, un article publié dans une revue officielle qui fait référence à Deng Xiaoping, l’ancien président à l’origine de l’ouverture de l’économie chinoise, et qui ne mentionne pas du tout Xi Jinping. Ça, c’est quelque chose qui est problématique pour le Parti, parce que cela indique qu’il y a encore des gens capables de faire passer des messages, bien que l’appareil de propagande soit de plus en plus contrôlé par Xi Jinping. Mais il ne faut pas oublier une chose : si les tensions à l’intérieur du Parti deviennent trop intenses, il y a un risque de déstabilisation qui est inacceptable, aussi bien pour Xi Jinping que pour ses opposants.
Est-ce que la fameuse campagne anticorruption lancée par Xi Jinping a aussi servi à ça, à liquider des opposants potentiels ?
Oui, notamment les gens de l’ancien régime, tous les réseaux provinciaux et sectoriels qui avaient été mis en place vers le milieu ou la fin des années 90. Ce sont ces gens-là que le régime fait enlever, parce qu’ils vont permettre, jusqu’à un certain point, la grande ouverture de la Chine aux capitaux étrangers. Pour Xi Jinping, c’est problématique, dans la mesure où ils encouragent la mise en place de systèmes qui concourent à faire entrer et sortir des capitaux de Chine. Mais s’ils ne le font pas, ils se donnent les moyens de mobiliser des moyens financiers pour saccager certains secteurs de l’industrie afin de lui nuire.
On entend dire que ces gens-là trouvent qu’ils penchent trop à gauche. Qu’est-ce que cela signifie ?
On parle de gauche, parce qu’il y a beaucoup de similitudes avec ce que l’on a vu en 1949 et au début des années 1960 : les grands systèmes de planification, les grands plans, une structure beaucoup plus dirigiste, plus poussée, administrée par une bureaucratie plus autoritaire. Xi Jinping essaie de réduire les influences extérieures, c’est avant tout une fermeture idéologique. Ensuite, en matière économique, et surtout depuis l’avènement de la guerre commerciale avec les États-Unis, il s’agit de revenir à une économie beaucoup plus dirigée par l’État, une optique de production et d’échanges internes, une réadaptation des lignes de production, tout son système tend dans cette direction.
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